Métapsychologie de l’alexithymie

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Métapsychologie de l’alexithymie

Pascal Patry praticien en psychothérapie, thérapeute et astropsychologue à Strasbourg 67000
Publié par Pascal Patry dans Psychologie · Jeudi 22 Août 2024
Métapsychologie de l’alexithymie

Introduction

Dans les explications qui vont suivre, il va être abordé des concepts psychanalytiques en utilisant un langage simplifié pour rendre ces idées accessibles aux novices.

Bien que le texte comporte de nombreuses répétitions, il est important de comprendre que cette répétition est une méthode pédagogique efficace.

En psychanalyse, l'apprentissage de concepts complexes se fait souvent par la répétition et l'approfondissement des idées.

Le lecteur aguerri pourra se référer au texte original à partir duquel le guide de lecture ci-dessous a été réalisé. Suivre ce lien


L’alexithymie en termes simples et non-psychanalytique

L’alexithymie, en termes simples, est une difficulté à identifier et à exprimer ses émotions. Les personnes alexithymiques ont du mal à comprendre ce qu'elles ressentent et à mettre des mots sur leurs émotions.

Les facteurs qui influencent l'alexithymie

Deux éléments principaux peuvent favoriser le développement de l'alexithymie chez une personne :

Le tempérament biologique : C’est la façon dont la personne est « câblée » dès sa naissance, c’est-à-dire son héritage génétique qui influence son caractère et ses réactions émotionnelles.

Les traumatismes : Ce sont des événements difficiles, parfois très graves, qui ont pu survenir dans l’enfance et qui laissent des traces profondes sur le développement émotionnel de la personne.

Ces deux facteurs influencent à la fois la manière dont la personne se développe, mais aussi la qualité des réponses qu’elle reçoit de son environnement, c’est-à-dire des proches (comme les parents) qui devraient normalement l’aider à gérer ses émotions.

Par exemple, un enfant ayant un tempérament sensible ou ayant vécu des traumatismes aura besoin d’un environnement très réceptif pour l'aider à se sentir en sécurité. Si cet environnement ne répond pas correctement à ces besoins, cela peut compliquer son développement émotionnel.

Les carences précoces et leurs effets

Ici, on se concentre sur les carences précoces, c’est-à-dire les manques affectifs ou émotionnels auxquels l’enfant fait face très tôt dans sa vie.

Ces manques créent des vulnérabilités, des fragilités chez la personne, qui auront des conséquences sur son développement futur. En réaction à ces carences, le « moi » de la personne (une partie de sa personnalité qui régule ses comportements et émotions) va mettre en place des stratégies défensives, comme une « armure » ou une « carapace » pour se protéger.

Ignorons l’aspect biologique ici (ce qui rend les choses un peu plus simples à comprendre) pour se concentrer sur l’aspect psychologique, en suivant une approche inspirée de Freud, le père de la psychanalyse.

Effets des traumatismes précoces

Les traumatismes subis très tôt dans la vie peuvent figer certaines parties de la personnalité, rendant difficile l'évolution ou le changement de ces aspects de soi.

Par exemple, si un enfant a été confronté à des situations traumatiques répétées, il peut développer des défenses très solides pour se protéger, mais ces défenses peuvent aussi limiter sa capacité à évoluer émotionnellement.

À l’inverse, des aspects biologiques, comme des traits de caractère héréditaires, peuvent être modifiés si la personne développe des ressources psychologiques, c’est-à-dire si elle acquiert les outils nécessaires pour faire face à ses émotions et à ses expériences de vie.

Distinctions dans l’alexithymie

Il existe différentes façons de comprendre l'alexithymie :

Alexithymie primaire : C’est l’alexithymie qui serait liée à des déficits biologiques ou neurologiques, c’est-à-dire quelque chose de plus « inné ».

Alexithymie secondaire : Celle-ci se développe comme une réaction à des événements traumatiques. C’est une sorte de mécanisme de défense qui se met en place pour protéger la personne des émotions trop douloureuses.

Avec le temps, ces définitions rigides ont évolué vers une conception plus flexible de l’alexithymie, vue désormais comme un phénomène qui peut varier entre des niveaux « normaux » et « pathologiques ».

Autrement dit, tout le monde peut parfois avoir des difficultés à comprendre ses émotions, mais pour certaines personnes, cela peut être plus permanent et problématique.

Le rôle des relations précoces

Un élément central dans le développement émotionnel d’une personne est la qualité de ses premières relations, notamment avec ses parents (ou les « figures d’attachement »).


Si l’enfant ne reçoit pas suffisamment d’attention émotionnelle, ou si cette attention est incohérente (par exemple, une mère parfois très présente, puis brutalement distante), cela peut créer un attachement insécure chez l’enfant.

Cet attachement insécure est un style de relation où l’enfant ne sait pas s’il peut compter sur les autres pour le soutenir, ce qui complique son développement émotionnel.

Dans certains cas, ce manque d'attention émotionnelle peut être lié à des problèmes chez la mère, comme une dépression pendant la grossesse, ou des difficultés émotionnelles qui réapparaissent à ce moment-là.

Cela peut empêcher la mère d’être pleinement disponible pour l’enfant, ce qui complique encore davantage la construction de l’identité émotionnelle de l’enfant.

L’alexithymie est un phénomène complexe influencé à la fois par des aspects biologiques et par des expériences traumatiques précoces.

Les premières relations de l’enfant, notamment avec ses parents, jouent un rôle crucial dans son développement émotionnel.

Si ces relations sont marquées par un manque de disponibilité émotionnelle, cela peut créer des fragilités qui se manifestent plus tard sous forme d’alexithymie.

Qu’est-ce que la « Mère Morte » d’André Green ? (Concept de la ...)

Le concept de la « mère morte » a été développé par André Green, un psychanalyste français. Ce n’est pas la mort réelle de la mère, mais plutôt une situation où, à cause d'une dépression ou d'un autre trouble psychologique, la mère cesse d’interagir émotionnellement avec son enfant.

Elle devient psychiquement "morte" aux yeux de l'enfant. Même si elle est physiquement présente, elle n'est plus affectivement disponible pour son enfant.

Le contexte du « complexe de la mère morte »

Imaginons qu'au début de la vie d'un bébé, la relation avec sa mère est joyeuse et pleine de vitalité. Mais à un moment donné, la mère traverse une dépression ou un autre trouble, et elle perd sa capacité à répondre émotionnellement à son enfant.

Cela entraîne un changement brutal dans la relation : la mère, qui était source de réconfort et de sécurité, devient une figure distante, « morte » du point de vue émotionnel.

Pour l'enfant, cette absence émotionnelle de la mère crée un grand vide, une perte de sens. La relation affective qui le nourrissait devient soudainement froide et lointaine.

Cela peut avoir des conséquences durables sur le développement émotionnel de l'enfant.

Les effets sur l’enfant

Lorsque la mère se retire émotionnellement, l'enfant perd un repère fondamental dans sa construction psychique.

Ce retrait peut créer un « trou » dans la relation que l'enfant avait avec sa mère, ce qui peut entraîner des troubles de la personnalité.

L'enfant peut s'identifier à ce vide, ce manque, au lieu de s'identifier à une figure aimante et vivante.

Cela peut conduire à des difficultés à établir des relations saines plus tard dans la vie, et à des troubles de l’identité et de l’estime de soi.

L’alexithymie et la « mère morte » [1]

L’alexithymie, qui est l'incapacité à identifier et exprimer ses émotions, peut être vue comme un mécanisme de défense face à ce vide émotionnel.

L’enfant, pour se protéger de la douleur causée par l’absence émotionnelle de sa mère, peut développer une sorte de « carapace » qui bloque l’accès à ses propres émotions.

Au lieu de ressentir des émotions douloureuses, il ne ressent plus rien ou ne parvient pas à comprendre ce qu’il ressent.

André Green parle d’« hallucination négative » [2], qui est un concept complexe, mais qu’on peut comprendre comme le fait de ne plus percevoir quelque chose qui était là avant. Dans le cas de l'enfant, il s'agit de ne plus percevoir la présence affective de la mère, ce qui laisse un vide psychique.

Ce vide peut servir de protection contre des émotions trop difficiles à gérer, mais il peut aussi entraîner des difficultés à comprendre et à exprimer ses propres sentiments plus tard dans la vie.

C'est là qu'intervient l'alexithymie : elle comble ce vide en rendant difficile, voire impossible, la connexion avec ses émotions.

Le concept de la « mère morte » décrit une situation où une mère, bien qu’encore physiquement présente, cesse d'être émotionnellement disponible pour son enfant. Cette situation crée un vide émotionnel qui peut avoir des conséquences profondes sur le développement psychologique de l'enfant.

Pour se protéger de cette douleur, l'enfant peut développer des mécanismes de défense, comme l’alexithymie, où il devient incapable de comprendre ou d’exprimer ses émotions.

Le lien entre les émotions mère-enfant et l’alexithymie

La relation émotionnelle entre une mère et son enfant pour le développement psychologique de ce dernier est importante. Cette relation se construit à travers les échanges affectifs, les regards, les gestes, et la façon dont la mère réagit aux besoins émotionnels de l’enfant.

Quand la mère est en difficulté émotionnelle

Parfois, la mère peut avoir des difficultés à percevoir et à comprendre ses propres émotions, ainsi que celles de son enfant. Cela peut arriver si elle traverse une dépression, si elle est stressée ou si elle a des problèmes émotionnels non résolus. Dans ce cas, elle ne parvient pas à s’accorder émotionnellement avec son enfant, c’est-à-dire à répondre de manière adéquate à ses besoins affectifs.

Conséquences pour l’enfant

L’enfant apprend à reconnaître et à comprendre ses propres émotions en les voyant reflétées dans les réactions de sa mère. Si la mère est déconnectée de ses émotions, cela complique cet apprentissage. L'enfant ne peut pas s'ajuster émotionnellement à la mère.

Par exemple, s'il ressent de la tristesse ou de la peur, mais que la mère ne réagit pas de manière appropriée, l’enfant pourrait avoir du mal à comprendre ces émotions et à les gérer plus tard dans la vie.

Cette absence d’échange émotionnel peut créer des « trous » dans la construction de l’identité de l’enfant. C’est comme s’il manquait des pièces importantes pour qu’il puisse comprendre ses émotions et se sentir en sécurité.

L’importance du « holding » et des soins maternels

Le texte mentionne des concepts développés par des psychanalystes comme Donald Winnicott, qui parlent du rôle crucial que joue la mère dans le développement de l’enfant. Le « holding », par exemple, désigne la capacité de la mère à « tenir » son enfant non seulement physiquement, mais aussi émotionnellement, en lui fournissant un cadre sécurisant où il peut se sentir en sécurité.

Sans cette sécurité, l'enfant peut développer des difficultés à se connecter avec ses émotions et avec les autres. Cela peut entraîner des troubles émotionnels comme l'alexithymie, qui se manifeste par l'incapacité à identifier et à exprimer ses émotions.

L'alexithymie comme défense

L’alexithymie est vue ici comme une forme de défense. Lorsqu’un enfant n'a pas reçu les soins émotionnels appropriés, il peut développer une incapacité à reconnaître et à nommer ses émotions.

Cette « défense » permet à l’enfant de se protéger d’émotions trop douloureuses ou confuses qu'il ne saurait comment gérer.

Cependant, cela l'empêche aussi de se connecter pleinement à ses propres sentiments et à ceux des autres.

La relation émotionnelle entre la mère et l’enfant est essentielle pour le développement psychologique de ce dernier.

Si la mère est déconnectée de ses émotions ou incapable de répondre de manière adéquate à celles de son enfant, cela peut entraîner des troubles comme l’alexithymie, où l’enfant développe des difficultés à reconnaître et exprimer ses émotions.

Ce manque d'échange émotionnel crée des lacunes dans la construction de l'identité de l'enfant, affectant profondément son développement émotionnel.

Le lien entre l'attachement insécure et l'identité

Quand un enfant n'a pas un attachement sécurisant avec ses parents, cela affecte non seulement son estime de soi, mais aussi son sentiment d'identité.

En d'autres termes, cela complique sa capacité à être lui-même, à comprendre et à accepter ce qu'il ressent. Cela influence son "aptitude à être soi-même", comme l'a exprimé le philosophe Jacques Derrida.

Derrida décrit cette capacité à être soi-même comme la capacité à se reconnaître à travers les émotions et les expériences vécues.

Pour un enfant, cela se passe en partie à travers les interactions avec la mère : c'est en percevant l'affect (l'émotion) de sa mère que l'enfant commence à ressentir et à comprendre ses propres émotions. Cela crée des "traces de soi", des souvenirs vitaux qui aident l'enfant à se construire.

Les émotions et leur gestion

Lorsque l'enfant grandit avec un manque d'affection ou des interactions instables, il peut avoir du mal à organiser et comprendre ses propres émotions.

Les émotions non structurées peuvent devenir envahissantes, imprévisibles, et désorganisantes pour la psyché de l'enfant. Cela peut conduire à une incapacité à bien contenir ces émotions, et à une difficulté à les comprendre ou à les exprimer.

L'alexithymie, une incapacité à identifier et exprimer ses émotions, découle souvent de ces difficultés précoces.

Ce trouble ne se limite pas à l'absence de compréhension des émotions personnelles, mais aussi à l'incapacité de percevoir correctement les émotions des autres, ce qui affecte l'empathie.

Rêverie et développement

La capacité à rêver, à imaginer et à se connecter à ses souvenirs, fantasmes, et rêves est essentielle pour un développement émotionnel sain.

Cette capacité se développe en grande partie grâce à la relation avec la mère, qui permet à l'enfant de donner un sens à ses premières pulsions corporelles.

Si cette relation est défaillante ou instable, des "zones aveugles" peuvent se développer, limitant la perception de soi et des autres dans le domaine des émotions.

Un enfant qui n'a pas eu suffisamment de soutien affectif peut développer des "capsules autistiques", c'est-à-dire des zones de son esprit où il se coupe de ses émotions et de celles des autres pour se protéger.

La réalité psychique versus le réel

En psychanalyse, on fait souvent la distinction entre la réalité psychique (la façon dont nous percevons et interprétons le monde à travers nos pensées, souvenirs, et émotions) et le réel (les faits objectifs).

Un traumatisme, par exemple, révèle souvent que le réel peut être brutal et difficile à affronter. Pour survivre psychiquement, nous tamisons souvent la réalité brute avec des illusions ou des mythes que nous héritons de nos parents.

Résilience et alexithymie

Parfois, l'alexithymie (cette difficulté à exprimer ou comprendre les émotions) peut être une forme de résilience. Pour certaines personnes, il vaut mieux se protéger de leurs émotions pour éviter de sombrer dans une détresse psychique profonde.

Dans ces cas-là, il est important de respecter cette protection, même si elle limite la capacité de la personne à élaborer certaines pensées ou à explorer certains aspects de sa vie intérieure.

Un attachement insécure dans l'enfance peut affecter la capacité à être soi-même en tant qu'adulte, notamment en altérant la perception et l'expression des émotions.

Notion complexe liée au développement psychique de l'enfant et aux interactions avec la mère, particulièrement en lien avec la crainte de l'effondrement psychique.

1. Le début de la vie psychique :

À la naissance, le bébé ne contrôle pas ses émotions ni ses besoins. Il ressent des tensions (faim, inconfort, excitation) qu'il exprime par des cris et des mouvements. Il ne peut pas encore comprendre ou gérer ces sensations.

C’est la mère qui aide le bébé à contenir et à apaiser ces tensions. Par ses soins (bercement, caresses, réponses aux cris), elle interprète les besoins du bébé et les traduit en quelque chose de compréhensible pour lui.

2. Rôle de la mère :

La mère est donc essentielle au début de la vie du bébé. Elle doit être attentive et présente pour aider l'enfant à gérer ce qu'il ressent. Par exemple, elle perçoit un cri comme étant dû à la faim et y répond en nourrissant le bébé.

Ce processus aide l’enfant à apprendre progressivement que ses sensations peuvent être apaisées et même devenir agréables. Cette interaction crée une sorte de rythme entre la mère et l'enfant, un équilibre qui empêche l’enfant de se sentir submergé par ses émotions.

3. Le développement du moi :

Grâce à ces premières expériences, l'enfant commence à se construire intérieurement. Il apprend que ses émotions et ses besoins sont réels et peuvent être compris.

C'est ce que D.W. Winnicott appelle la "relation au moi" : l'enfant commence à développer un sentiment de continuité intérieure, un sentiment d'exister de manière stable.

Le corps de l'enfant, ses émotions et ses besoins ne sont plus vécus comme des menaces désorganisantes, mais comme des éléments qu'il peut gérer grâce à la réponse de la mère.

4. L'importance du rythme :

Ce rythme établi par la mère et l'enfant permet à l'enfant de se sentir sécurisé. Il développe ainsi une capacité à être seul, tout en sachant que la mère est là en arrière-plan pour l'aider si nécessaire.

C'est cette répétition rythmée des soins et des réponses qui donne à l'enfant un sentiment de sécurité et lui permet de gérer progressivement ses propres émotions et besoins.

5. Conséquences d'un manque d'attention maternelle :

Si la mère est émotionnellement absente (par exemple, si elle est déprimée), l'enfant n'apprendra pas à réguler ses émotions. Ses besoins peuvent rester non satisfaits, ou ses émotions non reconnues, ce qui peut conduire à des sensations de chaos intérieur.

L’enfant peut alors développer des comportements extrêmes (comme une agitation permanente) pour tenter de capter l’attention de la mère. Il peut aussi perdre la capacité de ressentir ses émotions de manière équilibrée, ce qui peut entraîner des troubles émotionnels ou psychosomatiques plus tard.

6. Conclusion :

Ce processus de construction psychique, basé sur les premières interactions avec la mère, est fondamental. Il permet à l’enfant de développer un sentiment d’identité, un équilibre émotionnel et une capacité à penser ses émotions plutôt que de les vivre comme des expériences désorganisantes.

Lorsque ces interactions précoces sont défaillantes, l’enfant peut avoir du mal à gérer ses émotions à l’âge adulte, se sentant parfois déconnecté de son propre corps ou de ses désirs, ce qui peut mener à des troubles psychiques.

Les premiers soins maternels dans la construction psychique d’une personne sont importants. Le soutien permet à l’enfant de développer un sentiment d’identité et de continuité intérieure essentiel à son équilibre psychique.

L’alexithymie comme difficulté à identifier, comprendre et exprimer ses émotions.

Imaginez que le corps ressente des choses (comme de la peur ou de la joie), mais que l'esprit ne parvienne pas à traduire ces sensations en pensées ou en mots.

C’est comme si le corps et la tête étaient déconnectés : on peut avoir des symptômes physiques (comme le cœur qui bat vite) sans comprendre pourquoi.

Les personnes alexithymiques ne peuvent pas utiliser leurs émotions pour guider leur pensée ou leurs actions.

Contrairement à des patients névrotiques qui peuvent développer des symptômes (comme des phobies ou des obsessions) pour exprimer leurs conflits internes, les alexithymiques n’ont pas cette capacité. Ils peuvent sembler insensibles, mais leur corps réagit tout de même à leurs émotions non reconnues.

Parfois, cela se traduit par des troubles psychosomatiques, où des émotions non exprimées s'accumulent et explosent à l'intérieur sous forme de douleurs physiques ou d'autres problèmes corporels.

Ces personnes peuvent être très efficaces et adaptées dans leur vie quotidienne, mais leur manque d'accès à leurs propres émotions peut les rendre distantes ou mécaniques dans leurs relations.

Elles apprennent à dire les bonnes choses de manière conventionnelle, mais ces phrases peuvent sembler vides de sens, car elles ne sont pas connectées à leurs véritables sentiments.

Finalement, même si elles ne parlent pas de leurs émotions, leur corps les exprime de manière incontrôlée. Leur incapacité à rêver ou à fantasmer les prive également d'une certaine créativité et d'une élaboration mentale des émotions.

L'alexithymie est un blocage qui empêche une personne de ressentir et d'exprimer pleinement ses émotions, ce qui entraîne une dissociation entre le corps et l'esprit.

Qu'est-ce que l'alexithymie ?

L'alexithymie désigne une difficulté à identifier et à exprimer ses émotions. Pour la personne alexithymique, les émotions ne sont pas bien ressenties, elles ne se traduisent pas en pensées claires ou en mots. Ce phénomène peut être perçu comme un mécanisme de défense, une façon inconsciente de se protéger contre un excès d'émotions qui seraient trop difficiles à gérer.

Le rôle de la défense en psychanalyse

En psychanalyse, on parle souvent de mécanismes de défense. Ce sont des processus inconscients qui protègent une personne contre des pensées ou des sentiments douloureux. Dans l'alexithymie, le mécanisme de défense semble fonctionner en rendant la personne "insensible" à ses émotions.

Cependant, ce n'est pas la même chose que d'autres défenses psychiques comme le refoulement (où les émotions sont cachées mais toujours présentes dans l'inconscient) ou le déni psychotique (où la réalité elle-même est rejetée).

Comment cela se manifeste-t-il ?

Une personne alexithymique pourrait paraître "vide" ou figée dans ses émotions, avec une sorte d'écran mental qui bloque l'accès à ce qu'elle ressent. Il ne s'agit pas d'une simple absence d'émotions, mais plutôt d'une incapacité à les reconnaître et à les exprimer, même à soi-même.

Dans le quotidien, cela peut donner l'impression que la personne est déconnectée émotionnellement, voire indifférente, alors qu'en réalité, elle éprouve des émotions de manière confuse et difficile à interpréter.

Pourquoi cela arrive-t-il ?

Cette défense alexithymique peut se développer très tôt dans la vie, souvent à cause d'expériences traumatiques ou de difficultés dans les relations précoces, notamment avec les parents.

Par exemple, si un enfant n'a pas reçu suffisamment de soins ou d'attention émotionnelle, il peut grandir avec cette difficulté à gérer ses émotions, et donc à les percevoir clairement.

Au lieu de pouvoir symboliser ses sentiments (c’est-à-dire les comprendre et les exprimer), l'enfant pourrait apprendre à les bloquer inconsciemment pour éviter la douleur.

Conséquences et thérapie

Dans le cadre de la thérapie, la question devient : comment aider quelqu'un qui ne peut pas exprimer ce qu'il ressent ? Le défi pour le thérapeute est de trouver un moyen d'accéder à ces émotions bloquées, souvent à travers des formes non verbales comme le dessin, l'écriture, ou simplement en créant un espace sécurisé où l'individu peut commencer à explorer ses ressentis.

L'alexithymie n'est pas une simple absence de fantasmes ou de symbolisation (la capacité à donner un sens à ses expériences internes). Il s'agit plutôt d'une incapacité à accéder à ces processus, car les émotions sont trop douloureuses ou trop brutales pour être intégrées dans une représentation mentale. Cela peut également conduire à des comportements d'évitement ou à des addictions, comme une façon de gérer ces émotions non symbolisées.

L'alexithymie est une forme de défense psychologique où la personne a du mal à reconnaître et à exprimer ses émotions, souvent en réponse à des traumatismes précoces.

Cela peut rendre difficile pour elle de se connecter aux autres ou même à elle-même sur le plan émotionnel. La thérapie vise à aider la personne à prendre conscience de ses émotions et à les exprimer, en leur donnant un sens.

La psychanalyse cherche à comprendre comment les pensées, les émotions, et les comportements des personnes sont influencés par des processus inconscients.

Idée principale

Idéalement, une personne devrait pouvoir accueillir et transformer les émotions qu'elle ressent, en se les appropriant, les reliant à ses souvenirs et à ses fantasmes. Cela permettrait de mieux comprendre ces émotions, tout en prenant du recul pour les observer de l'extérieur. Cette approche aide à "penser" ses émotions de manière à la fois interne (en les ressentant) et externe (en les observant avec un certain détachement).

La vision de Musil

L’écrivain Robert Musil, cité ici, soutient que la morale et l’identité ne sont pas des entités fixes, mais en constante évolution. Pour lui, il est limitatif de définir quelqu'un par des habitudes qu'il répète inconsciemment. Musil propose que nous devons plutôt comprendre comment une personne interagit avec le monde extérieur, et reconnaître que certaines de ses actions peuvent être influencées par des éléments impersonnels (comme des instincts ou des comportements automatiques).

L'instabilité de l'identité

La psychanalyse, à l'image de Freud, considère que l'identité d'une personne n'est jamais complètement stable. Au cœur de chaque individu se trouve un "noyau d'instabilité", une pulsion qui cherche à s'accrocher à des idées ou à des représentations que les autres lui offrent.

Cette instabilité peut amener une personne à croire en l'autre (et donc à perdre confiance en elle-même), ou à rester enfermée dans des certitudes, parfois paranoïaques.

Ainsi, il est plus important de "désapprendre" que de "détruire" ce noyau d'instabilité.

Le fonctionnement du sujet alexithymique

Contrairement à d'autres formes de troubles psychiques, l'alexithymique ne s'identifie pas aux autres de manière classique (comme dans la névrose), ni ne "digère" ses émotions comme dans la dépression mélancolique.

Au lieu de cela, il s'incarne dans l'absence de l'objet de son désir, c'est-à-dire qu'il revit constamment l'absence ou l'indifférence qu'il a vécue dans son enfance.

Cela peut rendre cette personne vulnérable à la dépression.

La survie psychique

Pour survivre psychiquement, le sujet alexithymique se protège en évitant l'identification aux autres. Cela l'empêche de transférer ses émotions sur d'autres personnes (comme on le voit souvent en psychanalyse), mais aussi d'établir des liens affectifs profonds.

En thérapie, cela peut rendre le travail difficile, car la personne ne "transfère" pas ses sentiments sur l'analyste, et l'analyste peut donc avoir du mal à comprendre et à aider le patient.

Le "faux-self"

Le texte parle également du concept de "faux-self" développé par Winnicott.

Le faux-self est une sorte de "masque" que nous portons pour nous protéger dans certaines situations.

Bien que ce masque puisse sembler superficiel ou inauthentique, il peut être utile, voire nécessaire, dans certaines circonstances.

La psychanalyse ne cherche donc pas toujours à le détruire, mais parfois à l'utiliser ou à le respecter pour aider le patient à accéder à une compréhension plus profonde de lui-même.

Explorer les mécanismes complexes par lesquels une personne se protège des émotions douloureuses et de l'instabilité interne s'inscrit dans une démarche psychanalytique.

Ces mécanismes peuvent être des moyens de survie psychique, mais ils peuvent aussi limiter la capacité à se connecter aux autres et à ses propres émotions.

Le travail du psychanalyste consiste alors à aider la personne à naviguer entre son vrai-soi et son faux-soi, tout en respectant ses défenses.

Le point de vue topique et les processus psychiques chez les personnes alexithymiques.

Contexte

La topique en psychanalyse désigne l'organisation des différentes instances psychiques, comme le conscient, l'inconscient, et le préconscient.

L'image de la "peau du self"

On utilise la métaphore de la peau pour décrire une sorte d'enveloppe psychique qui sépare le monde intérieur (émotions, pensées) du monde extérieur.

Cette peau symbolique agit comme une frontière entre ce qui se passe en nous et ce qui nous entoure.

Pour les personnes alexithymiques, cette "peau" est insuffisamment développée, ce qui signifie qu'elles ont des difficultés à gérer l'interaction entre leurs émotions inconscientes et leur conscience.

En d'autres termes, elles n'arrivent pas à intégrer leurs émotions dans leurs pensées de manière saine et fluide.

Le problème de la pensée affective

Cette faiblesse dans la "peau du self" mène à un problème central : ces personnes n'ont pas une pensée basée sur les émotions ou les sentiments. Au lieu de cela, leur pensée est dominée par les sensations physiques, et non par une réflexion profonde sur leurs affects.

Cela signifie qu'elles réagissent principalement à des stimuli externes, sans vraiment faire le lien avec leur passé ou leurs émotions.

Un présent sans passé ni futur

Pour les alexithymiques, la pensée est figée dans un présent absolu, déconnecté de la mémoire et sans projection vers l'avenir. Ils ne peuvent pas intégrer leurs expériences passées dans leur présent, ni anticiper ce qui pourrait arriver dans le futur.

Cela crée une sorte de pensée mécanique, sans vitalité, qui suit des croyances ou des idéologies extérieures, plutôt que de venir de l'intérieur.

Le blocage psychique

Ces personnes semblent vivre dans une pensée "opératoire", c'est-à-dire qu'elles agissent de manière pratique et mécanique sans vraiment réfléchir à leurs émotions ou aux implications plus profondes de leurs actions.

Cela bloque des processus psychiques importants, comme :

Le rêve, qui devient figé par des clichés collectifs plutôt que d'être un espace de créativité.

La mémoire, qui reste purement liée aux actions (comme des souvenirs de gestes) plutôt qu'à des associations d'idées ou d'émotions.

Le deuil, qui reste fixé sur la perte de l'objet (par exemple, une personne ou une relation) plutôt que d'intégrer cette perte dans leur propre développement émotionnel.

Le clivage psychique

Le clivage est une séparation psychique. En raison de traumatismes ou de douleurs émotionnelles, le moi (la partie consciente de la personnalité) se sépare de l'inconscient et des émotions.

Cela crée un décalage entre la partie du moi qui vit des émotions et la partie qui pourrait les traiter, les qualifier et leur donner du sens.

Chez les personnes souffrant d'alexithymie l'émotion n'est pas intégrée dans leur vie psychique.

Lorsqu'une émotion surgit, elle est ressentie comme une sensation physique, sans la profondeur ou la qualité d'une véritable émotion. Cela peut les pousser à rechercher des sensations fortes pour fuir cette vacuité émotionnelle.

En raison de carences dans leur développement émotionnel précoce, certaines personnes développent une pensée basée sur des sensations immédiates plutôt que sur des émotions profondes.

Leur psychisme est fragmenté, et cela affecte leur capacité à se souvenir, à rêver, et à vivre pleinement leurs émotions.

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Notes :

[1] - Le Concept de la "Mère Morte"

Définition :

Le concept de la "mère morte" fait référence à une situation psychique dans laquelle une mère, bien qu'étant physiquement présente, est émotionnellement absente pour son enfant. Cette absence peut être due à une dépression, à une perte émotionnelle, ou à d'autres facteurs qui rendent la mère incapable de répondre aux besoins affectifs de l'enfant.

Origine :

André Green a développé cette idée en observant des patients dont les symptômes semblaient liés à une expérience précoce de perte d'attention et de chaleur maternelle. Il a remarqué que ces patients montraient des signes de souffrance psychique profonde, souvent manifestés par un sentiment de vide intérieur ou d'abandon.

Conséquences :

L'expérience d'une "mère morte" peut avoir des effets durables sur le développement psychique de l'enfant. Cela peut entraîner des troubles affectifs, une difficulté à établir des relations interpersonnelles, et une tendance à la dépression ou à des comportements autodestructeurs.

Importance en Psychanalyse :

Le concept de la "mère morte" est devenu une référence importante dans la compréhension des dynamiques familiales et des troubles émotionnels. Il souligne l'importance de la présence affective et émotionnelle des parents dans le développement sain de l'enfant.

Références et Travaux

Article de 1980 :

Green a introduit cette théorie dans son article "La mère morte," où il explore les implications de cette absence émotionnelle sur la psyché de l'enfant et discute des cas cliniques pour illustrer son point de vue.

Ouvrages :

André Green a écrit plusieurs ouvrages où il approfondit ses théories sur la mère morte et d'autres concepts psychanalytiques. Ces textes sont des ressources clés pour les professionnels et les étudiants en psychanalyse.

Le concept de la "mère morte" d'André Green reste une contribution significative à la psychanalyse contemporaine, offrant des outils précieux pour comprendre et traiter les troubles émotionnels liés à l'attachement et à la présence parentale.

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[2] - Dans le cadre des travaux d'André Green sur l'alexithymie, l'hallucination négative est un concept central. André Green, psychanalyste influent, a exploré des notions liées à l'absence et au manque dans la vie psychique, et l'hallucination négative en fait partie.

Définition de l'Hallucination Négative

Concept Psychanalytique : Une hallucination négative se réfère à un processus mental où une personne ne perçoit pas un objet ou une situation qui est pourtant présent dans la réalité. Autrement dit, quelque chose qui existe réellement est psychiquement "effacé" ou "absent" pour la personne.

Contrairement à l'hallucination classique (où l'individu voit ou entend quelque chose qui n'existe pas), l'hallucination négative implique un déni de la perception de la réalité, créant une absence psychique d'une réalité pourtant présente.

Hallucination Négative et Alexithymie

Dans le contexte des travaux de Green sur l'alexithymie, l'hallucination négative peut être liée aux processus de déni ou d'inhibition des émotions :

Alexithymie :

L'alexithymie est une difficulté à identifier, exprimer, et verbaliser ses émotions. Les personnes alexithymiques présentent souvent une vie émotionnelle appauvrie, une difficulté à faire des associations symboliques avec leurs affects, et peuvent présenter une "cécité émotionnelle."

Hallucination Négative et Absence de Représentation Émotionnelle :

Pour Green, l'alexithymie peut être conceptualisée en termes d'une sorte d'hallucination négative, où les émotions existent mais ne sont pas perçues par le sujet. L'individu n'est pas capable de reconnaître ou de représenter psychiquement ses propres émotions, ce qui crée un "vide" ou une absence dans son expérience émotionnelle.

Mécanisme de Défense :

L'hallucination négative peut également être vue comme un mécanisme de défense, où l'esprit du sujet choisit inconsciemment de ne pas percevoir ou reconnaître des émotions douloureuses ou perturbantes. Chez les personnes alexithymiques, cela se traduit par une difficulté à accéder à leur propre monde émotionnel, un blocage ou une "absence" émotionnelle.

Lien avec la "Mère Morte"

Le concept de la "mère morte" d'André Green, qui fait référence à une figure maternelle émotionnellement absente, pourrait également être relié à l'hallucination négative. Dans un contexte où la mère est émotionnellement absente, l'enfant peut développer des mécanismes de défense qui incluent une incapacité à percevoir ses propres besoins ou émotions, contribuant ainsi à un état alexithymique. Cette absence de perception des émotions pourrait être conceptualisée comme une forme d'hallucination négative.

L'hallucination négative, dans le cadre des travaux de Green sur l'alexithymie, est un concept clé pour comprendre comment les personnes alexithymiques peuvent être "aveugles" à leurs propres émotions.

Cela suggère que les émotions existent en eux, mais qu'ils ne les perçoivent pas consciemment, un phénomène qui peut être lié à des expériences précoces de carence affective, telles que celles décrites dans la théorie de la "mère morte".

























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Pascal Patry
Praticien en psychothérapie
Astropsychologue
Psychanalyste

5, impasse du mai
67000 Strasbourg

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