La maturation des forces de l'âme 1

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La maturation des forces de l'âme 1

Pascal Patry astrologue et thérapeute à Strasbourg 67000
Publié par Pascal Patry dans Anthroposophie · 6 Octobre 2022
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La maturation des forces de l'âme
Travail soutenu par les Docteurs Claude Boudot, Vincent Hédon et Robert Kempenich par leur intérêt et leurs compétences pro­fessionnelles en médecine anthroposophique.
1. La genèse du jugement

Rapport tête/cœur

Un agriculteur faisait récemment cette remarque : « Les jeunes sont intelligents, mais ils n’ont pas de jugement. Ils savent tout sur la radio et l’électronique, plus que je n’en saurai jamais, mais ils ne sont même pas capables de soulever une grosse pierre. » Il aurait pu ajouter : ils ne sont pas très bons en ce qui concerne les grands problèmes humains non plus. La perception est fiable. La tête est de loin en avance sur le corps. Et pour cette raison, de loin en avance sur le cœur, cette péné­tration du sentiment dans l’intimité des choses.

Mais prenons du recul. Depuis le paradis terrestre, l’Erreur n’a pas lâché les semelles de l’Homme. L’Erreur est un effet secondaire du cadeau que nous a fait Lucifer : la liberté, cette capacité à distinguer le bien du mal. Aujourd’hui, cela s’appelle Jugement. Et bien que nous admettions facilement le caractère inévitable des erreurs - car peu de décisions humaines de nos jours peuvent résister à l’épreuve du temps comme l’attestent notre science empotée et les expérimentations sociales - nous comptons rarement, voire jamais, sur la faculté de juge­ment, son origine, son mûrissement, ou même le fait de la cultiver. D’une certaine manière, on considère le jugement comme allant de soi, comme les pommes sont sur le pommier. On s’y attend.

Autrefois, la faculté de discrimination et la perspicacité étaient atten­dues des professionnels, mais l’atmosphère de méfiance grandissante dément cela de plus en plus. Le statut des éducateurs, médecins, hommes de loi, hommes d’État et autres personnalités élues, ou même des banquiers, n’est plus ce qu’il était. Les gens semblent ne plus leur faire confiance. Qu’est-ce qui est à la base de cela ? Pourquoi cette crise dans l’Erreur humaine ?

La tête se développe plus vite que le reste du corps. Considérons l’en­fant. Chez le nourrisson la formation de la tête est bien avancée, les pou­mons et autres organes sont inachevés. En fait, pendant 20 ans, le phy­sique tente de rattraper le retard. En ce qui concerne les fonctions, cerveau et nerfs sont pleinement opérationnels dès le début de la vingtaine. Les capacités analytiques sont alors à leur sommet, comme le présume l’en­seignement. Et le reste de l’organisme ? La vie des sentiments, la force et la vigueur de la volonté ? Loin derrière ! L’intelligence pratique peut être superbe, brillante, très tôt. La capacité de formuler de conseils sages, des jugements et opinions fiables, vient avec l’âge et l’expérience. Le génie, nous l’amenons avec nous de la vie avant la naissance ; le jugement, lui, doit s’acquérir sur Terre.

« Dans la vie de notre âme également, nous sommes dans une pola­rité entre le développement de la tête et celui du corps qui progressent selon deux temps différents, deux vitesses différentes : la tête relative­ment vite, et ce qui amène le corps à maturité - je vais l’appeler déve­loppement du cœur - plus lentement, environ trois à quatre fois plus lentement. À 20 ans, pour ce qui concerne la tête, nous sommes tous des personnes âgées » (14).

Ici, nous avons une clé. Nous sommes tous, à 20 ans, des personnes âgées sur le plan mental. Mais l’âge de la responsabilité et du bon sens peut ne suivre que plusieurs décennies plus tard. Trois fois cet âge en fait. Prêtez attention à ceci : « Vous pouvez compter de tête. À 15 ans, quelqu’un peut traiter avec sa tête tous les concepts nécessaires à l’ad­ministration publique, mais n’être prêt à être élu à un tel poste que vers 45 ans. Les anciens savaient cela grâce à l’enseignement des Mystères. Aujourd’hui, peu de personnes font la différence » (15).

On peut trouver une adorable illustration de ce que veut dire « faire la différence » dans cet échange, entre un jeune curé de province et une vieille pratiquante, sur les marches d’une petite église de Pennsylvanie : « Mère, avez-vous aimé mon sermon ? » « Mon fils, vous êtes beaucoup trop jeune ; vous n’avez pas péché suffisamment, vous ne vous êtes pas repenti suffisamment pour me faire le moindre bien ».

Dans ce rapport tête/cœur de la sagesse humaine en développement réside sûrement une bonne part de la réponse à la crise de l’Erreur. Les affaires humaines en chaos aujourd’hui sont mises en ordre grâce au génie de l’intellect, cette inspiration trop verte de la première moitié de la vie.

Dehors dans le monde

De nos jours, le cerveau brillant tient les rênes, avec tout son idéa­lisme théorique, son utopie juvénile, et ses impatientes exigences d’immédiateté. La maturité semble manquer, les gens n’évoluent pas, per­sonne ne pense devenir plus sage avec l’âge. Aujourd’hui, on cherche à devenir productif très tôt, avant 40 ans. Il y a peu de chance pour qu’on écoute celui qui a eu la patience de réfléchir à fond, d’attendre, en fait, jusqu’à l’accomplissement du rapport de trois à un. Toujours de nouveaux schémas, de nouvelles techniques, dans les écoles, l’industrie, en médecine, dans la planification sociale voient le jour - bons à mettre au rebut au bout de 10 ans, remplacés par de nouvelles panacées, pas plus évoluées. Un fait s’impose : celui de la manie de la nouveauté. Inspiré par quoi ? Et par qui ?

Les choses qui émanent de nous vers le monde - et qui nécessitent du jugement - peuvent présenter éclat et brillance pendant la premiè­re moitié de l’existence, mais peu de vie et peu de poids. Les décou­vertes les plus innovantes peuvent même se révéler de véritables ques­tions. L’invention de la T.V. en 1930 par un jeune adulte de 21 ans est un exemple qui en dit long (16). Rappelez-vous le drame des années 50, de la crise morale qui a secoué la communauté des physiciens nucléaires les plus âgés qui travaillaient sur la bombe atomique. Consi­dérez la pénurie d’ingénieurs dans les centrales nucléaires d’au­jourd’hui, parce qu’ils ont changé d’avis à propos de la sécurité et du futur.

Si le fruit trop vert de l’esprit du jeune chercheur était en quelque sorte retenu, gardé hors de portée du courant du mercantilisme et des applications immédiates, travaillé et retravaillé jusqu’au-delà de 40 ans, ces inspirations inventives des anges de la technocratie pourraient bien être « pensées jusqu’au bout ». Elles pourraient devenir humainement acceptables et moralement saines, tempérées par de l’inspiration d’anges plus sages.

« C’est une loi de la nature, l’humanité a besoin de découvertes et d’in­ventions. Si ces découvertes, et plus particulièrement ces inventions, y compris celles de nature technologique, sont faites par des hommes qui n’ont pas encore atteint leurs 40 ans, alors ces inventions vont agir à rebours dans le contexte global de l’humanité - entravant en quelque sorte quelque chose dans l’humanité - en particulier en ce qui concer­ne le progrès moral de l’humanité.

« Les plus belles inventions peuvent être faites par les jeunes ; mais elles ne serviront pas au progrès de l’humanité. Quand un homme a atteint la quarantaine en préservant jusqu’à cet âge sa capacité d’in­vention pour tout ce qui concerne le monde physique, il apportera alors, en même temps que l’invention, un contenu moral. Cette inven­tion aura alors un effet moral pour le développement de l’humanité.

« Comme l’humanité n’admet pas du tout les lois spirituelles, ce qui vient d’être dit peut paraître inepte, exprimé ainsi. Mais c’est véritablement une loi spirituelle : seul un homme qui a atteint l’âge de 40 ans est devenu assez mûr pour utiliser son talent inventif pour le progrès de l’humanité dans le domaine spirituel, et en particulier dans le domaine technologique. Jusqu’à ce point au moins, nous devons reconnaître les lois du développement de l’humanité » (17).

La prise de conscience des conséquences - des effets à long terme et des effets secondaires, effets subtils produits sur les autres êtres humains, sur l’humanité dans son ensemble - exige une vision globale. Une telle perspicacité émerge des « forces du cœur » parvenues à maturité, pro­venant de ces capacités de jugement qui sont passées par le feu de l’expérience de la vie et ont pénétré l’homme entier.

Ce qui est demandé ici est un « jugement périphérique ». Pas celui du point de vue personnel, ou « jugement pointu », si fréquent de nos jours.

Parmi ceux qui étudient l’anthroposophie

Mais assez parlé du monde ! Ce qui nous touche le plus est le travail que nous faisons entre nous dans les groupes d’étude, notre vie anthroposophique. Nous sommes supposés devenir des étudiants actifs, plus que de simples auditeurs, conférenciers, ou observateurs. On nous met au défi de lire, parler et écrire de façon substantielle, trouver les réponses à des questions, et en fait « représenter » ce qui nous est cher. Au cœur de chacune de ces facultés, ou dons de la muse, se trouvent la discrimination, le jugement, l’art subtil d’établir des distinctions avec sensibilité.

Comme il nous est fréquemment demandé d’éveiller en nous un sen­timent, un organe ou un sens pour la vérité ! Ceci signifie, bien sûr, ô mes amis, bien distinguer le bon de ce qui est simplement courant, le juste de ce qui se fait autour de vous, le beau de la mode, de la moder­nité. Il nous est demandé de distinguer les pensées humaines des pen­sées du monde ou du cosmos, ces vérités actives qui ont été incorpo­rées dans le monde par les êtres créateurs.

Et ce sont ces pensées que nous travaillons à acquérir et communi­quer sous le nom d’Anthroposophie. Quant aux livres et aux cycles, ils ont été composés avec « le sang du cœur », ils ont été donnés par tout l’être de l’auteur. Comment devraient-ils être reçus ? Travaillés ?

Comme simple savoir de la tête ? Non bien sûr ; comme source de joutes verbales et de jeux dramatiques ? Certainement pas ; comme expérience profonde, sérieuse, une source de vie supérieure ? Certaine­ment, oui ! Cela nous le savons.

Mais réfléchissez un moment à ce qui se passe si souvent dans nos cercles de travail. Nous lisons, ou on lit pour nous, on nous demande de faire une synthèse, de commenter. Mais comment puis-je parler ainsi des mystères les plus profonds en ne me servant que de ma tête ? Lus ou entendus une fois, ou même plusieurs fois, ils sont à peine compris. Je saisis éventuellement les mots, peut-être suis-je même capable de les répéter. Mais en faisant cela, l’auditeur reste froid. Ajouter du pathos, ses propres sentiments personnels, ne fait qu’aggraver le résultat. L’em­barras s’ajoute au vide. Le langage ésotérique sophistiqué peut impres­sionner le crédule et le naïf, mais il donne à coup sûr un sommeil agité aux personnes sensées.

Je ne peux tout simplement pas parler de manière responsable à pro­pos de ce à quoi je n’ai pas profondément réfléchi. Réfléchi et reréflé­chi, jusqu’à ce que ce soit devenu mien. Si ce n’est pour aucune autre raison, que ce soit au moins fait pour le bien des autres, mes compa­gnons d’études. Mais malheureusement, beaucoup d’entre nous ignorent tout simplement comment notre voix porte, ou l’impression que nous faisons sur autrui. Au tout début, en tout cas. Plus tard dans la vie, la conscience peut venir.

Mettons l’accent sur les deux extrêmes auxquels nous sommes confrontés : le savoir qui n’a pas été vécu frappe par son absence de vie, sa froideur, son abstraction ou son débordement et sa rhétorique irrationnelle. D’un autre côté, quand nous travaillons un texte si nous le ressentons dans son contexte, d’où il tire toute sa signification et sommes capables de le compléter d’illustrations de la vie tirées de notre propre expérience, alors c’est vraiment nous qui parlons, nous qui nous ouvrons et ouvrons les autres à une inspiration profonde et l’enthou­siasme s’allume tout autour de nous. Ceux qui sont là se taisent, leur champ de vision s’élargit. Un air magique remplit la pièce. C’est cette atmosphère d’émerveillement provoquée par ce qui est vraiment com­pris qui maintient le travail de notre Branche vivant. C’est le secret de sa vie. Dans les écrits anciens, cela s’appelait « plénitude », ou « présen­ce ». Nous l’appelons Schwellenluft (18).

Sans cet ingrédient magique, les rencontres ressemblent à des « soi­rées amicales » ou deviennent des forums pour non qualifiés, souvent des invitations aux farfadets de la discorde et de la bêtise. Et les amis refusent d’y assister.

Si, de l’autre côté, la substance spirituelle de notre littérature a été vraiment assimilée, confrontée à notre expérience, à notre vie, ressen­tie comme vision intérieure, comme Anscbauung (Rudolf Steiner parle même « d’expérience mystique des Idées ») - alors, et alors seulement, les réunions de membres peuvent servir la tâche projetée. Sans cela, le travail dans nos groupes reste en jachère.

« Le développement de la tête est terminé chez la plupart des gens entre vingt et trente ans. C’en est alors fini des connaissances, des acqui­sitions venues du monde. Le reste de l’organisme nécessite tout le reste du temps jusqu’à la mort. Pour quiconque a observé ces choses-là, il est clair que celui qui a saisi quelque chose avec son intellect doit attendre que cela se soit uni à son être entier… L’investigateur consciencieux ne dira jamais ce qu’il n’a compris qu’avec sa tête. Seulement ce qu’il a saisi avec la totalité de son être. Ceci a une profonde signification » (15).

Emil Leinhas raconte comment il a un jour abordé Rudolf Steiner pour lui demander s’il était plus important de lire cinquante cycles de confé­rences ou de lire un cycle cinquante fois. La réponse fut sans appel, « Lisez un cycle cinquante fois ». Ceci est certainement une façon de transformer entièrement le savoir acquis par la tête en savoir du cœur. Cinquante, en tant que nombre, fait penser au rythme de la Pentecôte. Dans un sens métaphorique, cela voudrait dire qu’après 7x7 expé­riences d’un organisme de pensée vivante dans les écrits, « car ils sont ainsi composés », cet organisme spirituel aura eu une bonne chance de devenir partie de notre propre corps éthérique, et qu’à la suite de cela quelques petites langues de feu, d’un enthousiasme ardent, peuvent être allumées.

Dans la mesure où tout ceci prend beaucoup de cette chose précieuse que nous appelons temps, il nous incombe de commencer tôt. Pour que le cœur absorbe tout ce que la tête peut savoir, cela demande des rythmes entiers de jours, et de semaines, et de mois, et d’années. Notre jeunesse mal dépensée, perdue en combats extérieurs, peut nous coû­ter cher. Mais il en est de même pour nos années de maturité. Le moment pour commencer est toujours : maintenant. Mettons-nous à chercher les secrets qui amènent de la vie dans les pensées, et donnons leur un être.

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Source : George et Gisela O'Neil avec les apports de Florin Lowndes - La vie humaine - Saisir le sens de son parcours terrestre.

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Travail soutenu par les Docteurs Claude Boudot, Vincent Hédon et Robert Kempenich par leur intérêt et leurs compétences pro­fessionnelles en médecine anthroposophique.

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