Nos compagnons karmiques

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Nos compagnons karmiques

Pascal Patry astrologue et thérapeute à Strasbourg 67000
Publié par Pascal Patry dans Anthroposophie · 8 Octobre 2022
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Nos compagnons karmiques

Travail soutenu par les Docteurs Claude Boudot, Vincent Hédon et Robert Kempenich par leur intérêt et leurs compétences pro­fessionnelles en médecine anthroposophique.

Si le sceau d’une véritable vie anthroposophique est de se préoccu­per profondément du mystère de la vie humaine, alors les liens de l’ami­tié, les liens avec la famille, les compagnons ou les collègues, consti­tuent le principal élément de ce mystère - que nous nommons de manière si abstraite « destinée ».

Il est certain que chacun de nous est un individu qui fait des efforts pour vivre ; néanmoins, l’unicité de chacun repose, en grande partie, sur le tissu de relations humaines auquel il appartient. Il n’y a pas deux trames identiques. Touchez à une vie humaine et cela a une répercus­sion ici ou là, de manière imprévisible.

Chez l’enfant, la trame des relations existe pendant longtemps à l’état potentiel ; des liens cruciaux, dont la signification s’éclaire plus tard, émergent comme par hasard. Chez les personnes âgées, la trame se trouve dans l’abondance des souvenirs de leur vie : lieux et circons­tances dans lesquels les personnes furent rencontrées, mais surtout rela­tions avec ces êtres, compagnons d’une partie du chemin de leur vie.

À propos de ces compagnons : certains nous accompagnent toute notre vie, d’autres pour un certain temps seulement. Certains liens durent, d’autres s’achèvent. Quand certaines personnes entrent dans notre vie, plus rien n’est comme avant, tout change. D’autres restent à la périphérie - qui aident, nuisent peut-être ou restent neutres.

Parmi cet ensemble impressionnant de personnages sur la scène de la vie de chacun d’entre nous, nous traversons des cycles d’intérêt et de désintérêt ; d’attachements et de désenchantements ; une variété infinie
trop riche pour que la plupart s’en souvienne - d’influences de parents, membres de la famille, enseignants, mentors d’un type ou d’un autre.

Et on fait souvent l’expérience dans les cercles anthroposophiques que les mêmes individus sont amenés à se rencontrer à divers reprises, dans différents lieux et différentes circonstances - comme si les tisserands de ces trames voulaient s’assurer que la « mission assignée » sera accomplie.

Être contemporains

En dépit de la variété de la nature des relations humaines - aide, gêne ou indifférence ; amour, animosité, ou neutralité - nous avons tous un dénominateur commun : nous sommes tous contemporains. Nous sommes simultanément ici, sur terre, ensemble. Nous appartenons à une même phase du temps.

C’est une réalité : nous nous incarnons par vagues, apparaissons pour ainsi dire par roulements, demeurons dans les mêmes groupes, rece­vant chaque fois l’empreinte de l’époque. « Si vous êtes avec certains êtres humains dans une vie sur terre, alors vous étiez avec eux dans une vie antérieure… et vous étiez encore avec eux dans une vie précé­dente… C’est un fait que la vie continue de l’humanité sur terre se pro­duit en rythmes. » (62)

C’est vrai, il existe aussi les cas étranges d’êtres solitaires, nés en dehors de leur temps, privés de liens intimes, comme s’ils étaient nés trop tôt ou trop tard - ce sont des exceptions.

Pendant la jeunesse, la conscience de l’existence des contemporains est moins aiguë qu’à la maturité. Mais nous pouvons regarder rétros­pectivement pour prendre conscience de l’étonnante assemblée d’an­ciens qui étaient là pour nous entourer, et saisir à quel point nous étions inconscients du tissage de leurs destinées, tragédies, joies ou réalisa­tions. Pendant que nous grandissions, cette fresque d’ancêtres s’estom­pait, tout ce qui nous entourait semblait nous appartenir, appartenir à notre temps. Puis, vers le milieu de la vie, il nous apparaît petit à petit qu’une nouvelle vague est parmi nous. Que eux et nous sommes main­tenant des entités séparées. Beaucoup de ceux qui étaient « nôtres » sont partis : nos maîtres, les auteurs que nous aimions, les grands acteurs, artistes, ou musiciens. Nous devenons en fait des « survivants », la plu­part de nos contemporains vivent maintenant de l’autre côté du seuil. L’impulsion de les rejoindre en pensée devient de plus en plus forte. Nous nous souvenons de « quand… », et pensons aux jours passés. De plus en plus nous devenons étrangers au monde, plus rien ne semble désormais avoir de sens - ces engouements, ces modes et tendances, que les nouvelles vagues adoptent passionnément, semblent sans signi­fication aucune. L’expérience qu’on avait auparavant d’être de son temps, cède la place à celle de se distancier.

Ce que nous devons aux autres

Le grenier de nos souvenirs constitue un trésor pour chacun de nous. Il procure un sentiment de soi, au milieu du « spectacle » en cours. Cependant, lorsque nous prenons du recul par rapport aux événements passés, nous voyons bien que nous ne sommes pas seuls dans le décor, qu’il y a bien d’autres personnes. Nous nous souvenons d’eux, bien sûr, mais c’est tellement masqué par notre égocentrisme ! Comme nous réa­lisons peu à quel point, au fil du temps, nous devons aux autres ce que nous sommes !

Il y a une façon objective de faire une rétrospective de sa vie, pas seu­lement de la façon subjective habituelle. Réfléchissez sur votre vie pas­sée, prêtez moins attention à ce qui vous intéresse dans votre propre per­sonne et beaucoup plus à ces personnes qui sont entrées en contact avec vous, parfois peut-être en vous blessant - vous blessant souvent d’une façon bénéfique. Une chose vous deviendra alors évidente et c’est à quel point quelqu’un a peu de raisons de s’attribuer ce qu’il est devenu.

Tout ce que les autres ont rendu possible ! Qu’aurait été notre vie sans eux ? Brisant cette illusion de « Je, moi, mon, ou mien » qui voile nos sou­venirs, nous en venons à faire une étrange découverte. Imaginons que nous soyons nés dans un autre environnement, dans une autre famille, que nous ayons fréquenté une école différente, rencontré d’autres cir­constances - combien de notre « moi » actuel serait encore là ?

Tout ce que je suis aujourd’hui - ou du moins presque tout - résul­te de quelqu’un d’autre. Ma langue, mes habitudes, mes traits de carac­tère, mes apprentissages - tout ce que je considère normalement comme constituant mon identité - provient des parents, de l’éducation, des professeurs, des gens autour de moi.

Si pendant ces années où nous nous constituons, nous sommes modelés par ceux qui nous entourent, alors que sommes-nous, nous-mêmes ? À un certain moment, nous commençons à prendre conscien­ce que ce « moi », notre moi, ressemble à un poisson gélatineux - une masse sans forme, amorphe, à laquelle des impacts intentionnels, pro­venant d’un côté ou de l’autre, ont donné forme et consistance. Il com­mence à nous apparaître à quel point nous avons été formés par les gens de notre entourage.

Une seconde pensée survient : notre réponse même était inhérente à cette empreinte qui nous donna une personnalité. Nous avons accepté certaines choses, nous en avons rejeté d’autres. Nous avons appris ceci et ignoré cela. Certaines influences se sont imprégnées en profondeur, d’autres sont restées superficielles. Une certaine sélection a été mise en œuvre. Ces merveilleuses capacités d’imitation et d’ap­prentissage, qui plus tard s’estompèrent, étaient gouvernées par quelque chose en nous. Au fil des ans, une destinée intérieure dévoi­la ses intentions. Sans le savoir, nous avons choisi d’être formés par ceux que nous aimions et pour lesquels nous ressentions des affini­tés. Le « Je » - non encore manifesté - fabriquait la personne que nous voulions être.

Nous pourrions vaincre beaucoup d’égoïsme si nous reconnaissions vraiment les influences que les autres ont eues sur notre vie. La misé­rable habitude d’être centré sur soi, à laquelle la plupart d’entre nous sommes enclins, peut être diminuée grâce à l’éveil de sentiments de gratitude, d’appréciation et de reconnaissance pour les contributions extraordinaires que les autres ont fait et font encore en permanence, à notre existence.

Liens dans la jeunesse et dans la maturité

Ne devrions-nous pas chercher maintenant un motif général, quelque modèle grâce auquel nous pourrions comprendre l’interaction de ces liens humains ? Très peu d’entre nous traversent la vie avec le même ensemble de compagnons. Parents, frères, camarades d’école et pro­fesseurs : voilà ceux qui nous influencent dans la première partie de notre vie. Ensuite pour la plupart d’entre nous, se produisent de grands changements de lieux, de nouveaux visages apparaissent : conjoint, enfants, collègues et connaissances - un groupe totalement différent. La parenté et les vieux amis passent à l’arrière-plan.

Nous changeons nous-même assurément, et nos relations, encore plus. Dans les années précédentes, nous étions bénéficiaires de soins, les autres faisaient les choses pour nous. Plus tard, nous devons prendre soin des autres, nous sommes invités à apporter notre contribution et à nous sacrifier.

De façon abstraite : au départ nous sommes « receveur » dans la rela­tion, plus tard nous entrons en relation comme « donneur ». Recevoir et Donner sont les deux gestes principaux des deux moitiés distinctes de la vie.

Ne pouvons-nous pas ici nous demander, à juste titre, pourquoi ce changement draconien de rôle et de personnages sur la scène de la vie, comme si le scénario du second acte était pratiquement celui d’une autre pièce ? Se pourrait-il que, lorsque nous étions ensemble dans des vies antérieures, nous ayons tissé des liens qui, de manière étrange, por­tent des fruits dans cette vie et que cette alternance soit une part inti­me de la destinée ?

Dans une conférence de Rudolf Steiner de 1912, nous trouvons une réflexion qui peut nous donner une clef. Une pensée qui peut nous per­mettre de regarder autour de nous avec un mélange de crainte et de respect pour nos amis ; de considérer avec interrogation et émerveille­ment ceux qui nous ont « lancés » sur notre voie. Vers le milieu de la vie, nous rencontrons à nouveau nos parents et amis d’une vie anté­rieure. Dans l’enfance, nous avons autour de nous ceux avec lesquels nous avons autrefois essuyé les tempêtes de l’existence. Alternance et métamorphose des activités - activités plus intérieures et plus exté­rieures, activités de la maison et du monde.

« Un certain fait frappant se présente… L’investigation des rencontres humaines qui se produisent au milieu de la vie montre, curieusement, que ce sont les personnes avec lesquelles, dans l’incarnation précédente ou dans une incarnation encore antérieure, un homme était lié au com­mencement de sa vie, dans sa petite enfance…

« Vers le milieu de la vie - en règle générale, mais il y a des excep­tions - un homme rencontre, à travers les circonstances du karma exté­rieur, ces personnes qui étaient dans une vie précédente ses parents… Quand quelqu’un, disons d’environ trente ans - entre en relation avec une autre personne, peut-être en devient amoureux, devient très ami, se querelle, ou a d’autres types de contact, beaucoup de choses devien­dront compréhensibles si, au moins à titre d’hypothèse de départ, il envisage la possibilité que la relation avec cette personne ait pu être autrefois celle d’enfant et de parent.

« Inversement… ceux avec lesquels nous étions liés dans la petite enfance - parents, frères et sœurs, camarades de jeu ou autres, autour de nous pendant la petite enfance - sont, en règle générale, des per­sonnes que nous avons rencontrées dans une incarnation précédente quand nous avions trente ans ou à peu près ; dans de très nombreux cas, il a été montré que ces personnes sont nos parents ou frères ou sœurs dans l’incarnation présente.

« Aussi curieux que cela puisse paraître, essayons simplement de voir comment ce principe concorde avec notre propre vie et nous devrions découvrir comme beaucoup de choses s’éclairent. Il peut arriver que ce principe ne s’applique pas dans certains cas, mais cela ne change pas la loi générale. » (63)

Séparations et départs

Dans cette perspective aussi on peut puiser une certaine compré­hension de ce qui semble être un phénomène actuel : ces liens de cour­te durée qui prennent le nom d’idylle, aventure maritale, etc. sous cou­vert d’esprit d’indépendance.

Certaines séparations, souvent lourdes de douleur, de détresse émo­tionnelle, parfois même de tragédie - et fréquemment de stupidité - se vivent comme une profonde coupure. Beaucoup étaient nécessaires, comme nous nous en rendons compte plus tard. Certaines personnes peuvent oublier et pardonner, comme si un peu d’humour cosmique s’était glissé là.

Séparations et relations qui s’achèvent sont souvent des énigmes sans clef, à moins que nous ne considérions qu’il y ait plus à l’œuvre que ce qui est directement visible par les yeux. Les gens ont des rela­tions les uns avec les autres, c’est sûr. Et beaucoup de ces relations aujourd’hui semblent avoir été laissées inachevées dans une époque précédente et attendent d’être reprises maintenant. La citation suivan­te offre quelques clefs, avec une leçon de morale ou deux sur les effets secondaires de l’égoïsme ou sur la possibilité d’ennui absolu.

Voici ce que nous trouvons généralement. Les deux personnes qui dans une vie terrestre ont eu une amitié de jeunesse qui s’est ensuite bri­sée, furent, dans leur existence précédente, liées d’amitié tardivement… Si vous avez une amitié avec quelqu'un dans les dernières années d’une vie, vous ressentez l’impulsion d’apprendre à le connaître aussi… dans la jeunesse. Comme vous ne pouvez plus le faire dans cette vie, par conséquent vous le faites dans la suivante.

Cette impulsion a une grande influence lorsqu’elle se manifeste - chez l'un des deux ou chez les deux en même temps - et passe à travers la mort… Car alors dans le monde spirituel, on a les yeux comme fixés sur la jeunesse… et on ne développe pas l’impulsion de connaître cet ami dans les aimées de la maturité, une fois de plus. Et donc, dans votre pro­chaine vie sur terre, l’amitié de jeunesse - prédéterminée entre vous dans la vie vécue avant de revenir sur terre - est brisée…

Dans tous les cas dont j'ai eu connaissance, il en a toujours été ainsi : Si les deux êtres humains étaient restés unis dans les dernières années de leur vie, si leur amitié de jeunesse n’avait pas été brisée, ils auraient fini par se lasser l'un l’autre, parce que, en fait, ils avaient développé dans l’existence précédente, où ils étaient amis à l’âge mûr, une forme d’amitié trop égoïste.

L’égoïsme dans les amitiés dans une vie terrestre prend sa revanche karmique par la perte de ces mêmes amitiés dans d’autres vies…

C’est ainsi dans de nombreux cas : deux êtres humains vivent leur vie, chacun de leur côté, disons jusqu’à leur vingtième année, à partir de là, ils deviennent amis… Puis dans la vie terrestre suivante, par un phéno­mène de reflet, nous avons généralement l’image d'une amitié de jeu­nesse, puis leurs vies se séparent. (64)

Nos professeurs et nous

Les professeurs ont une grande influence dans notre vie, que nous en soyons conscients ou non. Dans une large mesure, ce sont eux qui déterminent dans quel milieu culturel nous nous trouverons plus tard.
Mais il y a maîtres et maîtres. Nous oublions ceux, nombreux, qui nous ont poussé cahin-caha dans la routine scolaire, sans nous avoir touché en tant que personne. Et pourtant il y en avait quelques-uns qui se détachaient. Qu’en est-il de ces personnes dont l’influence suscite une réaction comparable à celle de la fleur qui s’ouvre à la lumière du soleil : faisant s’épanouir des potentialités jusqu’alors latentes, stimulant notre volonté d’imiter, de nous identifier, de travailler pour atteindre des capacités que nous ignorions posséder. Qu’est-ce qui se passait entre nous ?

On dit que parmi les personnes qui ont rencontré Rudolf Steiner dans leur vie adulte, certaines furent capables de consacrer leur vie, pour ainsi dire, au travail proposé, tout autant qu’à leurs propres efforts inté­rieurs. Ceci est vrai aussi des relations avec des individus moins remar­quables, de manière tout aussi perceptible et concrète. Un mystère : « Que Ta Volonté soit Mienne ».

Ce thème de la « quête-d’un-maître » est un chapitre vaste en soi. Ce que nous voulons analyser brièvement, c’est le pouvoir secret qui est en jeu dans ces circonstances précieuses où le destin semble s’impli­quer. Car non seulement des liens karmiques du passé sont ici mis en évidence, mais aussi la métamorphose des forces de l’âme. Ainsi que des implications pour des vies futures.

Il est très étonnant que les fondements de l’activité pensante de l’âme de conscience individuelle vraiment moderne aient été déposés dans les Mystères Orphiques par la vie de sentiment de la musique. Qu’une méta­morphose similaire puisse être à l’œuvre entre professeur et élève est quelque chose qui devrait attirer notre attention. Afin que cette relation magique se produise, l’appel à la vie de la pensée et des idées, auquel le maître compétent a recours, doit avoir eu ses racines dans des expé­riences de sentiments intenses au cours d’une incarnation précédente.

La référence suivante peut nous donner matière à réflexion sur notre passé, notre présent, et l’avenir que nous nous façonnons dès maintenant.

« Les gens ne ressentent pas toujours du mépris à l’égard de ceux qui furent leurs professeurs ; beaucoup évoquent avec une profonde joie intérieure ceux qui les ont instruits. Quand il en est ainsi, révocation peut s'approfondir en une expérience très intime. Nous pouvons décou­vrir qu'entre l’âge de 7 et 14 ans, par exemple, nous nous sentions pro­fondément obligés d’imiter ce que ce maître vénéré faisait ; ou nous pou­vons prendre conscience du fait que quand ce maître nous disait quelque chose, nous ressentions que nous avions déjà entendu cela, comme s’il s’agissait d’une répétition. C’est, en fait, une des plus belles expériences de la vie que de se souvenir de quelque chose de cet ordre, ressentir qu’il y a répétition. C’est notre karma d'avoir un tel professeur et cela renvoie à une vie antérieure.

En règle générale, il est exceptionnel qu’un professeur ait été notre pro­fesseur dam la vie terrestre antérieure ; les rapports d’alors ont été d’un tout autre ordre. D’un professeur nous recevons des pensées, des idées, même si elles sont sous forme d’images ; dam une véritable éducation, nous recevons des pensées et des idées. Quand c’est le cas, cela renvoie, en général, à une relation d’une vie antérieure dans laquelle c’étaient des sentiments, et non des pensées, qui étaient transmis… Et ceci peut s'appliquer à la vie terrestre présente et à une vie terrestre future.

Supposons qu’un homme ait, dans cette vie-ci, l’occasion d’éprouver une profonde, une cordiale sympathie pour une personne avec laquelle la vie ne le lie pas particulièrement, qu’il ne fait que rencontrer mais qui lui soit extrêmement sympathique. Dans un tel cas, il peut se pro­duire que ces sentiments de sympathie conduisent l’autre à devenir son professeur dans une vie ultérieure. » (65)

Parents et enfants

Les liens les plus forts et les plus durables sont ceux de la parenté. Ils sont rarement brisés. Deux générations qui se succèdent : la plus âgée accueillant la plus jeune dans son incarnation ; la plus jeune, bien que plus tard, prenant soin et assistant la plus âgée à la fin de la vie. Cette relation d’âmes entre individus, qu’on appelle vaguement les « liens du sang », est un sentiment inexplicable d’appartenance et de res­ponsabilité, basé sur une force mystérieuse appelée « amour parental ». Si l’aveuglement face à la dimension de l’esprit n’était pas aussi uni­versel, c’est là que les questionnements des hommes conduiraient direc­tement au suprasensible.

Puisque l’étude de ce lien si intime et si universel entre humains touche à tant de choses, d’une complexité à la fois spirituelle et terrestre, laissons d’abord à Rudolf Steiner le soin de nous parler de la formation du lien parental qui, en réalité, précède l’incarnation. Ces paroles imagent les moyens par lesquels l’individualité de l’enfant par­ticipe, voire même provoque réellement, la rencontre de ses parents, engendrant leur amour romantique mutuel, et sa propre venue au monde.

« C’est l’individualité en train de s’incarner qui fait se rencontrer ceux qui s’aiment. L’archétype cherchant à s’incarner a attiré à lui la substance astrale qui a maintenant une action sur la passion, le sentiment amoureux. La passion astrale qui surgit ici ou là sur la terre ici-bas est le reflet des substances astrales de l’entité qui descend. Ainsi la sub­stance astrale descendant d’en haut rencontre le sentiment astral de ceux qui s’aiment, lui-même influencé par la substance de l’entité qui descend vers l’incarnation… L'individualité qui se réincarne participe sans aucun doute au choix de ses parents.

« L’amour maternel et paternel prend une signification bien plus éle­vée et plus belle lorsque nous prenons conscience que dans une cer­taine mesure l’enfant aime les parents avant la conception et est, de ce fait, intensément attiré vers eux. L’amour des parents est par conséquent une réponse à l’amour de l’enfant, c’est un « amour en retour ». Nous avons ainsi une explication à l’amour des parents qui est une réponse à l’amour de l’enfant qui précède la naissance physique. » (66)

Comme c’est un propos largement répandu à notre époque, cette note que Rudolf Steiner adressait aux médecins le 11 mars 1924 (GA 316) peut être ajoutée ici :

« À la question de savoir si l’interruption de grossesse en vue de sau­ver la vie de la mère interfère avec le karma de la mère ou celui de l’enfant, on peut répondre ceci : bien que pour un court laps de temps après l’intervention, le karma de l’un comme de l’autre suive des che­mins différents, il retournera rapidement - de par sa nature même - à son chemin propre. De ce fait, on peut à peine parler d’interférence karmique dans ce cas. Cependant, une forte intervention se fait dans le karma de celui qui pratique l’intervention. Il doit se demander s’il choi­sit, en pleine conscience, de prendre sur lui-même les conséquences karmiques qui résultent pour lui de ce fait. De telles questions ne peu­vent recevoir de réponses générales, étant extrêmement dépendantes du cas individuel ; mais des conflits existentiels profonds, tragiques, peuvent survenir, comme cela se produit souvent dans la vie, quand des liens karmiques sont brisés. »

Quand nous parlons de processus tels que amour, choix, sélection et affinité, il est utile de les clarifier et de les distinguer. Il y a plusieurs sortes d’amour qui unissent les gens : l’amour romantique, l’amour de l’enfant, l’amour des parents et l’amour qui perdure avec la maturité. En ce qui concerne le choix, nous avons le choix des parents l’un pour l’autre, le choix de l’enfant pour des parents particuliers, et la possibi­lité que ces deux choix soient entremêlés.

Le choix comprends jusqu’à des possibilités héréditaires particulières. Celles-ci vont manifestement au-delà des simples traits « physiques », apparence, talents, dons, capacités, même facultés intellectuelles basées sur des organes et comprend celles qui impliquent les forces de vie qui s’expriment dans le caractère, le tempérament, les tendances. L’hérita­ge inclut également des traits psychologiques tels que la soif d’ap­prendre, les intérêts, les affinités et toutes ces impulsions qui prennent leur source dans la vie de l’âme de sensibilité.

De plus bien sûr, la sélection s’effectue tout autant sur les influences de l’environnement : les conditions culturelles et l’éducation ; abon­dance ou privations, acceptation ou rejet, permissivité ou sévérité - l'énumération pourrait se poursuivre.

Notre destinée est par conséquent un tissu de décisions prises par notre archétype ! L’idée qu’il y a choix et sélection, tout au moins pour les points importants, donne un sens et quelques explications aux dif­ficultés rencontrées, à la maladie - ou aux coups du sort - qui, excep­té s’ils sont vécus comme des défis, pourraient être ressentis comme de la malchance ou des accidents.

En plus de ce domaine de « l’inné et l’acquis »', l’hérédité et l’envi­ronnement, il y a ces affinités internes spéciales entre membres d’une famille : habituellement, de forts liens existent entre mère et fils, père et fille - se manifestant souvent par une ressemblance prononcée, un trait « sélectionné ».

On a souvent vérifié l’aphorisme bien connu « Derrière chaque grand homme se tient une mère remarquable » - remarquable, bien sûr, en ce qui concerne les qualités de la personnalité et de la vie de l’âme. Peut-être observera-t-on un jour que dans l’ombre d’une femme importante, se tient un père remarquable.

Quand nous parlons de caractéristiques héritées, il y a grand danger de s’empêtrer dans une confusion de demi-vérités. Nous devons donc garder clairement à l’esprit que ce ne sont pas les attributs séparés qui comptent, mais la somme totale des forces constituant la personnalité. En chacun, ce qui est unique, c’est le « mélange », les regroupements et combinaisons - même lorsque des facultés dominantes sont entremê­lées. Ensemble, ils constituent le profil de l’individu. Les mêmes carac­téristiques familiales trouvent une expression différente et individuali­sée parmi les membres de la fratrie.

Les questions de l’hérédité, de l’environnement, et de l’affinité sont traitées par Rudolf Steiner dans une conférence publique peu connue donnée à Munich en 1911. Nous trouvons là plusieurs clés aux énigmes des liens parent-enfant.

Pour les résumer :

Des traits spécifiques proviennent de la lignée paternelle, des traits tout aussi définis de la lignée maternelle.

De la mère, proviennent principalement les attributs intérieurs de la vie mentale : « Tout ce qui concerne nos capacités intellectuelles, en particulier la mobilité de la pensée, la possibilité de se rappeler le monde extérieur (la mémoire), de se le rappeler en images pré­cises, de le représenter au moyen des idées - ce talent provient en général de la lignée maternelle. »

Du père, nous proviennent des aptitudes avec lesquelles agir dans le monde. « Le domaine des intérêts provient de la lignée paternel­le… et également, le tempérament, les désirs, la passion…, les talents physiques, y compris ceux qu’il réalise dans le monde extérieur. »

Pôle de la tête : capacités mentales, incluant mobilité de la pensée, imagination et dons artistiques - de la mère.

Pôle de l’action : Intérêts, auto-contrôle des énergies, passions et désirs ; capacité à réaliser des choses dans la vie extérieure, ambition, carrière - du père.

Il n’y a aucun transfert direct de talents, ils sont tous métamorpho­sés : dans la progéniture, les qualités intérieures de la mère devien­nent des facultés extérieures, et les facultés extérieures du père deviennent des qualités intérieures.

L’hérédité va donc, de façon générale, être métamorphosée dans sa forme, de la mère au fils et du père à la fille. « La vie de l’âme de la mère tend à se perpétuer sous la forme de capacités physiques extérieures chez le fils, dans son habileté personnelle et son talent. Les facultés physiques du père, toute la configuration de sa per­sonnalité… y compris ses réalisations dans le monde extérieur, s’élè­vent et vivent dans la vie de l’âme comme qualités intérieures de la fille. » (67)

Nous devons laisser ici sans développer davantage beaucoup d’élé­ments de ce thème. Qu’il suffise d’offrir ceci comme stimulus à une réflexion et à une étude approfondie.

Mais nous pouvons prendre conscience, à partir de ce qui précède, que ce qui nous vient de ceux que nous appelons familièrement Papa et Maman, constitue les outils mêmes de notre existence terrestre. Et nous pouvons commencer à comprendre que cette division des humains en hommes et femmes a une signification bien plus profonde que ce que la culture courante voudrait bien admettre. Elle est partie intégrante de la structure même des choses, grâce auxquelles nous sommes capables de recevoir les constituants internes et externes spé­cifiques de notre personnalité, nécessaires à chacun de nous pour apprendre le plus possible de la vie que nous avons choisie. Hommes et femmes, dans la constitution familiale, sont loin de cette abstraction appelée « égalité », et ils n’ont pas les mêmes choses à donner et ils ne sont pas - ne peuvent pas être - seuls dans l’existence. Ils se complè­tent et se suppléent, ils ont besoin l’un de l’autre.

Finalement, ces vies que nous menons peuvent être vues comme des occasions de nous instruire dans l’effort mutuel. Que dire de plus sur l’amour !

Liens humains a la mort et au-delà

Précédemment dans ce chapitre, nous avons évoqué les séparations, les ruptures, entre les vivants et la douleur qu’elles entraînent. Mais il existe d’autres séparations - c’est l’une des leçons de la vie que nous avons tous à apprendre - quand la mort nous sépare. Selon les cir­constances, la douleur ressentie ne peut être comparée à aucune autre expérience terrestre. Malgré le matérialisme, et son point de vue destructionniste selon lequel » tout a une fin », la croyance en la survie après la mort est profondément enracinée dans la nature humai­ne. Selon un sondage Gallup de 1975, 69 % des Américains croient en l’existence d’une vie après la mort. Ceci est un thème en lui-même ; ce qui compte ici, ce sont les liens humains, leur réalité au-delà de la mort. Les expériences de contact avec les morts sont étonnamment fré­quentes. À la question « Avez-vous jamais ressenti que vous étiez en contact avec une personne décédée ? », 27 % d’un échantillon repré­sentatif aux États-Unis répondaient par l’affirmative. « Les veuves et les veufs, qui ont perdu un être cher, parlent de rencontres avec leur conjoint décédé dans un pourcentage deux fois plus élevé… Une autre étude en Grande-Bretagne donnait les mêmes résultats… 47 % avaient, à un moment donné, vécu un contact avec leur conjoint décédé. » (68)

Un thème particulièrement populaire ces dernières années est celui des rencontres faites dans l’imminence de la mort ou sur le lit de mort. Réduisons-le à ce que nous étudions ici : les visions de proches, défunts, par les mourants. Le livre "At the Hour of Death" (68) donne une étude statistique de « ce qu’ils ont vu ». Une expérience fréquente : un parent proche, défunt, apparaît, que seul le mourant peut voir - vision appelée par les chercheurs « la vision du départ ». De telles expériences contiennent un fort pouvoir de transformation. Elles apportent séréni­té, paix, rayonnement, voire béatitude à la personne mourante qui transcende la douleur et les émotions négatives habituellement lices à la situation terrestre. « Les apparitions vues par les mourants sont sur­tout ressenties comme des guides qui les assistent dans leur transition vers un autre mode d’existence. » (68)

Dans cette étude, portant sur plus de mille cas, les scientifiques qui rapportent les conclusions se sont étonnés : « Nous nous serions atten­dus à voir ceux qui traditionnellement sont nos intermédiaires entre nous et l’autre monde, prêtres et rabbins, toujours prêts à accomplir les services funèbres et à évoquer des forces spirituelles. Cependant pas un seul cas ne s’est produit dans lequel un homme d’Église décédé agirait comme envoyé de l’autre monde envers son paroissien décédé. » Au lieu de cela, « les personnes citées étaient très proches : mère, conjoint, enfant, frère ou sœur, père - dans cet ordre de fréquence. » (68)

Rencontrer et se lier à ceux que l’on aime dans la vie après la vie

Plus nous réfléchissons, et plus notre étonnement grandit face aux mystères des interrelations humaines. Elles semblent sans fin. Et elles peuvent bien être en effet l’aspect terrestre du but final, ultime : une évolution vers la communion de toute l’humanité.

Comme nous entrons ici dans des domaines au-delà de ce qui est accessible à la simple expérience mortelle, nous allons terminer cette partie de notre étude par un extrait d’une conférence de Rudolf Steiner. Il y donne une magnifique image de la continuité, après la mort, de ce que les hommes tissent ensemble comme tapisserie d’amitiés alors qu’ils sont sur Terre, et de la signification de l’amour et de la compré­hension de son semblable pour le futur.

Incidemment, notons que la plus intime communion, le pur amour spirituel, dépeint ici comme pleinement accompli, ôtait vraiment l’es­sence de Philosophie de la liberté, 1894 (68a). Peut-être une pratique rigoureuse de « l’individualisme éthique » entre ceux qui sont anthroposophes sur Terre répond-elle à une loi des Cieux.

Les fils d'une âme à Vautre sont tissés dans le monde physique en conséquence des multiples circonstances de l'existence. Liens d’amitié, d’amour et autres, sont solidement entremêlés, et chaque contact établi entre un être humain et un autre a une signification et une réalité, non seulement pour ce monde physique, mais pour le monde spirituel égale­ment. Bien entendu, plus les relations ont eu ici un caractère spirituel, plus elles ont de signification pour le monde du Dévachan. Quand l’in­dividu meurt, tout ce qui est physique dans ces relations d’amour et d’amitié disparaît, et seul ce qui était de la nature de l’âme et de l’esprit demeure. La relation entre mère et enfant en est un exemple. Au début, cette relation est fondée sur la nature ; le temps passant, elle devient plus spirituelle, jusqu’à ce que finalement, les circonstances originelles, natu­relles, n'aient plus été qu’un prétexte permettant qu’un lien se tisse d'âme à âme.

Quand l’être humain meurt, les éléments apportés par la nature sont éliminés mais le lien qui a été établi demeure. Si vous essayez de vous ima­giner la race humaine entière sur terre et tous les liens d’amitié et d’amour qui ont été tissés, vous ne pouvez que voir ces relations comme un immen­se tissage, un immense réseau qui, de plus, est présent réellement dans le Dévachan. Quand un clairvoyant regarde vers la terre du point de vue du Dévachan, il perçoit ce réseau de relations spirituelles qu’un être humain retrouve quand il entre au Dévachan après la mort. Il est impli­qué dans toutes les relations spirituelles qu’il a lui-même tissées.

On trouve aussi ici la réponse à la question : dans le Dévachan, voyons-nous à nouveau ceux qui nous sont chers ? Oui, nous les retrou­vons, et nous sommes en outre libérés des contraintes de temps et d’es­pace qui sur terre reposent comme un voile sur ces relations de l’âme. Dans le Dévachan, les âmes se confrontent directement. La relation d’âme à âme est bien plus intime et intériorisée qu’elle ne l’est dans le monde physique. Il ne peut jamais y avoir de doute dans le Dévachan sur la reconnaissance d’une âme par une autre, même quand l’une passe dans le Dévachan avant l’autre. La reconnaissance des êtres aimés n'y est pas particulièrement difficile, car chaque âme porte sa réa­lité spirituelle ultérieure, inscrite pour ainsi dire dans sa contenance spirituelle. Elle proclame elle-même son nom, bien entendu, dans la forme la plus vraie possible, en tonalité de base qui, ainsi qu’il est dit en occultisme, la représente dans le monde spirituel. Une totale commu­nion indissoluble n’est vraiment possible que lorsque les deux âmes sont dans le Dévachan. Cependant, l’âme désincarnée ne perd pas toute conscience de celui qui est resté sur terre ; elle peut en fait suivre ses actions. L’âme qui est la première dans le Dévachan est naturellement incapable de voir les couleurs et les formes qui appartiennent à la terre car dans ce royaume spirituel, elle n’a pas d’organes physiques. Mais tout ce qui est dans le monde physique a une contrepartie spirituelle dam le Dévachan et c’est ce qui est perçu par l’âme qui est déjà là-bas…

L’existence au Dévachan n’est pas une sorte de rêve ou de sommeil mais est à tous points de vue, une vie consciente. C’est dans le Dévachan qu’un être humain développe les prédispositions et les impulsions qui permettent aux liens avec ceux qu'il aime de rester étroits, afin que dans une prochaine incarnation il les retrouve sur terre. À plus d’un titre, on peut dire que le but de l’incarnation sur terre est de forger des liens d’une intimité de plus en plus grande. L’amitié dam le Dévachan est au moins aussi intime que dans n’importe quelle vie ici sur terre. Le senti­ment d’amitié est bien plus vif, plus profond qu’il ne l’est sur terre ; cha­cun ressent la douleur ressentie par l’autre comme si c’était la sienne. Sur terre, le niveau de la prospérité d’une personne peut s’accroître aux dépens des autres, mais dans le Dévachan, c’est hors de question. Là, le malheur provoqué chez une personne par une autre dans le but d’amé­liorer sa condition se retournerait contre elle ; personne ne peut prospé­rer aux dépens d’autrui.

La mise au point commence dès le Dévachan. C’est de là que vient l’impulsion de faire que la fraternité se réalise sur terre. Une loi qui est une évidence dans le Dévachan devient une tâche à réaliser sur terre. (66)

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Source : George et Gisela O'Neil avec les apports de Florin Lowndes - La vie humaine - Saisir le sens de son parcours terrestre.

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Travail soutenu par les Docteurs Claude Boudot, Vincent Hédon et Robert Kempenich par leur intérêt et leurs compétences pro­fessionnelles en médecine anthroposophique.

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Notes

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Pascal Patry
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