Notions fondamentales sur le cours de la vie humaine

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Notions fondamentales sur le cours de la vie humaine

Pascal Patry astrologue et thérapeute à Strasbourg 67000
Publié par Pascal Patry dans Anthroposophie · 8 Mars 2024
Tags: Notionsfondamentalescoursviehumaine
Notions fondamentales sur le cours de la vie humaine
Le cours de la vie et le rythme
Les degrés d'évolution de la vie psychique
Le septénaire de 0 à 7 ans
Le septénaire de 7 à 14 ans
La métamorphose des forces de croissance en forces de pensée
La vie affective
L’autorité et le Moi
Le septénaire de 14 à 21 ans
La dualité des sexes
La vie psychique émotionnelle
Le corps de sensibilité
La naissance du Moi et ses préalables
La naissance du Moi et le développement psychique
L'âme de sensibilité
Le septénaire de 28 à 35 ans
L'âme de raison et de sentiment
La relation avec le corps physique
Le septénaire de 35 à 42 ans
L'âme de conscience
La relation avec le corps physique
Synthèse par l'image



Le cours de la vie humaine n'est pas simplement un déroulement. Évoqué par le souvenir, le cours de notre propre existence est d'abord perçu comme une forme réalisée dans le temps, comme un organisme doté de croissance, de structure et de développement. La même découverte peut être faite chez les autres. Dans le cours de chaque vie, nous rencontrons un être humain et son devenir permanent. Faire œuvre de biographe consiste à décrire ce cours, en s'adressant à nous-mêmes et au monde. Mais avant qu'une biographie puisse être écrite, c'est l'homme lui-même qui « inscrit » sa vie dans le monde, le biographe ne faisant que copier cette « écriture primordiale ».

La plante aussi est douée de vie, tout comme l'animal, mais on ne rédige pas la biographie d'une plante individuelle ou d'un animal. La vie d'une plante est entièrement déterminée par l'univers. C'est principalement le soleil qui guide la plante. Grâce au processus d'assimilation, la lumière du soleil matérialise la forme végétale à partir de l'air. L'animal, dans une certaine mesure, se libère du monde extérieur en intégrant la vie cosmique dans son organisme fermé sur lui-même. Ainsi, l'animal est capable de réactions intérieures face au monde. À travers son corps, une âme peut ressentir et agir en lui. Une lueur de conscience s'éveille dans l'âme de l'animal, qui, contrairement à la plante, ne s'ouvre plus à la lumière du soleil.

Cependant, chaque animal reste lié à l'espèce dont il est membre. Un lion réagit en fonction de son espèce et non en tant qu'individu singulier. Les mouvements psychiques de l'animal ne prennent pas naissance à partir d'un centre intérieur ; ils émanent de l'espèce, pénètrent l'animal, remplissent sa vie psychique, lui impriment des pulsions irrésistibles et dirigent son existence. Seul l'homme est constitué en vue d'un centre d'où peut émerger la vie individuelle. À la conscience de l'âme s'ajoute la conscience du Moi (celle qui dit "Je"), le noyau de l'âme. C'est à ce point que se rapporte tout le vécu de l'âme, et de lui que procèdent tous ses actes. Alors que l'animal, dépourvu de Moi, est déterminé par le "Moi-groupe" de son espèce, l'être humain possède son propre Moi. Ainsi, la lumière de la conscience est dotée d'un centre, mais celui-ci n'est encore dans l'âme que l'éclat d'une étincelle. L'"étincelle divine" de Maître Eckhart, ardente en chaque âme, devient le soleil intérieur dans la poésie de Goethe :

"Que la conscience indépendante
Soit le soleil de la morale de tes jours"

L'expression d'"étincelle divine" indique par elle-même que, grâce au Moi de l'homme, la part divine peut se manifester et que, en dirigeant sa vie selon ce soleil intérieur, il se trouve en harmonie avec l'esprit divin du monde. Cependant, son soleil intérieur n'est qu'une étincelle de la lumière divine. "Le Moi reçoit en lui les rayons de la lumière qui s'allume comme une lumière éternelle en l'homme." Par le Moi, l'esprit vit sous une forme individuelle dans l'âme humaine.

La nature de l'homme transparaît dans chaque biographie. La plante possède un corps vivant, tandis que l'animal révèle un corps vivant doté d'une âme. Chez l'homme, le Moi s'ajoute à cela, et c'est par lui que l'esprit se manifeste. Seul un être composé de corps, d'âme et d'esprit est capable, par son Moi, de vivre une existence passée dans un corps terrestre doté d'une âme, et d'inscrire sa biographie dans le monde.

Le cours de la vie et le rythme

La structuration du cours de la vie, qui se déroule dans le temps, résulte de différents rythmes, tout comme cela se passe pour la croissance. Chez l'homme, c'est le rythme septénaire qui revêt le plus d'importance.

Après chaque période d'environ sept années, l'homme observe des changements fondamentaux dans sa vie. Ce phénomène est particulièrement évident avec la deuxième dentition, vers l'âge de sept ans, puis avec la puberté, vers l'âge de quatorze ans. Cependant, une observation attentive révèle ce même schéma tout au long de l'existence. En utilisant l'expression "tous les sept ans environ", on ne fait pas preuve d'imprécision non scientifique, mais on se réfère plutôt à la nature du rythme. Alors que, selon L. Klages, la mesure conduit à la répétition d'intervalles de temps égaux, le rythme se caractérise par la récurrence d'intervalles semblables dans le temps. Les variations font donc partie du rythme septénaire de la vie humaine. Les variations les plus importantes sont dues à l'accélération et au retard causés par l'évolution de l'humanité et par l'individualité de chaque être humain. Ainsi, la précocité accrue de la deuxième dentition et de la puberté concerne tous les individus, tandis que les variations ultérieures des intervalles chronologiques dépendent davantage de la nature et du destin de chaque individualité.

Dans ses conférences fondamentales sur le développement psychique, intitulées "Métamorphoses de la vie de l'âme", Rudolf Steiner remarque que la notion de septénaire concerne une "durée moyenne". Compte tenu de cette observation, il est juste et enrichissant de toujours considérer le rythme septénaire comme primordial dans la vie humaine.

D'après l'étude détaillée de W. Hoerner, le nombre 7 joue un rôle prépondérant dans l'univers tout entier. Sous la forme de la semaine de sept jours, il conduit à un "rythme de l'âme" où chaque jour correspond à l'une des planètes en relation avec l'âme. Cependant, le nombre 7 n'est pas seulement important en relation avec les planètes et la vie de l'âme. Il subdivise également une série de rythmes biologiques. D'autre part, l'année, avec ses douze mois, représente le rythme du corps physique, dont l'anniversaire revient chaque année. Le rythme septénaire de la vie et de l'âme se combine avec le rythme annuel du corps physique, et de cette union découle le rythme des sept années, qui relie la nature de l'homme à sa manifestation dans le monde physique.

L'essence de l'être humain ne se révèle pas immédiatement ; elle se manifeste progressivement grâce à l'élément du temps, ce qui constitue son évolution. Il ne faut pas penser que cela concerne simplement le déroulement de ce qui existe déjà. De la rencontre de l'être humain avec le monde des apparences résulte une innovation créatrice que Goethe appelait "intensification" (Steigerung), provenant de l'expérience et de l'assimilation de polarités, d'éléments antagonistes.

Pourtant, l'évolution n'est pas continue. Le rythme septénaire, qui subdivise l'existence humaine, conduit à des seuils biographiques où apparaissent de nouvelles ressources, où la métamorphose du passé peut engendrer du nouveau. Walter Bühler souligne à juste titre que le rythme ne consiste pas tant à répéter toujours la même chose à des intervalles semblables, mais plutôt en une "renaissance vivante de choses qui se ressemblent". C'est ainsi que l'intensification permet à l'être de se manifester de manière toujours plus parfaite. L'alternance rythmique des polarités harmonise leur rapport, d'où la création toujours renouvelée de l' "espace" où l'être se manifeste graduellement.

On peut envisager le cours de la vie selon des points de vue biologiques. On découvre alors que, "selon les notions biologiques modernes, les phénomènes les plus fondamentaux de la vie présentent une évolution périodique". Tous les sept ans, "l'onde de la vie individuelle" est retenue devant les nœuds de l'évolution susceptibles de devenir des points critiques. Il est nécessaire de les connaître pour évaluer le cours d'une existence et pour venir en aide à soi-même ainsi qu'à d'autres en période de crise. Souvent, on ne peut constater qu'après coup que le nœud de la vie a donné naissance, comme le nœud du végétal, à un élément nouveau.

À l'aspect biologique, Steiner ajoute celui de la science de l'esprit en qualifiant de "naissance" l'événement qui survient tous les sept ans. Seule cette image permet de saisir dans sa totalité le développement de l'être humain. À l'image de la naissance physique, chacune des naissances se produisant au rythme de sept ans est davantage que la sortie d'un fruit nouveau du sein d'un progéniteur. C'est un nouvel être qui apparaît, et qui ne s'explique pas seulement à partir de l'être ancien. Du point de vue de la science de l'esprit, l'enfant n'est pas simplement le produit de ses parents, il ne fait pas que sortir du sein de sa mère, il arrive en même temps d'ailleurs. Il descend du sein d'un monde spirituel où, avant de naître, il a séjourné en tant qu'être autonome, et il s'incarne dans le fruit terrestre du sein maternel.

Lors des naissances consécutives, c'est encore un être qui s'incarne, tant dans le corps que dans le cours de la vie de l'homme qui se développe. On voit bien qu'il n'y a pas seulement innovation à partir de ce qui existait déjà, mais un fait nouveau qui s'inscrit dans la vie. C'est à juste titre qu'on parle d'un "impact" nouveau dans l'évolution. Ce fait permet une réalisation nouvelle dans l'existence propre, dans le monde, événement dont l'importance, voire la nécessité pour une petite ou une grande partie du monde, dépend de l'envergure de cette existence.

Toutefois, cette nouveauté n'est pas un élément étranger, importé de l'extérieur, car elle est intimement liée à l'être lui-même. En s'incarnant progressivement, l'être humain intègre l'impulsion nouvelle, la considérant comme faisant partie de lui, dans le monde des apparences. Chez les grands hommes, cette réalisation individuelle peut se connecter aux tendances et aux finalités de l'évolution humaine, dont elle est imprégnée.

Le rythme septénaire n'est pas non plus imposé par le monde extérieur ; il correspond plutôt à des subdivisions de l'être humain lui-même. Nous verrons plus loin des septénaires d'évolution à prépondérance corporelle, psychique, puis spirituelle. Mais dans le cadre de cette tripartition, chacun de ces septénaires correspond à une structure nouvelle dans l'être humain. Rudolf Steiner a formulé à ce propos le terme de "Wesensglieder". C'est l'image non pas d'une division, d'une subdivision de l'être humain, mais d'une articulation vivante où les différentes parties ne sont pas simplement juxtaposées. À l'instar de la triade corps, âme et esprit, les subdivisions qui s'y ajoutent procèdent par une interpénétration dynamique des éléments, centrés chacun sur l'élément constitutif correspondant. À l'image de nos membres corporels, chaque élément constitutif appréhende à sa manière le monde et lui donne forme.

Au cours de l'existence, le phénomène de la naissance devient concret et en même temps essentiel, car à chaque naissance s'incarne un élément constitutif de l'être humain. Pendant la période embryonnaire, le Moi participe à l'élaboration du corps physique. C'est également lui qui, lors des naissances successives, contribue à l'évolution du "nouveau fruit". Ce fait revêt une importance particulière dans le développement psychique.

Face au concept de rythme, les opinions divergent. Quelque temps après Steiner, Guardini s'est spécialement penché sur la nature des phases rythmiques de l'existence. Selon lui, ces phases sont "des formes de vie qu'on ne peut pas dériver les unes des autres". Par des phases successives, une innovation s'insère dans l'organisation vitale, rendant impossible l'explication d'une phase à partir de l'autre.

De nombreux chercheurs, ayant observé la subdivision rythmique du cours de la vie, ont identifié le rythme septénaire. La Grèce l'avait déjà connu et divisait l'existence humaine en heptomades, en dix phases de sept années chacune. Après Jacob Boehme et Paracelse, l'intérêt pour le rythme septénaire a émergé au début du XXe siècle dans le cadre des sciences modernes (Swoboda en 1904, puis Klages et Hellpach). M. Moers a décrit six phases d'existence soumises à ce rythme, tandis que H. Künkel a caractérisé des périodes biographiques de quatorze années. Plus récemment, G. Sheehy a constaté, dans un ouvrage populaire riche en exemples vivants, que "notre système intérieur de vie développe imperturbablement son propre rythme". Elle se demande si l'on peut croire en la sagesse populaire qui affirme que tous les sept ans nous sommes "sujets à du prurit et des fourmillements", mentionnant également "de multiples données statistiques quant au rythme septénaire", bien qu'elle n'insiste pas particulièrement sur ce dernier dans ses études.

Certains chercheurs ne remarquent pas ce rythme, mais notent néanmoins, comme C. Bühler, certaines phases biographiques. Cependant, pour R. Oerter, le développement est un "tissu complexe de relations de cause à effet" qui ne relève d'aucun âge spécifique. Oerter se concentre sur "des faits qui peuvent être vérifiés expérimentalement ou quantitativement (c'est-à-dire par la statistique)". D'autres auteurs suivent cette approche pour étudier le comportement humain du point de vue psychologique, semblant perdre de vue l'ensemble du cours et des rythmes de la vie. (B. Lievegoed explore en détail, pour les intégrer, les différentes approches de l'étude biographique, dans son ouvrage fondamental sur les crises et les opportunités de la vie.)

Or, le nombre 7 n'indique qu'un ordre de grandeur dans le cours de la vie et ne conduit pas nécessairement à des points fixes de l'évolution. Par conséquent, le rythme septénaire subit diverses variations. On se demande si un tel rythme peut réellement être appréhendé par la méthode numérique de la statistique. Cependant, étant donné que les périodes septénaires relèvent d'ordres de grandeur de nature spirituelle, ce rythme peut être identifié et utilisé comme principe fondamental de la vie humaine. Nous avons déjà souligné que cette vie émane de l'esprit, l'incorpore et y retourne. C'est ce que démontrera la présente étude. La vie demande intrinsèquement une ordonnance spirituelle du cours de l'existence. Ce dernier se présente comme une œuvre d'art pour la science biographique, qui sait relier cette ordonnance à la vie.

Les degrés d'évolution de la vie psychique

Dans l'existence terrestre, la vie de l'âme commence avec le premier mouvement respiratoire. À ce moment, l'âme entre dans la vie d'un corps désormais autonome, au développement duquel elle avait précédemment contribué en collaboration avec le Moi. Elle commence à se manifester dans cette vie et met sa propre existence au service de celle-ci. C'est pourquoi, initialement, l'âme ne se manifeste pas autant qu'elle le fera plus tard, et pourquoi l'évolution vers une vie psychique émancipée ne peut pas encore commencer.

Notre expérience avec les jeunes enfants les perçoit comme étant enveloppés et imprégnés d'âme. Le petit corps est alors comme une graine où germera un jour le potentiel de l'âme. À ce stade, l'activité de l'âme se concentre principalement dans le corps, et c'est dans ce domaine que nous en faisons l'expérience. Nous ressentons encore son enveloppement. Tout comme le corps a été entouré par le corps maternel lors de son développement embryonnaire, l'âme active dans le corps, appelée "corps astral" par Rudolf Steiner dans le sens strict du terme, est initialement entourée par une "enveloppe astrale" avant de "naître", dont elle se libérera à la puberté pour une plus grande émancipation. Cette enveloppe maternelle n'est pas seulement une protection pour le corps astral. Après l'enveloppe corporelle maternelle, c'est maintenant l'enveloppe astrale qui fait office de médiateur entre l'univers, le monde environnant et l'activité de l'âme dans le corps, où elle apparaît parfois comme un éclair, parfois comme une lueur.

Ainsi, les deux premiers septénaires du cours de la vie peuvent être considérés comme des étapes préliminaires de l'évolution psychologique. Par conséquent, nous les examinerons de manière plus succincte, d'autant plus qu'ils ont déjà été souvent décrits en relation avec la pédagogie.

Le septénaire de 0 à 7 ans

Le premier septénaire, de la naissance à sept ans, est dédié au développement physique, qui est loin d'être achevé à la naissance. C'est après la naissance que se forment ou se finalisent les structures et les organes essentiels. Par exemple, dans le cerveau, la substance blanche, qui constitue la base physique de la pensée, ne se développe essentiellement qu'après la naissance (myélinisation). La maturation complète du cerveau n'est achevée qu'à l'âge de huit ans, lorsque cet organe présente peu de différences anatomiques notables par rapport à celui d'un adulte. Les germes dentaires ne sont généralement matures que vers l'âge de sept ans, permettant ainsi l'émergence des dents de lait.

C'est durant cette période que se forment les derniers organes du corps physique. Il s'agit d'une activité créatrice qui atteint son apogée dans le corps et ne se répète pas sous la même forme. À ce stade, l'enfant a finalement modelé son propre corps à partir du modèle hérité, utilisé comme référence. Autour de sept ans, ce processus est marqué par l'apparition des dents définitives, remplaçant ainsi les dents de lait héritées.

Les maladies infantiles revêtent alors un sens biographique important. Ces maladies peuvent aider l'enfant à exercer ses propres forces sur le corps hérité. Après la maladie, l'expression faciale et le regard de l'enfant témoignent davantage de l'âme individuelle engagée dans la structuration du corps. C'est le début d'une pénétration progressive, jusqu'à l'âge adulte, de l'âme et du moi dans le corps physique. Le conflit avec l'hérédité n'est pas encore résolu, et le modèle hérité reste significatif pour la suite du développement.

Pour le développement de l'âme devenue indépendante, le premier septénaire du corps physique revêt également une importance primordiale. Ce corps devient l'instrument de la vie de l'âme. La forme et la structure du corps influencent la manière dont l'âme donne forme à sa propre vie.

La responsabilité de la formation du corps de l'enfant ne repose pas uniquement sur l'être de l'enfant lui-même, mais également sur son environnement. Cette responsabilité est particulièrement grande pendant le premier septénaire, lorsque l'enfant quitte le sein de l'univers et celui de sa mère pour s'engager dans le monde terrestre. Bien que le monde spirituel continue à guider l'enfant, celui-ci dépend davantage de son entourage terrestre, dont le corps physique fait partie intégrante.

Les influences structurantes (ou déstructurantes) du monde extérieur agissent sur le corps de l'enfant, se combinant à l'âme qui, active dans le corps, joue le rôle de médiatrice entre celui-ci et le monde. Ainsi, les interactions avec l'environnement physique et social contribuent à façonner le développement physique et psychique de l'enfant au cours de son premier septénaire.

Pendant le premier septénaire, l'enfant vit principalement dans sa tête, où les sens sont centralisés et où se forme également la configuration de la forme humaine. Ce processus est réalisé par le système nerveux, également centralisé dans la tête, qui participe à l'intériorisation des impressions sensorielles et à la formation des représentations conscientes et inconscientes.

Durant cette période, il est courant d'observer que l'enfant est un être d'imitation, bien que cette imitation soit rarement consciente. L'enfant imite inconsciemment les mouvements de l'âme et du corps, ainsi que les impressions sensorielles qui conduisent à une imitation organique dans la conformation du corps. L'âme de l'enfant résonne avec tout ce qui se passe dans son environnement et cette résonance, à peine contrôlée par la conscience, se manifeste dans son corps, principalement à partir de la tête.

La pénétration spirituelle du corps, initiée à partir de la tête, est significative pour le Moi de l'enfant, qui travaille en collaboration avec l'âme. Cette pénétration spirituelle conduit l'enfant à se dresser et à marcher en posture verticale, semblable à une marionnette tenue et dirigée par la tête. Vers l'âge de trois ans, lorsque l'enfant commence à dire "Je", un début de conscience de soi émerge dans la tête. À partir de ce moment, l'individualité de plus en plus consciente imprègne toutes les manifestations psychiques de l'enfant.

Le septénaire de 7 à 14 ans

À la fin du premier septénaire, alors que l'organogénèse dans le corps touche à sa fin, des forces créatrices sont libérées. Ces forces appartiennent à l'organisme des forces modelantes, qui a transmis au corps, par le système nerveux, les impulsions formatrices de l'âme et du Moi. Le principe ordonnateur général, appelé "entéléchie" par Driesch, se manifeste dans l'élément constitutif décrit par Rudolf Steiner comme le corps vital ou éthérique.

Le corps éthérique est une forme imperceptible pour les sens, constituée par les forces modelantes qui ont pris une "forme" et se sont organisées en un organisme. Le terme "éther" évoque l'origine des forces modelantes, tandis que le terme "corps astral" fait référence au monde suprasensible lié aux étoiles, d'où l'âme descend sur terre à la naissance et vers lequel elle retourne à la mort.

La naissance du corps éthérique marque le début du septénaire suivant, le septénaire du corps éthérique. Cette naissance se manifeste principalement au niveau de la tête, où les germes de la deuxième dentition sont achevés et où le cerveau se dirige vers sa maturation. À mesure que cela se produit, la vie recule de plus en plus nettement devant la conscience.

Avec l'éveil croissant de l'enfant et l'achèvement du développement de son corps éthérique, il est désormais prêt à s'engager dans l'apprentissage et à fréquenter l'école.

Le corps éthérique joue un rôle d'intermédiaire entre le corps physique et l'âme, permettant ainsi à cette dernière d'avoir accès aux forces modelantes du corps physique. Ces forces, autrefois responsables de la formation et de la croissance du corps, se transforment désormais en forces de pensée. Rudolf Steiner va même jusqu'à affirmer que les forces de pensée de l'homme sont des forces affinées de forme et de croissance. Cela signifie que le principe de forme des forces modelantes, qui ont construit le corps, se prolonge jusqu'à la vie psychique de l'homme, où il subit d'autres métamorphoses après l'âge de sept ans.

La métamorphose des forces de croissance en forces de pensée

La transformation des forces de croissance en forces de pensée est un processus complexe qui implique une métamorphose des composants du corps physique et du psychisme.

Dans le corps physique, les cellules sont les unités de base qui doivent être surmontées dans une certaine mesure pour permettre la naissance d'un organisme avec sa forme et ses organes. Ce dépassement est assuré par le corps éthérique, qui est responsable à la fois de la croissance des cellules et de leur intégration dans la formation des organes physiques. Les cellules représentent toujours un aboutissement dans le processus de formation du corps, fournissant un soutien au corps éthérique et contribuant à la genèse des organes.

De manière similaire, dans le psychisme, il existe des produits d'aboutissement appelés représentations, qui correspondent aux cellules dans le corps physique. Les représentations sont des éléments de la vie psychique qui servent à former des organes psychiques, tout comme les cellules forment des organes dans le corps. Les représentations permettent de comprendre ce qui est nouveau, et elles se composent d'amas de représentations antérieures qui reviennent en surface par le souvenir. Ces représentations sont la substance la plus structurée de la vie psychique et jouent un rôle essentiel dans l'élaboration de contenus universels de nature psychospirituelle.

L'association de diverses représentations forme initialement des complexes de représentations. Ces complexes, constitués par ce que nous avons appris et intériorisé, s'endorment dans l'oubli pour se réveiller ultérieurement dans le souvenir. Grâce à l'apprentissage, ces complexes représentatifs se forment en nous, nous permettant non seulement de reconnaître le monde mais aussi d'élaborer ses contenus, de les assimiler et de les comprendre.

Le souvenir peut raviver en nous bien plus que ce que nous avons oublié. Ainsi, un objet est mieux compris par la mémoire que par la simple perception. Par exemple, en acquérant une série de représentations sur la conformation et la croissance des végétaux, nous développons en nous des organes psychiques qui nous permettent de comprendre la plante dans son ensemble. De plus, ces organes, passés par l'oubli, se transforment et évoluent, nous permettant de saisir de nouveaux aspects de la nature de l'objet. Contrairement aux organes du corps physique, ceux que nous utilisons pour penser sont beaucoup plus vivants et mobiles, caractéristique propre au corps éthérique. Ils se renouvellent continuellement, ce qui explique la citation de Goethe affirmant que chaque nouvel objet fait naître en nous un nouvel organe, compris de la bonne manière.

En résumé, les forces formatrices qui ont produit la croissance des cellules pour former les organes du corps sont les mêmes, après métamorphose, que celles qui façonnent les représentations pour les intégrer dans les organes psychiques. Le corps éthérique joue le rôle d'intermédiaire entre le domaine corporel et celui de l'âme, permettant ainsi la formation des organes psychiques. La maturité représentative, atteinte vers l'âge de sept ans, marque cette évolution.

La vie affective

Au cours du deuxième septénaire, le corps éthérique se détache davantage du corps physique au niveau de la tête, tandis qu'il reste plus proche de celui-ci dans les parties moyennes et inférieures de l'organisme. Les manifestations psychiques qui se produisent dans ces régions sont moins conscientes et se déroulent dans un état de conscience similaire au rêve ou au sommeil, propre à la vie affective et volontaire.

Pendant cette période, les penchants, les habitudes et les tempéraments hérités subissent un développement et une transformation. Le tempérament personnel émerge progressivement, tandis que celui hérité s'estompe peu à peu. À la fin de cette période, le tempérament définitif commence à se révéler, bien qu'il nécessite encore l'influence de l'âme qui s'émancipera au cours du troisième septénaire, de quatorze à vingt et un ans.

Les tempéraments deviennent la base de la vie psychique, marquant la constitution corporelle ainsi que le rythme et le mode de fonctionnement de l'âme. Pendant le deuxième septénaire, les tempéraments fournissent principalement la base de la vie affective, qui commence à prendre le pas sur la vie perceptive du premier septénaire. Les enfants oscillent entre diverses émotions telles que la sympathie et l'antipathie, la joie et le chagrin, la peur et le courage.

Au cours de cette période, l'âme et le Moi se manifestent dans le domaine moyen de l'organisme, principalement dans le système rythmique. L'enfant vit alors davantage dans ses processus rythmiques, commençant à s'exprimer à travers des activités musicales inconscientes. Cette période est caractérisée par une maturation respiratoire, qui ouvre la voie à une nouvelle manière de penser.

Pendant le deuxième septénaire, le poumon devient l'instrument principal de l'âme affective. À chaque inspiration, le corps astral, qui vit naturellement dans l'élément aérien, pénètre plus profondément dans le corps physique où le corps éthérique travaille dans les structures. À chaque expiration, il se détache légèrement et se donne au monde environnant. Ainsi, dans le processus de respiration, l'âme éprouvante oscille entre le poumon et le monde extérieur, permettant ainsi aux expériences affectives de devenir conscientes grâce au corps. Chaque sentiment naissant s'accompagne d'une modification du rythme respiratoire, faisant surgir une sensation dans l'âme. C'est ainsi que de nombreux sentiments ou nuances affectives se produisent lors de la rencontre avec le monde, teintés d'antipathie ou de sympathie.

Pendant le deuxième septénaire, la vie psychique n'a pas encore atteint son plein épanouissement émancipé observé plus tard. On ressent toujours la présence d'une enveloppe enveloppant la vie psychique, bien que moins lourde que pendant la petite enfance. Cette enveloppe est en relation étroite avec le corps éthérique en plus du corps physique. À travers le rythme respiratoire, le corps astral s'entrelace avec le corps éthérique, s'en libérant à chaque fois. À ce stade, il s'agit encore de penchants inconscients et d'habitudes plutôt que de la sensibilité plus consciente de l'adulte. C'est ce qui se manifeste également dans l'état psychique décrit comme celui d'un "écorché vif", une expression utilisée par Steiner pour désigner une sensibilité excessive de l'enfant.

L’autorité et le Moi

Pénétrant à l'intérieur du corps, l'âme est amenée à s'intérioriser elle-même. Le principe d'évolution et d'éducation ne réside plus dans la résonance à l'unisson par voie d'imitation. La résonance est suivie à présent de l'effort intérieur déclenché par le sentiment. C'est l'adhésion à une autorité affectueuse, dont l'influence s'exerce également sur la région médiane de l'organisme en aidant l'enfant à la pénétrer d'âme. Ainsi répond en l'enfant le sentiment d'amour qui s'éveille et qui, après le poumon, fait penser davantage au cœur, organe de la force d'amour. Voilà comment, du centre du corps et du centre en germe de l'âme, à partir du Moi qui ressent, un début d'équilibre est recherché entre l'abandon exclusif à la sympathie ou l'aversion complète de l'antipathie.

Comme on l'a déjà souvent rapporté, Rudolf Steiner accordait au principe pédagogique de l'autorité affectueuse une telle importance qu'à chaque visite à l'École Waldorf de Stuttgart, il demandait aux élèves réunis s'ils aimaient leurs professeurs. L'auteur, qui était l'un de ces élèves, ressent rétrospectivement une différence entre le "oui" général des classes primaires et celui des classes supérieures, des élèves à partir de quatorze ans. La réponse des élèves du deuxième septénaire était sans réserve, alors que chez quelques élèves plus âgés, devenus plus critiques, la question restait ouverte à l'égard de l'un ou l'autre des professeurs. La question pouvait également servir d'invitation à nouer une relation nouvelle et positive avec certains professeurs, ou encore à s'interroger sur la portée pédagogique de cette question de Rudolf Steiner.

Le Moi imprime à l'évolution un accent spécifique dans la troisième année du premier septénaire ; de même, au cours du deuxième septénaire, il se manifeste en tant qu'élément constitutif de l'être. Au cours de la troisième année, le Moi s'allume en quelque sorte dans la tête. Au début du deuxième septénaire, il est encore logé dans le système rythmique, dans la vie affective. Dès l'âge de neuf à dix ans, il s'unit de manière décidée au pôle inférieur, le pôle métabolique de l'organisme. C'est ce qui se voit dans une série de processus du corps physique. La station verticale, qui était due à la force du Moi partant de la tête, est obtenue à présent de bas en haut lorsqu'en effet l'enfant se dresse sur ses pieds. Cet enchaînement de l'organisme, où s'exprime également l'action du Moi, procède à présent du métabolisme. L'action accrue du Moi dans le métabolisme, surtout à partir du foie, est illustrée par la glycémie, par le sucre sanguin, porteur du Moi dans le corps, et dont le taux commence à monter à partir de la neuvième année.

Du point de vue psychique, on observe que l'enfant se sent plus détaché du monde, qu'il prend davantage de distance à son égard, parfois même avec critique ou des velléités d'opposition. Mais ce processus peut sombrer également dans l'apathie de la torpeur qui, lorsqu'elle se produit au cours du deuxième septénaire, est liée physiologiquement à l'évolution en question. Associée habituellement à de la tristesse, l'expérience de la solitude est alors caractéristique. L'autorité affectueuse de l'éducateur, des parents, importe d'autant plus. Elle s'adresse au cœur de l'enfant lorsque cet enfant risque de sombrer dans les profondeurs de son organisme. C'est à partir du cœur qu'une relation nouvelle avec le monde va se créer et qu'un appui nouveau va être offert au Moi, soutien qu'il faut saisir cependant de l'intérieur.

Quant à l'intervention nouvelle du Moi, notons une autre différence encore par rapport à l'apparition du Moi au cours de la troisième année. Quand l'enfant est âgé de trois ans, le Moi éclaire en quelque sorte l'avenir, tandis qu'à l'âge de neuf ans il anticipe sur cet avenir. Il prépare la voie au corps astral qui s'incarne plus profondément, pour n'atteindre son but, la puberté, au pôle inférieur de l'homme, qu'à la fin du deuxième septénaire.

À ce moment, le Moi commence déjà à agir par la volonté sur son avenir, préparant la vie volitive du septénaire de quatorze à vingt et un ans ; mais une répercussion se produit dans la vie affective de l'enfant. C'est un sentiment de soi plus dense qui s'éveille. La solitude, associée à de la tristesse, réside principalement dans le sentiment ; et elle est surmontée quand l'enfant ressent de l'amour. On peut prendre pour un signe extérieur de la vie affective, centrée sur le cœur durant le deuxième septénaire, le fait qu'à l'âge de neuf ou dix ans le cœur « est soumis à une augmentation subite de sa capacité fonctionnelle et de son volume ». C'est l'âge où l'enfant fait la découverte corporelle de son cœur.

Le septénaire de 14 à 21 ans

Il faut qualifier de stades préparatoires de l'évolution psychique les premier et deuxième septénaires. Nous verrons que le troisième en est l'introduction, l'ouverture. De même qu'on découvre, dans mainte ouverture, les thèmes principaux de l'opéra qui va suivre, ainsi nous rencontrons, au cours du troisième septénaire, les principaux éléments psychiques qui vont jouer un rôle dans les septénaires ultérieurs. La période de quatorze à vingt et un ans est le septénaire du corps astral, né à la puberté. Une vie psychique nouvelle, d'apparence plus personnelle, se dégage de son enveloppe. Mais il lui manque encore la personnalité d'un noyau, celui du Moi. Le Moi s'épanouit encore dans l'âme, mais il l'imprègne à présent d'une autre manière. Les manifestations volontaires premières de l'âge de neuf à dix ans deviennent une lutte où la volonté affronte les forces psychiques nouvelles, conflit au terme duquel le Moi, devenu majeur, agira dans le monde.

Pour commencer, le Moi fait l'expérience des polarités de plus en plus problématiques et dramatiques du corps astral, se manifestant dès la naissance de ce dernier. L'enfant parvient à la pensée conceptuelle et abstraite vers l'âge de douze ans, au début d'une nouvelle poussée de croissance en longueur, période dite de deuxième métamorphose staturale. Maintenant, la vitalité a bien régressé dans la tête et celle-ci s'oppose au pôle inférieur de l'organisme, où débute en même temps une vie nouvelle. Le sujet en évolution pubertaire tend à l'opposition critique face au monde en se livrant à des abstractions. D'autre part, du pôle inférieur de son être, il réagit de manière émotive, passionnelle et peut-être même instinctuelle aux données du monde. Son comportement peut tour à tour être froid, relâché, apathique sinon inerte jusqu'à l'immobilité complète, ou être en proie à de fortes impulsions motrices allant parfois jusqu'à des états d'agitation de même nature. Tantôt il se retire du monde, s'enferme dans sa chambre et recherche intentionnellement la solitude ressentie à l'âge de neuf ans, tantôt il se jettera dans le monde en payant son tribut à une dromomanie authentique.

La relation intime, affective avec le monde, sujette à variations certes, mais garante d'une relation durable avec l'entourage, a fait place à une attitude soit rationnelle soit émotionnelle, la combinaison de ces deux modes s'observant également. Durant le deuxième septénaire, nous avons décrit l'alternance entre la sympathie et l'antipathie ; elle devient dès lors l'accentuation véhémente du pôle inférieur ou du pôle supérieur de l'être humain, qui peut s'exprimer dans des poussées de plaisir ou de déplaisir, de dissolution émotionnelle ou de rigidité rationnelle. En rapport avec la puberté, C.G. Jung décrit un véritable "divorce avec soi-même", une "phase dualiste". Il emploie même le concept de "naissance psychique", sans y voir cependant de lien avec des processus corporels comme est amenée à le faire l'anthropologie anthroposophique.

Le complément extérieur de ce divorce interne s'exprime par la séparation qui se produit maintenant vis-à-vis des parents. En même temps, le corps astral s'émancipe de son enveloppe maternelle ainsi que du corps physique. Pour beaucoup de jeunes à l'âge de la puberté, la "désunion" avec les parents n'est qu'un stade normal de transition et, dans ce cas, il n'y a aucune mesure particulière à prendre.

La dualité des sexes

Le développement différent des deux sexes, qui débute à la puberté, instaure une polarité nouvelle. Chez l’adolescent, les extrêmes sont plus accentués et ressentis davantage, alors que l’adolescente reste plus proche du système médian et de la vie affective qui lui correspond. L’accentuation du milieu s’inscrit jusque dans l’anatomie de l’organisme féminin et se caractérise par la note affective qui marque le psychisme ; elle est associée à la tendance à vivre et à juger d’après des images intérieures. Bien plus que le jeune homme, la jeune fille est portée au rêve éveillé, attitude qui caractérise également le deuxième septénaire. L’attirance nostalgique du jeune homme à l’égard de la jeune fille est aussi le regret d’une partie perdue de sa propre nature, du milieu qu’il a abandonné en se polarisant sur les extrêmes.

L'homme est plus exposé à l’influence de la terre que la femme, moins incarnée, qui en est moins proche mais plus exposée à l’influence du ciel par le milieu de sa personne. Aussi l’homme peut-il ressentir en l’être féminin comme l’écho de l’union perdue avec l’univers, qui était la règle dans l’enfance de l’homme et de l’humanité. Ce fait ressort également de certains contes, mythes et poèmes, ainsi le personnage de Brünhilde dans l’épopée de Siegfried ou celui de Marguerite dans la légende de Faust.

La puberté apporte la « maturité terrestre ». Elle se manifeste chez les deux sexes, tout en étant plus accentuée chez le jeune homme. Elle suscite une relation nouvelle avec la terre. La maturité sexuelle en est une partie, l’adolescent et l’adolescente disposant alors de la faculté de s’unir par leur corps pour reproduire, sur le mode terrestre, leur semblable. Les forces créatrices, actives dans le corps jusqu’à l’âge de sept ans, peuvent servir à présent à engendrer un nouveau corps. Ce qui n’est pas l’œuvre du seul corps éthérique porteur de vie, mais également du corps astral empli de désir, qui a suivi le Moi dans la zone du métabolisme.

Dans l’organisme masculin, le corps astral s’est pleinement engagé dans cette région qu’il imprègne de part en part. Ce que démontre la disposition extérieure à la cavité abdominale des glandes germinales masculines parvenues à maturité, et dont les cellules séminales quittent le corps à la puberté. La contrepartie psychique en est la nature du désir qui tend activement vers la partenaire. Dans l’organisme féminin, l’activité du corps astral reste davantage intérieure à la région métabolique d’où il maintient en même temps une relation intense avec le système rythmique. La vie affective, dont il a été dit qu’elle est plutôt réceptive, se lie à la structure rythmique du processus de la reproduction (ovulation et menstruation). Pour ce qui est du langage, la voix des garçons descend d’une octave, signe de l’incarnation plus profonde, alors qu’elle ne descend que d’un ton chez les filles.

Grâce à l’harmonisation qu’il exerce entre le pôle supérieur et le pôle inférieur, entre le monde alentour et le for intérieur, le système rythmique est pour l’être humain la source la plus grande de santé. Sans doute est-ce la raison pour laquelle, vivant davantage à partir de la région médiane de son être, la femme est en général plus résistante et en meilleure santé que l’homme. Mais comme elle ne se dégage pas autant que l’homme de son être médian pour se manifester dans le monde, la femme y est moins créatrice que l’homme. Par contre, évoluant à partir du milieu de sa personne, elle le fait plus rapidement que l’homme, qu'elle devance parfois de plusieurs années, surtout dans l’enfance et la jeunesse.

Après que l’âme et le Moi ont imprégné la partie médiane de l’être humain, ces éléments gagnent la zone métabolique pour s’engager dans les membres, avant la puberté déjà. À l’âge de douze ans, ou un peu avant chez les filles, ces éléments constitutifs pénètrent le système musculaire pour parvenir au système osseux. De cette rencontre résulte également une sorte d’« ossature » de la pensée qui peut accéder à une démarche devenant conceptuelle et abstraite. Dans les membres cependant circule aussi le sang qui porte les impulsions volitives de nature métabolique. Aussi la conquête des membres ne manque-t-elle pas de présenter une composante volontaire. C’est par la volonté que l’adolescent trouve une relation nouvelle avec le monde extérieur.

Dans le métabolisme, la pénétration plus profonde du Moi et du corps astral conduit à la région des organes génitaux, dont l'activité sécrétoire, signe de la maturité accomplie, intervient vers treize-quinze ans chez les garçons, douze-quatorze ans chez les filles. En même temps, on observe un "épanouissement" de tout l'organisme, dû à l'intervention sécrétoire des glandes génitales. Les formes masculines et féminines se précisent, et l'épanouissement des organes de la reproduction peut désormais porter des fruits.

Ayant atteint la maturité terrestre, le corps astral est parvenu au terme de son programme évolutif dans le corps, et il va pouvoir se dégager quelque peu. À présent, un nouvel accès au monde est acquis à partir du métabolisme, déterminé par les désirs du corps astral et les forces volitives opérant dans les membres. Dès l'âge de douze ans, le Moi opère également, anticipant le juste milieu entre une motricité tantôt exubérante, tantôt bloquée, bien avant de naître.

La vie psychique émotionnelle

Le corps éthérique, qui se libère à sept ans, pénètre le corps physique, favorisant sa croissance et sa maturation, tout en développant son ancrage dans l'âme. Désormais, c'est le corps astral, affranchi, qui s'immerge dans le corps physique, imprégnant son développement futur d'une dimension émotionnelle et stimulant ses fonctions. Par exemple, il influence la production de cellules génitales, l'excrétion et l'incré-tion rénale, cette dernière impliquant la réabsorption dans le rein d'une partie de l'urine déjà sécrétée. Parallèlement, le corps astral enveloppe et entoure le Moi en gestation, se manifestant plus en retrait chez les garçons et plus fusionné avec la sensibilité du corps astral chez les filles. Bien qu'émancipé, le corps astral reste étroitement lié au corps physique, recevant des stimuli de l'environnement et fournissant des énergies en retour. Désormais, les forces organiques se manifestent de manière plus différenciée.

Cette situation donne naissance à une vie psychique émotionnelle toute nouvelle. Elle résulte du fait que le corps astral, en gagnant une nouvelle relation avec le monde et de nouvelles forces, subit également une perte : la protection que lui procurait en partie le corps physique. Avant la puberté, l'enveloppe astrale protectrice maintenait l'équilibre psychique, tandis qu'ensuite, les polarités psychiques se sont affirmées, dépendantes des pôles supérieur et inférieur de l'être humain. Ce processus commence dans la région inférieure de l'organisme, où se prépare la naissance du corps astral et où cette naissance laisse son empreinte.

En se libérant de cette zone, le corps astral emporte avec lui des forces vers une existence plus autonome. Ancré dans le système métabolique, le désir, force primordiale de l'âme humaine avec des manifestations parfois négatives, s'associe aux expériences de l'âme et engendre des émotions chargées de plaisir ou de déplaisir. L'âme est alors secouée par des impulsions émotionnelles impulsives ou passionnées, telles que l'avidité, la colère, la haine, la peur ou la honte, souvent accompagnées d'une excitation interne ou externe.

Nous avons observé que la naissance des représentations apaise la vie psychique, révélant le principe du pôle supérieur de l'homme où les troubles corporels trouvent leur apaisement. La vie se retire du système nerveux, et le calme règne dans la tête, où le cerveau, immergé dans le liquide céphalorachidien, est principalement dépourvu de mouvements moteurs. Chez l'enfant, les tendances motrices du système rythmique trouvent leur expression dans le jeu, mais dès l'âge de sept ans, une pulsion rythmique vers le repos commence à s'affirmer.

En revanche, le début du troisième septénaire est marqué par l'apparition d'une nouvelle polarité par rapport au passé. Face au principe générateur de conscience de la tête, désormais renforcé, se dresse le principe opposé du système des métabolismes et des membres, de plus en plus dominant. Pour la tête, le calme est gage de santé, tandis que pour le métabolisme, il peut être source de maladie. Cette dynamique motrice se reflète dans les émotions élémentaires, où l'impulsion psychique au mouvement, la dromomanie, trouve son explication, constituant un signe de la naissance psychique.

Les mouvements qui se manifestent autour de la puberté sont principalement impulsifs et émotionnels, très différents du style de mouvement ludique et rythmique observé pendant le deuxième septénaire.

À la base de tous ces mouvements se trouve le désir du corps astral. Au niveau corporel, il s'agit des "désirs inconscients" du corps astral impliqué dans les organes, tels que la soif d'oxygène, la faim d'aliments, qui suscitent des mouvements de substances et de liquides dans l'organisme, des échanges de substances au sens propre du terme. Chaque désir corporel peut émerger à la conscience. Le désir sexuel, notamment, révèle clairement le lien étroit avec les processus corporels. Chaque prise de conscience de ce genre offre l'opportunité d'humaniser les forces animales.

Les organes génitaux ne constituent qu'une partie du système urogénital, qui inclut également le système rénal. Toutes les émotions sont liées au système rénal. On sait depuis un certain temps déjà qu'une sécrétion médullo-surrénalienne accompagne chaque émotion. Anatomiquement et physiologiquement, le rein et les glandes surrénales forment une unité. À la puberté, une nouvelle activité du corps astral commence dans le système urogénital, où le corps astral domine. Cela se traduit également par une nouvelle activité surrénalienne. Après la puberté, la vie affective est d'abord marquée par le système urogénital. Si l'âme se montre très excitable et très mobile sur cette base, cela correspond au tempérament sanguin, qui se développe en lien avec le rein et l'organisme atmosphérique du corps. Le tempérament sanguin est aussi changeant que l'air.

La puberté ne marque pas seulement la transformation des forces psycho-organiques en ressources psychiques plus conscientes, servant principalement à satisfaire des besoins corporels au niveau le plus élémentaire. Il y a également une métamorphose des forces modelantes, qui se transforment en forces de fantaisie. Ces forces émanent notamment des zones inférieures du corps, en particulier des organes de reproduction. La fantaisie s'affranchit de la force primordiale de sympathie originaire du pôle inférieur de l'organisme. Comme la force créatrice du sang, elle émerge dans l'âme et exerce son influence vivifiante sur la formation des représentations. Cependant, la fantaisie est tournée vers l'avenir, tout comme la volonté active en elle.

L'intensification et la métamorphose du sentiment de sympathie sont une source d'amour, qui conduit à l'autre (et pas seulement au partenaire sexuel) à travers la fantaisie créatrice. Cette impulsion initiale de l'éros, active dans la fantaisie, cherche à réduire l'isolement et peut évoluer après la puberté pour devenir une intimité profonde. Dans l'âme, la force de procréation se transforme en fantaisie créatrice, suscitant d'abord des représentations sexuelles puis se développant en une fantaisie artistique.

Cependant, la fantaisie et l'amour ne résultent pas directement de la métamorphose des pulsions sexuelles ni de la sublimation des pulsions instinctuelles du sexe, comme le soutient la psychanalyse de Freud. Le processus de métamorphose affecte plus profondément les forces formatrices des organes de reproduction, les engageant dans une activité visant à créer une forme nouvelle, extérieure au corps. Il fait appel à l'amour, force d'âme de l'enfant, encore préservée de la sexualité et destinée à une nouvelle étape de développement à la puberté.

L'amour sexuel qui se manifeste à présent n'est qu'une composante de la nouvelle force d'amour dirigée vers le monde. Chez la femme, cette force résonne davantage avec les ressources médianes qu'elle a préservées, tandis que chez l'homme, elle le pousse à rechercher un nouvel équilibre. Cette force d'amour doit être formée pendant le septénaire de sept à quatorze ans, éveillée par l'expérience de l'autorité affectueuse et la personne prise pour modèle. L'émancipation de cette force d'amour permettra à la vie psychique de s'épanouir à partir du milieu de l'homme, où elle trouvera dans l'amour son accomplissement suprême.

La sensibilité et le jugement

La période de quatorze à vingt et un ans est marquée par deux activités principales de la vie psychique : la sensibilité et le jugement.

L'entrée dans le monde extérieur représente un défi pour l'individu dont la vie psychique personnelle vient de naître. C'est une période où l'on ressent une certaine vulnérabilité et une hypersensibilité face à l'environnement, souvent accompagnée d'une pudeur secrète. On se sent exposé et nu devant le monde, ce qui peut être une expérience déconcertante. Toutefois, cette sensibilité initiale peut être surmontée en apprenant à accepter et à aimer le monde qui nous entoure.

Le chemin vers cette acceptation est souvent long. Initialement, le jeune individu peut réagir au monde avec une hypersensibilité excessive, puis se replier dans un état d'insensibilité pour se protéger. Entre ces deux extrêmes, la sensibilité se développe et respire.

La sensibilité n'est pas un élément primitif de l'âme, mais émerge lorsque le désir se tourne vers le monde extérieur, générant des perceptions qui se transforment en sensations à la périphérie de l'âme. Rudolf Steiner souligne le rôle du sentiment et de la volonté dans la sensibilité, les considérant comme un "sentiment volontaire". La sensibilité peut également être le résultat d'une excitation extérieure et de son traitement psychique.

La sensibilité engendre souvent des actions, influencées par des phénomènes de sympathie ou d'antipathie. Elle peut être considérée comme un sentiment réceptif, orienté vers le monde extérieur ou le for intérieur. Le désir, moteur de la volonté, conduit à une rencontre avec le monde, alimentant ainsi la sensibilité.

Pendant la jeunesse, l'âme vit des expériences et des rencontres variées, cherchant constamment de nouvelles interactions avec le monde. Les sensations qui en résultent sont comme une mer agitée, se mêlant au flot incessant du désir qui se répand dans le monde et en absorbe les éléments.

D’emblée, le désir se combine avec le jugement. Cette fusion peut se réaliser en plusieurs étapes. Ainsi, un désir obscur qui surgit dans l’âme peut être éclairé par le jugement qui reconnaît l’aspiration à la beauté. Le désir reçoit ainsi une certaine orientation par le jugement, lié à des expériences antérieures : « Je trouve la beauté dans la nature. » Une première perception de la nature, par exemple celle d’un arbre en fleurs vu au loin, a fait naître le désir, et je forme un nouveau jugement accompagné d’une première impression diffuse : « Cet arbre en fleurs est beau. » Et toujours guidé par le jugement, le désir presse la volonté : « Voilà ce que je voudrais voir de plus près ! » Puis, après avoir observé de plus près, le Moi tire de la perception non seulement des impressions différenciées, mais aussi une certaine représentation, portée par celles-ci, de cet arbre en fleurs.

Derrière la représentation se trouve le concept de l’arbre en fleurs. C’est lui qui permet de s’assurer qu’il s’agit bien d’un arbre en fleurs et non d’autre chose. D’emblée, le concept agit donc de concert avec la perception, mais n’accède à la conscience que plus tard. Et si le concept de l’arbre se fait vivant et vaste, c’est l’idée de l’arbre qui naît. En germe, la représentation et le concept se trouvent déjà dans le jugement plus ou moins conscient que forme le Moi.

Cependant, le jugement est fondamentalement lié à des sentiments. Zeylmans van Emmichhoven déclare d’emblée que le jugement représente « l’autre côté, tourné vers l’extérieur, du sentiment ». D’une manière générale, la conviction est un sentiment accompagnant tout jugement. Ce n’est pas seulement le jugement, mais aussi le sentiment, auxquels s’ajoutent les impressions nouvelles, qui conduisent à la formation des représentations et leur donnent vie. Le phénomène s’amplifie lorsque l’on s’efforce d’imprégner d’amour ses représentations. Mais dans l’acte de juger, c’est la volonté qui se manifeste, tendue vers le but du jugement.

Grâce à l’oubli, la représentation confère à l’âme et au corps une partie de sa vie, qui peut être condensée de manière essentielle par le souvenir.

La condition préalable à cette vie est que le jugement soit vivant et actif, imprégné de sentiment et de volonté, pour que des représentations et des concepts en émergent. Un jugement personnel ne peut être le fait que de l'être humain tout entier ; il y aspire entre quatorze et vingt et un ans ; on devrait l'y inciter dans cette période, mais pas plus tôt, afin que l’homme forme personnellement ses représentations en vue d’une pensée autonome.

En même temps, c’est en jugeant que l’homme jeune peut commencer à dépasser sa subjectivité. La relation avec le monde se détache par le jugement, malgré tous les points communs, de la simple relation affective. Tout sentiment vivant désire au fond le monde, tout jugement véritable tend vers la connaissance du monde par le moyen des représentations, des concepts et des idées. C. Lindenberg caractérise ainsi le pouvoir de juger : il ne pose ni la question du désir : « Que voudrais-je ? », ni celle de la représentation : « Que sais-je ? ». Il demande plutôt : « Qu’est-ce qui est vrai ? », « Qu’est-ce qui est bien ? », « Qu’est-ce qui est beau ? ». Ces questions sont posées en même temps par l’esprit en l’âme humaine. Mais l’esprit parle par le Moi. Ainsi le désir de l’âme, se portant vers le monde, trouve-t-il dans le jugement un guide qui apprend au Moi pensant à diriger l’âme. De la sorte, le désir encore obscur et pulsionnel du jeune se transforme en intérêt orienté et éveillé, percevant activement son objet et conduisant à l’utilisation active des impressions.

Rudolf Steiner a montré qu’il est capital d’éveiller l’intérêt pour le monde durant le septénaire de quatorze à vingt et un ans, en le rattachant à la « capacité de juger », ce qui permet de prévenir la fixation au corps et à la sexualité du corps astral émancipé. Le but du jugement chez le jeune n’est sans doute que lointain encore, mais il est poursuivi de manière plus ou moins consciente : finalement, le jugement personnel tend vers l’essence de l’objet, vers l’essence de l’univers, noyau de son existence, dont il est originaire et d’où il peut revivre dans la pensée.

Tel une nef, le jugement flotte sur le fleuve du désir, et, ce faisant, l’être jeune apprend à gouverner son esquif. Il aborde sans cesse les golfes où se reflètent pour lui les représentations du monde, où s’éveillent des sentiments qui apaisent et rendent plus limpide le flot du désir. Devenu majeur, il a gagné le large dont les courants sont faits de désirs, dont l’onde est formée à présent de sensations. À la lumière de sa pensée, le voilà en quête de rivages nouveaux, de représentations nouvelles, susceptibles de se condenser en concepts et de s’élargir en idées. Il gagnera d’autant plus de rives nouvelles que la mer de ses sensations sera plus animée, que la pensée sera plus lucide. Il y pourra accoster, prendre pied et trouver le courage de s’engager dans la voie menant aux monts de la connaissance. Mais il peut aussi faire naufrage, s’il a perdu le cap dans les ténèbres ou que la mer qui devait le porter manque de profondeur. Il peut sombrer si la nef est trop fragile.

Le corps de sensibilité

Rudolf Steiner a désigné le corps astral ou psychique sous un autre nom, celui de "corps de sensibilité". Nous avons déjà mis en lumière les liens étroits entre le corps de sensibilité, récepteur direct des impressions sensorielles, et le corps physique. En discutant de l'influence des arts, Rudolf Steiner va jusqu'à expliquer qu'une partie du corps astral, qui est associée au corps éthérique, demeure dans le corps physique pendant le sommeil. Selon cette description, il s'agit du corps de sensibilité, dont l'action diffère considérablement pendant l'éveil, alors qu'au cours du sommeil, elle est principalement dédiée à la construction du corps. Le reste du corps astral, que nous appelons également "âme" dans ce contexte et par ailleurs, se sépare du corps pendant le sommeil.

Ainsi, la naissance du corps astral au sens strict du terme, qui survient vers l'âge de quatorze ans, correspond à celle du corps de sensibilité qui, sous une forme différente, est également propre à l'animal. En relation avec nos recherches psychologiques, le terme "sensibilité" revêt une importance particulière. Comme Rudolf Steiner caractérise également par ce terme l'élément psychique qui se développe après la vingtième année, cette dénomination souligne la portée de l'acquisition psychique en question. Bien que la sensibilité existe déjà, ce n'est qu'à partir de la puberté qu'elle s'éveille à une vie plus autonome au sein du corps astral émancipé. Ainsi, le mouvement émotionnel peut devenir plus vivant tout en s'apaisant, et l'aspect statique de la perception peut être imprégné d'une mobilité affective. La vie sensible, éveillée par le contact avec le monde, crée un climat où, au sein de la "sensibilité interne", constamment à redécouvrir, se développe le "sentiment" qui se suffit à lui-même.

C'est là que commence le processus dans le corps de sensibilité, où le Moi prépare déjà l'étape suivante. Le sentiment spontané de sympathie pour quelqu'un peut se transformer en un sentiment cultivé dans l'intériorité. Un lien encore plus étroit avec le centre de l'âme, avec le Moi, peut permettre à ce sentiment de se transformer en une force d'amour. La nouveauté réside dans le fait que cette force, à un niveau plus élevé que la sensibilité, rassemble toutes les forces de l'âme. "Tout ce que le Moi peut engendrer en lui-même doit devenir amour." Au-delà du désir provenant des profondeurs, conduisant à la volonté, au sentiment médian de sympathie, l'amour intègre le jugement, originaire du pôle supérieur de l'être humain, la connaissance et non plus simplement la perception. Il n'y a pas d'amour, que ce soit pour un objet ou un être humain, sans perception et sans connaissance. Le désir et la sympathie ne sont pas encore de l'amour, mais dans la quête de celui-ci, ils peuvent constituer des étapes potentielles. Un premier pas dans cette direction consiste à entrevoir, de manière plus ou moins consciente, la véritable nature de l'objet de l'amour, à y ajouter l'impulsion de la volonté, afin d'aider cet être à se manifester, que ce soit dans la connaissance ou dans la vie terrestre.

Lorsqu'une représentation ou une idée est appréhendée par la force de l'amour au sein de notre propre être, cela engendre un idéal qui enflamme le cœur de l'homme jeune. C'est là l'élément crucial pour préparer le développement de l'élément psychique suivant. C'est du sein de ce dernier, dans son "cœur", que naîtra le Moi, qui aura travaillé, au cours de la période précédente, à la formation de cette médianité.

Comme nous l'avons mentionné, le cœur est l'organe de la force d'amour. Concernant la vie émotionnelle du deuxième septénaire, il a déjà été décrit comme l'organe de l'équilibre. La recherche de l'équilibre, qui s'exerce déjà entre l'inspiration et l'expiration dans le poumon, se concentre dans le cœur. Dans sa contraction, la systole, et son expansion, la diastole, on observe les deux pôles de l'organisme. En systole, le sang, porteur de vie, quitte presque entièrement le cœur. C'est le pôle céphalique qui domine avec sa tendance déconstructive. En diastole, le cœur se remplit à nouveau de sang et de vie. C'est le pôle métabolique qui s'affirme avec sa faculté constructive. Dans les intervalles entre la systole et la diastole, où le repos et le mouvement se combinent dans le rythme, c'est le Moi qui intervient pour réaliser l'harmonisation des tendances extrêmes. Cette alternance par rapport au milieu permet au Moi d'exercer également dans l'âme la création de l'équilibre et du milieu, afin que l'innovation puisse y trouver sa place.

Déjà, le corps de sensibilité, issu de l'organisme inférieur, cherche dans le cœur son milieu. En chemin, la vie émotionnelle du corps astral, chargée de désirs, s'ouvre dans le domaine du poumon à l'expérience sensorielle, passant par la perception. Cette expérience peut éventuellement devenir un amour du cœur. Tout d'abord cependant, le septénaire de quatorze à vingt et un ans est dominé, en plus de la réaction émotionnelle, par la sensibilité qui prend racine dans le système rénal et s'épanouit au contact du monde dans la vie psychique du poumon.

Le septénaire de 20 à 28 ans

À l'âge d'environ vingt et un ans, un jeune homme se présente à nos yeux comme une personnalité ayant atteint la majorité. Jusqu’à présent, il a été influencé par l'éducation dispensée au foyer, à l’école et par l’apprentissage. Maintenant, il se pose en tant qu'individu autonome et émancipé, confronté directement à l'impact du monde. En s'évaluant par rapport à ce dernier, il fait l'expérience de se découvrir lui-même. C’est une période cruciale de son éducation, marquée par l'auto-éducation qui peut désormais débuter, car « dans l’échange libre avec le monde, le Moi cherche à façonner le caractère ». Désormais, l’influence éducative de l'entourage n’est plus directe, mais elle encourage l'auto-éducation. Seule une personne qui prend en charge son propre apprentissage peut agir de manière autonome dans le monde et être considérée comme pleinement adulte. « La volonté de prendre des décisions autonomes qui, lorsqu’elles sont mises en pratique, impliquent de prendre des responsabilités », caractérise le passage de l'adolescence au jeune âge adulte.

Ce phénomène, ainsi que d'autres, indique l'émergence d'un nouvel élément psychique dont l'être humain dispose désormais ; un élément qui ne réagit pas de manière involontaire comme le corps astral, mais qui se confronte au monde pour le comprendre ; et c’est grâce à cette compréhension qu’il peut agir de manière volontaire. Ce n’est que le Moi, élément spécifiquement humain, qui peut accomplir cela, dont la naissance se produit à l’âge de vingt et un ans.

À ce moment, le Moi atteint la fin de ses tâches dans le développement des organes, tout comme le programme d'organogenèse du corps astral s'est achevé à l'âge de quatorze ans. Le programme du Moi a débuté avec l'érection de la station verticale, car le corps se dresse sous l'influence du Moi. Ensuite, la croissance façonne les formes qui sont finalement déterminées par lui. Peu après l'âge de vingt ans, la croissance corporelle prend fin, et le visage, où l'on trouve l'empreinte la plus visible du Moi, achève sa formation. On peut imaginer qu'à présent, le Moi se reconnaît lui-même à travers la forme individuelle du corps, sur laquelle il a concentré son immense activité.

Contrairement à cette vision réaliste du Moi, certains psychologues ne voient en lui qu'un "point imaginaire en arrière-plan de toute expérience". Charlotte Bühler est plus concrète lorsqu'elle constate que "dans le flux mouvant des événements, à travers toutes les métamorphoses que peut traverser l'homme, il existe un noyau de contenus fondamentaux". C'est ce qu'elle appelle le Soi, auquel elle attribue toute évolution au cours de la vie. Pour C.G.Jung, le Soi englobe, en plus du Moi conscient, le domaine encore inconscient de l'âme, où résident également des données impersonnelles, telles que les archétypes par exemple, bases des images primordiales de l'homme et du monde. La notion de Moi s'élargit et, grâce à l'"individuation", le développement de l'âme tend vers le Soi.

Nous avons déjà vu que pour Rudolf Steiner, le Moi est également le centre de l'âme. Cependant, il agit, d'une part, par la vie psychique inconsciente jusque dans le corps, tandis que, d'autre part, il s'ouvre à la lumière de l'esprit. Il n'est pas seulement un élément de l'être humain, mais fait également partie du monde, en dernière analyse du monde spirituel, d'où, en demeurant en tant que Moi supérieur, il illumine continuellement l'existence humaine. On ne le perçoit à première vue que "réfléchi" dans notre Moi inférieur, le Moi terrestre.

Tout développement humain repose sur la réceptivité croissante de la personnalité à ce qui émane du Moi supérieur, sur la part de plus en plus grande du Moi supérieur dans ce qui émane du Moi terrestre. Le cœur est l'organe terrestre au service de l'union du Moi supérieur et du Moi inférieur. De là, le Moi supérieur peut illuminer la vie. L'amour du cœur réalise ce phénomène au plus haut degré, et émane donc finalement du Moi supérieur. La véritable nature de l'autre, avec laquelle le Moi supérieur veut s'unir par l'amour, est son propre Moi supérieur.

Cette caractéristique nous ramène à une polarité. L'expérience du Moi est intérieure et, en se développant, l'être humain tend de plus en plus à en faire le centre de son âme. Le Moi est également l'étoile qui guide le développement psychique. Dans l'Antiquité, on parlait du génie qui plane au-dessus de l'homme comme de son guide. Lorsqu'en assumant une tâche l'homme se dépasse, il s'élève en même temps vers son génie, vers son Moi supérieur. Durant le sommeil, le Moi inférieur se détache du corps et peut s'unir au Moi supérieur dans le monde spirituel. Au réveil, le Moi inférieur peut ressentir quelque peu cette rencontre et en rapporter un accroissement de connaissances et de forces nouvelles.

De jour, l'homme se sent séparé de son Moi supérieur. Il reconnaît que, pendant la journée, le milieu et la périphérie font également partie de la vie du Moi, et que cette vie se déploie entre l'affirmation de soi et le don de soi. Voici l'image archétypale de cette situation : de la périphérie, donc en fait du monde spirituel, la lumière du Moi pénètre au centre de l'homme et, de ce centre, rayonne sur le monde - le monde spirituel en fin de compte. Par là, le Moi peut toujours établir une harmonie, un juste milieu entre les pôles. Par le don de soi, on intègre le centre de sa propre nature ; par l'affirmation de soi, la périphérie, la nature de l'autre. Pour le Moi, l'amour ne peut naître qu'à ce niveau, l'individualité ne se perdant pas dans le don d'elle-même, mais se liant en toute liberté et plénitude à l'individualité de l'autre.

La vie et l'expérience du cœur expriment le mieux le centre de la "respiration" du Moi s'effectuant entre le point et la sphère. La diastole et la systole cardiaques sont intermédiaires entre le haut et le bas, l'intérieur et l'extérieur. La base corporelle de ce fait est illustrée par la relation des cavités cardiaques avec le monde environnant au moyen du sang allant au poumon et en revenant. Les réalités corporelles expriment également le phénomène d'interpénétration, puisque la contraction cardiaque est liée à l'expansion du flux sanguin quittant le cœur, alors que l'expansion de l'organe s'accompagne de la contraction de l'onde sanguine refluant vers le cœur.

L'amour qui émane du Moi, harmonisant le centre et la périphérie, est d'autant plus fort et vaste que la "respiration" psychique du cœur, portée par les processus corporels, est plus intense et riche. L'amour unit le Moi à d'autres individualités humaines entrées dans son horizon, comme illustré dans le schéma ci-contre.

Voici son explication : Après l'impact du Moi supérieur dans l'homme (flèche verticale), émanant de l'homme, se produit le rayonnement (non représenté ici) du Moi terrestre pendant la vie sur terre, formant le cercle du Moi, l'horizon (figuré ici) du Moi. Ce rayonnement entre en interaction avec d'autres cercles du Moi qui pénètrent plus ou moins longtemps dans l'horizon du Moi terrestre, parfois ne l'éclairant qu'une seule fois (ce qui est représenté par le point de contact en haut à gauche). Les points de contact ou d'intersection des cercles individuels peuvent à leur tour devenir des étoiles grâce au rayonnement du Moi supérieur des partenaires. Les rencontres de ce genre sont, à juste titre, considérées comme placées sous une "étoile favorable". Les rencontres plus durables sont représentées par l'étoile de la première et de la dernière rencontre, car en ces points d'intersection, le Moi supérieur des deux êtres peut briller avec une plus grande intensité.

La concordance biographique qui en résulte se produit habituellement dans la vie humaine après la naissance du Moi, donc après l'âge de vingt et un ans.

La naissance du Moi et ses préalables

Avant de naître, le Moi doit trouver sa propre identité. Il est évident que cet acte renforce l'activité du Moi tendant vers son centre, et cette activité ne s'épanouit que progressivement dans l'amour pour l'autre. Comme dans l'enfance, une attitude principalement égocentrique prédomine encore dans le septénaire de quatorze à vingt et un ans. Durant la puberté, période de chaos intime plus ou moins inévitable à cet âge, le sujet a besoin du soutien du Moi en développement. La notion d'identité, si souvent employée aujourd'hui, émerge dans l'esprit qui aspire à se reconnaître soi-même, à être intérieurement semblable à soi-même de façon durable. Auparavant, on s'identifiait à d'autres personnalités. À présent, le sentiment d'identité personnelle émerge progressivement. Le Moi se dirige vers le centre de l'âme, vers le pôle stable dans les mouvements de l'âme.

Tout comme la naissance du corps astral est annoncée vers l'âge de douze ans, celle du Moi se prévoit déjà à dix-huit ans. Les premières tempêtes de l'âme se sont apaisées et les effets du choix professionnel, fait librement ou sous contrainte, se font sentir. On entre dans l'adolescence, une phase de transition selon Lievegoed, allant de seize ou dix-sept ans jusqu'à vingt et un ou vingt-quatre ans. Le problème central de cette période est de savoir : "Qui suis-je ?", "Qu'est-ce que je veux ?", "Qu'est-ce que je sais faire ?". Ces questions concernent le Moi, et leur émergence signale l'impulsion du Moi vers sa naissance.

Glas et Lauenstein ont montré qu'un autre rythme interfère ici avec celui des septénaires, celui des nœuds lunaires, résultant du déplacement du point d'intersection de l'orbite du Soleil avec celle de la Lune. Pour l'être humain, après chaque période de 18,6 ans, un nœud lunaire se reproduit au même endroit du ciel qu'au moment de sa naissance. Après dix-huit ans, sept mois et neuf jours, la vie humaine connaît une nouvelle situation de naissance. À ce moment, on ne sort pas seulement d'un état ancien ; on ressent également l'imminence de faits nouveaux dans l'existence.

Ainsi, après chaque séquence de dix-huit à dix-neuf ans, le phénomène de la naissance septénaire reçoit un accent particulier. À dix-huit ans, cela marque la fin des septénaires d'évolution corporelle et prépare la naissance du Moi. Nous verrons plus loin qu'à trente-huit ans, au nœud lunaire suivant, on passe par le milieu de l'existence et que se prépare à la quarantaine la naissance de l'évolution spirituelle. À cinquante-six ans, au troisième nœud lunaire, commence le dernier septénaire des neuf composant le cours de la vie, une époque particulièrement significative pour la destinée de l'homme. À soixante-quinze ans, généralement dernier nœud lunaire de la vie humaine, l'âge biblique de soixante-douze ans est dépassé, et l'être humain entre dans la vieillesse, ouvrant ainsi une nouvelle porte vers la poursuite de la carrière terrestre ou le monde spirituel.

Rudolf Steiner parlait de la "porte de la Lune" que l'homme encore déterminé par son passé traverse à sa naissance pour prendre pied sur la terre. Là, il peut s'engager sur la voie de sa liberté et prendre le chemin vers la "porte du Soleil", qui, à la fin, ouvrira le passage vers le monde spirituel. On peut dire qu'autour de l'âge de dix-huit ans, lors du premier nœud lunaire, l'être humain traverse également une porte de la Lune, quoique de moindre envergure. La porte s'ouvre alors vers les trois septénaires suivants, placés sous le signe du Soleil.

La naissance du Moi et le développement psychique

Le développement psychique débute autour de l'âge de quatorze ans avec la naissance du corps astral. Cependant, ce commencement se déroule encore sous l'influence de l'évolution corporelle. Le corps astral, devenu libre, doit laisser son empreinte tout en interagissant avec le corps physique. Cela se manifeste dans la relation étroite entre le corps astral ou le corps de sensibilité et le corps physique, ainsi que dans le terme "corps" lui-même, qui se réfère à la forme réalisée par le développement corporel. Par conséquent, le troisième septénaire appartient encore à cette phase évolutive. Ce n'est qu'après les trois septénaires de cette phase que le développement de l'âme peut réellement commencer.

Après l'aube de la vie psychique, qui commence à l'âge de quatorze ans, le soleil du Moi se lève dans l'âme autour de l'âge de vingt et un ans, et il dominera toute l'évolution psychique. L'âme se développe sous l'empire du Moi et non par ses propres moyens. Tout comme le corps éthérique, l'âme est également un élément médian se développant entre le corps et l'esprit. À l'âge de quatorze ans, elle se libère quelque peu du corps et peut ressentir davantage, et mieux connaître aussi, l'esprit vers lequel elle aspire dans son développement. Et comme l'esprit vit en elle par le Moi, c'est de ce dernier que provient l'impulsion évolutive. Pour l'animal, qui ne possède que le corps astral et est privé du Moi, l'évolution s'achève à la puberté, tandis que chez l'homme, la naissance du Moi se prépare à ce moment-là.

Dès que la faculté de se reproduire est acquise avec toutes ses conséquences corporelles, la vie animale ne présente plus de faits fondamentalement nouveaux. L'âme animale, en tant que corps astral, reste étroitement liée au corps physique, tandis que chez l'homme, elle commence à s'en détacher à la puberté. La maturité terrestre étant acquise, l'évolution psychique commence sur terre, et reste d'abord encore liée au corps.

La naissance du Moi autour de l'âge de vingt et un ans ne consiste pas simplement à sortir d'un état ancien, celui de la vie jusqu'alors diffuse du Moi dans l'âme. Déjà au cours des trois années précédentes, le Moi poussait à innover dans l'existence, notamment en relation avec la découverte d'une finalité professionnelle et les premiers pas dans ce sens. À présent, la rencontre avec l'autre sexe fait davantage ressentir un troisième élément lié aux deux partenaires par le corps ou par l'âme. La responsabilité envers l'enfant à naître et envers les objectifs à poursuivre peut prendre forme, ce qui peut parfois conduire à des mariages conclus précocement. De l'érotisme naît l'amour lorsque l'on ne se borne pas à désirer le partenaire pour son plaisir ou par sympathie, mais que l'on pressent sa nature intime. C'est ainsi que l'on peut faire les premiers pas sur le chemin du "Moi" vers le "Tu".

Dans un contexte plus large, il s'agit du groupe social qui a déjà joué un rôle pendant le troisième septénaire, mais dont la quête est maintenant plus consciente. Ce groupe représente la partie de l'entourage humain à laquelle on se sent attaché par la sympathie, mais aussi par des aspirations communes. On fait l'expérience du monde à travers le groupe, de préférence en compagnie de personnes du même âge ayant les mêmes droits. Le but de chacun, autour de la vingtième année, est "l'insertion sociale dans sa propre génération".

Glas donne une série d'exemples illustrant à la fois les préliminaires de la naissance du Moi à dix-huit ans et cette naissance elle-même. Il ressort de ces exemples, entre autres choses, qu'il est très important de fournir à la volonté, éveillée et clarifiée grâce au jugement personnel, la possibilité de s'exprimer dans le monde et d'évoluer au contact de celui-ci. Il se peut que le Moi, dont la volonté est d'abord impulsée par les désirs et s'exprime dans des pulsions, ait besoin de rencontrer des résistances qui vont l'aider à s'éveiller et à se fortifier.

La vie de Schiller illustre de manière exemplaire cet aspect ainsi que d'autres que nous avons abordé. Pendant sa dix-huitième année, cet élève de la Karlsschule commence à se familiariser avec le sujet de son premier drame, "Les Brigands". En même temps, sa nature intime se transforme. Il devient "plus conscient de soi, plus audacieux". Cependant, ce n'est qu'à l'âge de vingt et un ans qu'il écrit son drame. Son Moi qui vient de naître donne forme à un idéal de sa vie, à savoir la lutte pour la liberté contre la tyrannie. Ses propres inclinations, réprimées à l'école militaire, éveillent en lui l'impulsion d'écrire une œuvre d'une portée générale. En naissant, le Moi élargit l'horizon. Mais le projet n'a mûri que dans le cadre du groupe. Schiller a lu le drame en cours de composition, l'histoire du chef des brigands vivant dans la forêt, à ses amis dans les bois des hauteurs de Stuttgart. Ainsi, un deuxième idéal se dessine dans la vie et l'œuvre de Schiller : l'amitié, sujet vécu et travaillé au niveau du Moi.

La suite de la vie de Schiller illustre également une autre loi biographique fondamentale. Les résistances et la façon de les surmonter appartiennent autant à une vie humaine que les dons et les renoncements, si caractéristiques de la vie de Goethe. Que serait devenu Schiller, quelle aurait été son œuvre, sans la résistance de son duc, sans l’obstacle qu’était pour lui l’école militaire, la Karlsschule ? Si Schiller était resté médecin militaire, aurait-il pu mener à bien l’œuvre de sa vie, et réaliser l’impulsion de son Moi ? Que serait Goethe sans les dons que la vie lui a offerts, qu’il devait saisir ou auxquels il devait renoncer ? Pour Goethe, il s’agissait de monter avec assurance dans la voiture que lui envoya le duc Charles-Auguste pour s’installer à Weimar. Schiller par contre devait partir en voyage à l’insu du duc Charles-Eugène et contre la volonté de celui-ci. Ce voyage lui permit de surmonter l’obstacle qui bloquait sa jeunesse, et il put trouver ainsi la liberté d’agir selon son Moi.

C’est dans le corps, dans les dispositions de l’hérédité léguée par les parents, que le Moi s’engage dans son destin. Rudolf Steiner a expliqué à plusieurs reprises que le Moi, pour reprendre son évolution sur terre, a choisi son sort d’après l’expérience des imperfections et des défauts d’une existence antérieure. Le destin que lui réserve son entourage a été choisi lui aussi et prévu avant la naissance, tout comme on réunit les thèmes d’un drame. Ceux-ci vont être développés en travaillant au cours de la vie terrestre le sujet de l’œuvre. La naissance physique place déjà le Moi dans l’entourage, c’est une sorte de corps élargi où autour de vingt ans il fait ses expériences et déploie son activité. Ce corps est comme un « corps social » et il fait partie de l’individualité, tout comme le corps physique ; le Moi commence à se dégager de ce dernier vers la vingt et unième année. Et, devenu ainsi autonome, il s’incorpore à nouveau dans son « corps social ».

À la différence de l’animal, il ne s’agit donc pas chez l’homme d’« adaptation » au monde, mais d’évolution dans le monde. L’homme n’est pas, comme l’animal, livré à l’environnement qui détermine son existence avec le concours du Moi-groupe, par le corps astral demeuré dans le corps physique. C’est précisément le sens de la longue jeunesse relativement protégée de l’être humain que de lui permettre de se découvrir et, devenu autonome, de se mesurer avec le monde. La jeunesse sert à la constitution d’un espace de liberté que l’homme adulte peut remplir de son existence.

L'âme de sensibilité

L’âme de sensibilité représente un élément crucial dans le développement de l'individu, se manifestant à l'âge de vingt et un ans. Rudolf Steiner souligne que cette période marque non seulement la naissance du Moi, mais également celle du premier élément de l'âme en évolution, l'âme de sensibilité.

Steiner utilise le terme « naissance » spécifiquement pour les composantes majeures telles que le corps physique, éthérique, astral et le Moi. Il décrit également le développement préférentiel des éléments respectifs dans les septénaires qui suivent l'âge de vingt et un ans. Il note que la préparation de l'âme de sensibilité commence dès l'apparition des premières lueurs du Moi, et non pas strictement dans le septénaire précédant son émergence. Le Moi s'engage dans la création des conditions nécessaires au développement psychique dès le début de la vie, mais la préparation spécifique de l'âme de sensibilité a lieu entre quatorze et vingt et un ans.

Ce septénaire est marqué par le combat du Moi pour maîtriser les polarités et le chaos de la puberté, qui aboutissent à la naissance de l'âme de sensibilité. Pendant cette période, la sensibilité imprègne l'expérience de vie affective des jeunes adultes, leur offrant un centre autour duquel leur monde émotionnel peut s'organiser. Le Moi semble naviguer à travers une mer houleuse, prenant progressivement en charge la direction de sa propre vie.

Au cours de ce septénaire, le Moi s'engage dans des interactions plus profondes avec d'autres individus partageant des jugements similaires, consolidant ainsi son propre sens de jugement. C'est une période de recherche et de confirmation de la capacité individuelle à juger, où le Moi cherche à s'associer à des pairs partageant des perspectives similaires.

Le processus de la remémoration, qui s’accentue dès la période préparant l’essor de l’âme de sensibilité, conduit à une différence fondamentale dans le psychisme par rapport à la sensibilité au sein du corps de sensibilité. Le corps de sensibilité, que possèdent aussi bien l’homme que l’animal, réagit à la perception directe ; l’âme de sensibilité par contre, grâce à l’activité du Moi, forme des souvenirs sous-jacents à toute expérience et à toute action. Le corps de sensibilité est orienté du dehors vers le dedans, à l’inverse de l’âme de sensibilité. La vue de l’animal est passive et le corps de sensibilité s’ouvre à ce qui afflue en lui ; l’âme de sensibilité dirige un regard actif vers l’extérieur. C’est à partir du corps de sensibilité qu’au début du troisième septénaire l’adolescent voit le monde d’un œil nouveau, parfois même d’un regard passif et fixe. Au cours du troisième septénaire, le regard de lutteur du Moi, porté par l’âme de sensibilité en formation, se dirige sur le monde.

Les sensations qui résultent de la présence du Moi dans l’âme de sensibilité accentuent davantage la vie affective en l’homme médian. Cependant, à la différence de la vie affective très enveloppée encore durant le deuxième septénaire, les sentiments et sensations relient directement le Moi au monde. « À présent, le sentiment se fait destin. » Grâce au Moi, le sentiment d’amour peut devenir créatif, les sensations deviennent plus conscientes, le jugement conduit mieux que jusqu’alors à des représentations dispensatrices de connaissance, représentations que lui fournit la volonté du Moi. Le Moi transporte dans le monde les représentations et les idées qui faisaient partie déjà de ses idéaux. En faire l’expérience au contact du monde permet de les modifier et de les intégrer aux lois qui gouvernent ce monde. C’est encore la remémoration qui se trouve à la base de ce processus.

Par ailleurs, il faut souligner que la réponse du Moi est immédiate et que la sensibilité demeure l’élément dominant du septénaire de vingt et un à vingt-huit ans. C’est un élément à reconstituer sans cesse, car l’océan des sensations a toujours besoin de l’affluence des rivières du désir, des images du monde. Cela ne peut se faire sans remous ni sans tempêtes. Dans l’âme de sensibilité se trouve tout ce que « l’on peut vivre de plaisirs et de peines, de joies et de douleurs, de pulsions, de désirs et de passions », bref tout ce qui « surgit dans l’âme sous l’effet direct des stimulations de la perception. Mais à ce moment, le Moi n’est pas encore parvenu à la plénitude de son existence. » Les tempêtes de l’émotion s’apaisent sur la mer agitée des sensations, mais elles reviennent toujours pour agiter la mer et la maintenir vivante.

L’âme de sensibilité prend encore appui sur le système urogénital. Mais l’« expérience sensitive » de ce système organique du corps astral se dégage, plus nettement que par le passé, de la vie émotionnelle de l’organisme inférieur, et gagne l’organisme médian par l’affectivité nouvelle du poumon et du cœur. Le système urogénital devient instrument de l’évolution psychique une fois qu’à la puberté le corps astral s’en est dégagé partiellement et que, à son tour, le Moi peut réaliser avec lui une relation plus libre. Mais dans ce cadre aussi, l’antipathie et la sympathie restent des forces psychiques polaires et déterminantes. Sous la forme plus atténuée du plaisir ou du déplaisir, elles ont comme corrélation organique l’incrétion et l’excrétion du système rénal, et les sensations ou sentiments correspondants se forment dans la vie psychique du poumon.

Le rapport avec le domaine inférieur de l’organisme s’exprime également par le langage des gestes. Quand on baigne dans l’âme de sensibilité, on se tape volontiers sur le ventre. La même signification revient aux mains dans les poches, surtout si les poches sont du côté ventral.

On peut dire que le Moi tient la barre, mais qu’il manque encore d’assurance. La perte passagère de la maîtrise ne relève pas encore de la pathologie. Considérant alors la vie psychique dans son ensemble, on peut déjà percevoir le Moi au centre de l’âme, mais ce n’est encore qu’une lueur faible et intermittente. La lumière du Moi se donne à la houle de l’âme, le Moi se donne à la périphérie de la vie psychique où, de l’intérieur, il peut rencontrer le monde et en faire l’expérience. « Comment vivre le monde, comment m’y trouver moi-même ? » — c’est la question existentielle de l'âme de sensibilité, un problème parfois de destinée, dans ce septénaire de vingt et un à vingt-huit ans.

Le septénaire de 28 à 35 ans

Vers la fin de la vingtaine, aux environs de vingt-huit ans, le mode de vie psychologique subit généralement une évolution significative. L'élan fougueux laisse place à une certaine quiétude, l'individu semble plus tourné vers son intériorité, tout en agissant de manière plus réfléchie et déterminée. Il accorde désormais une plus grande importance à ses expériences et aux circonstances, qu'il ne faisait auparavant que subir passivement. Au plus profond de lui-même, il remue davantage les émotions qui mûrissent et se transforment en sentiments.

Dans ce nouveau contexte, l'âme adopte également une attitude différente envers la vie dans le monde. Sheehy résume ses observations sur cette phase en affirmant que chacun aspire à changer sa vie à ce stade. Il n'est pas rare, par inclination ou par nécessité, de changer de profession déjà choisie, à moins de la réévaluer sous un nouvel angle. C'est souvent à ce moment-là que l'on fait son choix professionnel définitif. Parallèlement, les relations avec autrui, qu'elles soient intimes ou extérieures, évoluent. Aux États-Unis, les mariages conclus se terminent le plus souvent vers trente ans pour les hommes et vingt-huit ans pour les femmes, une tendance qui se retrouve approximativement en Europe également. Dans les communautés où évoluent les jeunes, on déplore souvent le désintérêt des trentenaires pour la vie communautaire, lesquels se retirent peu à peu.

Lievegoed qualifie la période de vingt-huit à trente-cinq ans de "phase d'organisation". "La jeunesse est derrière soi. C'est le début de la vie sérieuse", déclare-t-il. Les objectifs pratiques de l'homme sont réalisés à travers des moyens dictés par la raison. Les femmes mariées sont également confrontées à un effort accru d'organisation. Les enfants des jeunes couples commencent à fréquenter l'école, ce qui demande une meilleure organisation des tâches domestiques. Les parents sont incités à suivre la scolarité de leurs enfants, voire contraints par nécessité. Les mariages conclus autour de la trentaine sont vécus selon des critères plus rationnels, de même que l'éducation des enfants dans ces foyers.

Parallèlement, dans la vie conjugale comme dans toute relation humaine, il y a une recherche d'intériorité, comme mentionné précédemment. On n'est pas seulement attiré par l'autre, mais on aspire également à l'intégrer en soi, dans son cœur (Gemüt). Lorsque l'amour naît, on ne se contente pas de ressentir la présence de l'autre, on cherche à l'incorporer en soi et à en prendre soin, tout comme on le fait pour les expériences vécues dans le monde, que l'on souhaite revivre par la pensée et le sentiment.

Il en découle que vers la trentaine, le Moi se détache de son attachement au monde et donc de sa périphérie psychique, pour s'orienter vers l'intériorisation. Ainsi, face au monde, on peut atteindre un état d'« équilibre intérieur » résultant de cette intériorisation dirigée par le Moi. La période de vingt-huit à trente-cinq ans est la plus paisible sur le plan de la vie intérieure, et l'individu peut alors établir une relation avec le monde qui respire, lui permettant de se sentir en harmonie. Tantôt il s'implique dans les affaires du monde organisées par sa raison, tantôt il les considère avec réflexion, se retirant en lui-même dans son sentiment (Gemüt). Mais la chaleur du cœur rayonne autour de lui, tandis que la raison éclaire son monde intérieur ; c'est ainsi que peut se construire l'« accord de la conscience de l'homme avec elle-même », constituant ainsi une première forme de connaissance méthodique de soi, voire même d'auto-éducation.

L'œuvre poétique de Schiller reflète parfaitement ce tournant. C'est à cette époque qu'il écrivit son "Don Carlos", un drame idéologique. Il y dépeint comment l'âme sensible, avec ses mouvements passionnels, qui anime l'infant Carlos, évolue vers une nouvelle vie psychique incarnée par le marquis Posa. "Sire, accordez la liberté de penser !" Ces mots du marquis illustrent la nouvelle pensée, vécue et exprimée avec la chaleur du cœur, une pensée qui, plus clairement qu'auparavant, guide l'homme vers la liberté. On reconnaît même dans la forme de ce premier drame en vers écrit par le poète la prédominance de l'instinct de forme qu'il décrira plus tard, et qui émane de la tête, du pôle de la pensée.

La vie de Goethe illustre de manière particulièrement convaincante le passage du quatrième au cinquième septénaire. À l'âge de vingt-six ans, Goethe répond à l'appel du duc Charles-Auguste pour venir à Weimar où, d'abord, il vit avec le jeune duc dans le style Sturm und Drang de son époque. Puis, le tournant se dessine progressivement. Juste avant ses vingt-sept ans, Goethe entre au service de l'État et commence à s'intéresser à l'exploitation minière, ainsi qu'aux sciences géologiques, minéralogiques, et enfin botaniques. L'intériorisation par le cœur commence également à se manifester pour rencontrer son accomplissement dans l'amour pour Charlotte von Stein. L'esprit d'ordre et de clarté de cette femme aura été une aide essentielle pour le développement du poète au cours de la décennie suivante.

La devise de cette évolution est "l'ordre" dans un sens large. C'est aussi la signification du mot "cosmos". Chez Goethe, l'impulsion de cette époque nouvelle s'étend de l'intégration dans un cosmos toujours plus vaste, englobant la nature et l'esprit, jusqu'à l'ordre dans la vie quotidienne. Voici deux citations épistolaires de Künkel qui illustrent le contraste entre le septénaire de vingt-et-un à vingt-huit ans et le septénaire suivant.

La première citation est de Goethe à l'âge de vingt-trois ans : "La nuit dernière, c'était l'enthousiasme. Ce matin, les projets m'ont jeté hors du lit. Oh, ma tête est comme ma chambre, où je ne peux trouver d'autre papier que ce morceau bleu ! Mais tout papier est bon pour vous dire que je vous aime."

Neuf ans plus tard, Goethe écrivit la deuxième lettre, dont nous extrayons le passage suivant : "À l'avenir, conserve mes lettres en bon ordre. Il vaudrait mieux les relier comme je le ferai pour les tiennes. Car le temps passe et nous voulons augmenter la valeur intérieure du peu qui nous reste par de l'ordre, de la détermination et de la certitude."

Même si les tourments impétueux s'expriment différemment à présent et ne sont pas formulés avec la même sensibilité, la situation reste essentiellement la même qu'à l'époque. Cela est également vrai pour la situation psychique entre vingt-huit et trente-cinq ans, comme le reflète la deuxième citation.

La nouvelle vie psychique est si radicalement différente de celle qui la précède qu'une fois de plus, on peut comprendre, à travers ces exemples, la "naissance" d'un nouvel élément psychique. Rudolf Steiner l'a appelé "âme de raison ou de sentiment".

L'âme de raison et de sentiment

La formulation de ce terme indique que cet élément de l’âme n’est pas une composition de deux parties distinctes, mais un ensemble qui développe à la fois la raison et le sentiment. Rien n’est altéré lorsque l'on rencontre par exemple la formulation « âme de raison et de sentiment ». Bien sûr, on peut déplacer l'accent d'un terme à l'autre, mais la pensée est toujours associée au sentiment et vice versa. La raison de cet élément animique a besoin de la chaleur du sentiment (Gemüt) pour entrer en contact avec la vie. Déjà, la pensée participe au développement du sentiment lorsque les moments de calme réflexif apaisent et éclaircissent les sensations, les désirs et les passions émanant de l’âme de sensibilité.

Alors que dans cette âme, la pensée qui juge est encore influencée par la sympathie et l'antipathie, même lorsqu'elle recherche la vérité, le nouvel élément animique tend à dépasser l'attitude subjective, aspirant à la vérité objective. Celle-ci n'est pas encore appréhendée dans sa réalité spirituelle, car les sympathies et les antipathies demeurent actives même dans l'âme de raison, mais l'âme commence à être attirée par la vérité. Cette dernière va éduquer l'âme de raison et de sentiment pour finalement révéler la pensée individuelle de l'adulte.

On ne peut réfléchir à ce qui est vrai dans une rencontre ou une expérience que lorsque « en soi-même (...) on continue à élaborer la stimulation extérieure ». Si, au lieu de « simplement revivre les perceptions dans notre âme sensitive, nous y réfléchissons, nous nous y intéressons et qu’elles nous apportent d’autres expériences, alors elles se structurent, forment en nous des pensées, des jugements et l’ensemble du contenu de notre "Gemüt" ».

Comme mentionné précédemment, dans ce mode de vie psychique, le Moi est devenu plus actif, renforcé, et son activité plus intense prend au sérieux les « affaires de la vie ». C'est cette activité qui a engendré l'élément psychique nouveau. La naissance de l’âme de raison et de sentiment, également due aux transformations opérées par le Moi, s'achève dans une couche psychique plus profonde que celle de l’âme de sensibilité. Les pensées et les qualités affectives de l'élément animique nouveau ne sont pas uniquement de nature psychique. Leurs effets sont plus durables que les sensations, se forment plus rapidement et sont plus dynamiques. Il ne s'agit pas simplement de forces du psychisme, mais, comme précédemment mentionné, de facultés enracinées dans le corps éthérique. C’est la faculté de penser par soi-même, ainsi que l'intériorisation sensitive, que l'on peut acquérir vers la trentaine. Rudolf Steiner indique que l’âme de raison et de sentiment procède du corps éthérique, où le Moi a travaillé.

Il en résulte une relation avec le septénaire de sept à quatorze ans, où le corps éthérique s'est développé. À cet âge, qui ne peut découvrir la vérité par ses propres moyens, il est crucial que l'autorité affectueuse soit perçue comme porteuse de vérité. Ainsi, les conditions sont créées pour que dans le corps éthérique, la transformation des forces formatrices en faculté de penser puisse un jour aboutir à la constitution d'un organe de perception de la vérité. L'intériorisation sensitive qui se produit durant le septénaire de vingt-huit à trente-cinq ans correspond également au deuxième septénaire, au milieu duquel, entre neuf et dix ans, la solitude peut semer le germe d'une intériorisation affective encore secrète.

La relation avec le corps physique

Le changement du rapport entre le Moi et le monde s'étend également au corps physique. En commençant à se retirer du monde pour se tourner vers la vie intérieure, le Moi perd la relation immédiate avec le corps qui le relie au monde. La fin de la jeunesse se manifeste également dans le corps, qui ne répond plus de la même manière aux besoins de la vie psychique qu'auparavant. Nous constatons que la courbe ascendante de sa vitalité s'aplatit maintenant, et que le corps se consolide. Ainsi, les forces élémentaires que le Moi de l'âme de sensibilité puisait dans la vitalité du corps sont perdues. La consolidation du corps n'est plus la source, mais le support de l'âme de raison et de sentiment. Cette âme mène désormais sa propre vie, qui n'est plus entièrement liée au corps physique.

La consolidation n'est pas synonyme d'intériorisation. Cependant, cette dernière peut s'appuyer sur la consolidation. Du point de vue organique, l'âme de raison et de sentiment ne repose plus sur le système urogénital, dont l'interaction intense avec le monde a été mentionnée, mais sur le système hépatobiliaire qui devient actif au sein de l'organisme. Ce n'est pas le corps astral, mais le corps éthérique qui domine dans le foie, organe central de l'organisme hydrique et de son domaine. À partir de l'élément liquide, le corps éthérique exerce son action modelante, mais désormais il sert davantage la vie de l'âme que par le passé.

Pourtant, le développement de l'âme de raison et de sentiment s'étend à un autre domaine organique. Tout comme l'âme de sensibilité s'appuie sur le système urogénital mais se déploie dans la médianité de la vie sensible ouverte au monde, surtout grâce au poumon, l'âme de raison et de sentiment s'appuie sur le système hépatobiliaire et rejoint dans le domaine médian la vie désormais plus présente du cœur.

On met la main sur le cœur lorsque l'âme de sensibilité interfère avec l'âme de raison et de sentiment. Le "ton de profonde conviction" semble surgir de la même région. Le rôle du cœur est central dans le phénomène d'intériorisation. Ce qui n'avait été reçu jusque-là que par la tête pour former des sensations doit maintenant devenir "savoir du cœur".

La forme la plus élevée de l'activité intérieure du psychisme est celle où l'être humain agite dans son cœur ce qui l'affecte. Dans l'Évangile selon Luc, il est dit que "Marie, cependant, gardait toutes ces choses et les repassait en son cœur". C'est l'état le plus pur de l'âme de sentiment, le Gemüt, qui s'est ouvert au Divin.

Et voici la question existentielle de l'âme de raison et de sentiment : "Comment le monde s'ordonne-t-il pour moi, et comment ma vie s'ordonne-t-elle dans le monde ?"

Le septénaire de 35 à 42 ans

Le milieu de l’existence se situe à trente-cinq ans par rapport à une vie de soixante-dix ans, ou à trente-six ans si l'on considère une durée de soixante-douze ans. Dans un sens plus large, on peut placer ce moment entre le début de la trente-cinquième année et le milieu de la quarantième, faisant ainsi du septénaire en question le milieu de la vie.

Des études approfondies ont montré qu'entre trente et quarante ans, l'efficacité de l'homme atteint son apogée, avec un pic vers trente-cinq ans. À cet âge, si tout s'est déroulé comme prévu, on est devenu compétent et capable. Ce qui a été entrepris dans la trentaine a été mené à bien, on a acquis une position dans le monde et on en est conscient. La conscience de soi se renforce, associée à l'expérience de sa propre volonté qui a accompli tant de choses, donnant initialement le sentiment que tout va continuer ainsi.

Nombreux sont ceux qui ressentent cette exaltation lorsqu'ils atteignent le sommet d'une montagne. On est parvenu au sommet. Puis, le regard se porte autour, commençant probablement par le chemin parcouru. On essaie de revoir l'itinéraire qui a conduit jusqu'au sommet. Certes, on l'a atteint, mais par quel chemin ? N'aurait-il pas été possible de choisir une voie meilleure ? Pourquoi cette ascension ? Qu'attendait-on du sommet, quelle vue panoramique ? Et maintenant, que voit-on ? La course en valait-elle la peine ?

C'est au sommet du milieu de la vie qu'on s'interroge sur la valeur de ce qui a été accompli. La question posée ainsi au milieu du septénaire de trente-cinq à quarante-deux ans devient une exigence. « On ne se contente pas d'avoir fait ce qu'il fallait, mais on veut aussi que le résultat ait de la valeur. » La question sur le sens de la vie, déjà posée dans la jeunesse, devient maintenant celle de sa valeur concrète. Le jeune homme se demande quel est le sens de la vie, mais l'adulte veut savoir ce que vaut la vie qu'il a menée jusqu'alors.

Ensuite, du sommet, le regard se porte vers l'avant, vers de nouveaux objectifs qui se perdent encore dans les brumes lointaines. En valent-ils la peine ? Les forces seront-elles suffisantes pour les atteindre ? Puis, le regard rencontre l'horizon où convergent tous les chemins. Au milieu de sa vie, l'homme rencontre sa propre mort. « Il n'y a pas d'homme jeune qui croie vraiment mourir un jour. » En général, c'est seulement au milieu de la vie qu'on prend conscience de sa propre mortalité. Nous examinerons plus tard les crises et les perturbations qui résultent de cette expérience. Tout d'abord, examinons un aspect significatif pour la suite des événements.

La question suivante nous amène à réfléchir sur la distance de l'horizon qui se dévoile devant nous. Combien de temps me reste-t-il à vivre ? Cette question peut également nous inciter à chercher le meilleur chemin pour aller du sommet de la vie vers l'objectif placé devant l'horizon. La réponse est déterminée par une autre question : « Quelle valeur ma vie personnelle peut-elle avoir pour le monde ? » Le problème de la valeur peut se transformer en une tâche, car du sommet de la vie, elle se dessine plus clairement qu'auparavant, voire est perçue pour la première fois. Soudain, on se retrouve face à un fait nouveau, à une sollicitation plus vaste.

On découvre que le sommet n'est pas seulement un point culminant, mais qu'il nous élève également vers un nouveau monde. Le regard se porte en arrière, en avant, et enfin vers le haut. On perçoit l'innovation qui se profile dans la vie : la tâche, jusqu'alors ressentie comme un instinct, un but conventionnel, voire idéal, voire même ignorée complètement, cette tâche ne provient pas de moi et ne se trouve pas naturellement sur mon chemin. Elle émane d'en haut et se lie à tout ce vers quoi j'ai tendu dans ma vie, au véritable sommet que je découvre maintenant. La conquête du sommet se transforme en l'expérience d'une nouvelle naissance. C'est au sommet que l'âme s'est ouverte. On peut se transcender, découvrir ce qui est plus élevé, s'y consacrer et s'y unir en raison de sa mission. Il s'agit finalement d'un rayon du Moi supérieur qui cherche à instaurer dans la vie individuelle une innovation issue du monde spirituel. Cet aspect a été mentionné dans le contexte du "génie".

Arrivé au sommet, le Moi atteint également le terme de sa course. Celle-ci, comme nous l'avons vu, a commencé vers vingt-huit ans. Elle a mené jusqu'au centre intérieur de l'âme, et à partir de ce centre de plus en plus actif, l'homme est devenu capable d'agir dans le monde. Pour que l'harmonie entre la vie intérieure et la vie extérieure se réalise, il semble important qu'au milieu de l'existence, le Moi parvienne au centre de l'âme. Tel devrait être le cas. Maintenant, un chapitre se clôt. Le Moi peut se libérer de l'âme à travers laquelle il a voyagé à travers toutes les zones, tout comme il s'est libéré du corps auparavant. La culmination dans l'âme amène le Moi à se retrouver face à l'esprit, d'où il reçoit la lumière du Moi supérieur.

Ce renforcement de la présence de l'esprit, de la prise de conscience de la nature spirituelle de son être propre, se conjugue avec la conscience renforcée de la vie dans le monde et du monde lui-même. L'homme qui atteint le milieu de l'existence et dont le Moi se libère de l'âme qui l'entoure est plus clairvoyant, et sa conscience est plus aiguisée dans toutes les choses. C'est pourquoi il n'atteint la maturité intérieure qu'à partir du milieu de la vie. Car "la maturité intérieure ne peut survenir que chez des hommes qui vivent consciemment". Cette situation permet également de comprendre pourquoi Rudolf Steiner appelait le nouvel élément psychique "âme de conscience".

L'âme de conscience

Née au milieu de l’existence, l’âme de conscience se développe dans le septénaire de trente-cinq à quarante-deux ans. L'éveil à une conscience de lucidité nouvelle passe d’abord par les sens, à travers lesquels le Moi perçoit le monde sensible d'une manière nouvelle. L'être humain commence à "sortir de lui-même". Après le processus rythmique, presque respiratoire, de l'intériorisation opéré par l'âme de raison et de sentiment, une relation nouvelle avec le monde se manifeste, plus intense et plus semblable à celle de l'âme de sensibilité. Cependant, à l'époque de l'âme de sensibilité, l'être humain observait le monde avec moins de précision qu'il ne le fait à présent. S'il ne se contente pas de rester à la surface du monde sensible, il sera porté à s'interroger et à chercher les valeurs, comme mentionné précédemment.

Au début de la trentaine, la réflexion se basait sur un système de valeurs fournies par le monde. Il pouvait s'agir de valeurs matérielles ou supérieures, telles que la vérité, la justice, ou la beauté. À ce stade, on donnait la préférence à l'une ou l'autre de ces valeurs en fonction du caractère ou de la situation. Cependant, plus tard, on commence à s'interroger sur les raisons derrière ces préférences, et à chercher à comprendre la nature même des valeurs. Au-delà des préférences, un arrière-plan supplémentaire est maintenant conféré aux valeurs, et en cherchant à les connaître, on cherche également à connaître sa propre nature.

L'âme de conscience, qui vit à partir de son centre, permet à la connaissance de saisir l'essentiel. Le Moi supérieur se répand dans l'âme de conscience, s'unissant plus intimement au Moi inférieur et lui ouvrant l'accès à la nature même des objets. Cette connaissance de l'essence est le fruit d'un acte nouveau de pensée, une pensée anticipative et créatrice. Dans cette nouvelle phase, la volonté s'émancipe et vise la pensée, tandis que la pensée renaît à une vie nouvelle en devenant encore plus lucide.

Goethe, pendant les années précédant son voyage en Italie à l'âge de trente-sept ans, s'était profondément plongé dans l'étude de la botanique. Sa pensée anticipative l'a conduit à une découverte remarquable : celle de la "plante primordiale", qui résulte d'une connaissance de l'essence et de la vision. Cette découverte offre une dimension nouvelle à l'âme de conscience.

Schiller, qui a entrepris des études de philosophie et d'histoire vers l'âge de trente ans, a achevé, à trente-cinq ans, les Lettres sur l'éducation esthétique de l'homme, fruit de ses efforts. Ses travaux acharnés en philosophie aboutissent à une connaissance essentielle. En même temps, il prend conscience lucide de sa mission existentielle. On sent qu'il s'identifie à sa découverte, qui acquiert une portée universelle.

Le rôle particulièrement important de la médianité chez Schiller permet de mieux comprendre l'âme de conscience. L'"instinct sensible", venant du pôle inférieur et tendant vers la matière, suscite le changement, le mouvement, la sensibilité. À l'inverse, l'"instinct de forme", originaire du pôle supérieur et en quête de structure, s'élève du "règne des apparences" à l'unité dans l'idée. De cette union naît l'"instinct de jeu", qui combine la forme inerte et la vie sensible pour conduire à la "forme vivante", à la beauté. Par la beauté, l'homme sensible est conduit à la forme et à la pensée, tandis que l'homme spirituel est ramené à la matière et au monde sensible. Grâce à cet état médian, l'homme est artiste au sens large, et c'est de là qu'il peut accéder à la liberté.

De nombreuses personnalités célèbres, comme Schiller, ont créé ou préparé leur chef-d'œuvre au milieu de leur existence. Dante a vécu sa pérégrination à travers le monde de l'au-delà, le contenu de sa Divine Comédie, entre trente et quarante ans. Luther avait trente-quatre ans lorsqu'il a affiché ses thèses à Wittenberg, déclenchant ainsi la Réforme. Beethoven a composé ses grandes œuvres, comme sa Symphonie Héroïque et sa Cinquième symphonie, entre trente et quarante ans. Wagner a conçu L'Anneau du Nibelung à l'âge de trente-cinq ans, et Napoléon est monté sur le trône impérial à trente-cinq ans également.

Durant le septénaire du milieu de l'existence et ceux qui suivent, certains faits moins visibles et moins complets se produisent chez la plupart des hommes. L'âme de conscience n'en est qu'à ses débuts. Certains des faits évolutifs la concernant ne sont visibles que chez des personnalités éminentes dont l'œuvre est avant-gardiste.

L'époque de l'âme de conscience a commencé avec les temps modernes, lorsque l'humanité tout entière a pris un nouvel élan, développant une conscience nouvelle à partir des sens d'abord, entrant ainsi dans l'ère créatrice des grandes découvertes et inventions. Chez l'individu comme dans l'humanité tout entière, l'âme de conscience se tourne d'abord vers le monde extérieur.

C'est pourquoi, dès le milieu de sa vie, chaque être humain peut se livrer plus consciemment à la quête de l'essentiel et vivre en conséquence. Chacun peut chercher à fortifier sa présence d'esprit et devenir créatif dès le milieu de l'existence. Peut-être ne sera-t-il pas un grand artiste, mais chacun peut pratiquer l'art de vivre dans le sens d'une esthétique élargie. Chacun peut reconnaître l'idée, l'originalité de sa mission dans la matière de sa vie et la faire apparaître, tel un sculpteur dégageant la forme d'un bloc de marbre.

Chaque être humain est chargé d'une mission particulière, même modeste. Personne ne peut être remplacé. Chacun occupe une place unique, contribuant à l'ensemble de l'humanité. Ainsi, durant le septénaire de trente-cinq à quarante-deux ans, l'être humain se pose la question existentielle de l'âme de conscience : Comment accéder à l'essence du monde et à la sienne propre, comment réaliser son être dans le monde ?

La relation avec le corps physique

La naissance même de l'âme de conscience dépend de cette relation. Une fois de plus, l'action de métamorphose du Moi doit être plus profonde encore. Cette fois-ci, le Moi transforme en âme de conscience les forces du corps physique. C'est au sein de l'élément constitutif le plus consistant qu'est le corps physique que le labeur du Moi est le plus dur, le plus actif. On peut y voir une condition préalable à l'activité renforcée du Moi dans l'âme de conscience. De plus, en se mesurant avec les forces physiques entièrement absorbées par la forme, le Moi acquiert la lucidité et se tourne tout d'abord vers le monde terrestre, dont le corps physique fait partie. Il en résulte une correspondance entre le septénaire de trente-cinq à quarante-deux ans et celui de un à sept ans. Les troubles propres à chacun vont illustrer ce fait.

Durant toute la vie, l'âme de conscience, comme tous les éléments de l'âme, reste en rapport avec l'élément constitutif dont elle est issue. Encore une fois, le milieu de l'existence sera particulièrement important, le rôle principal étant joué par la déstructuration du corps physique. C'est alors que la déstructuration commence à l'emporter sur la structuration. La déstructuration a existé dès le premier mouvement respiratoire, mais jusqu'au milieu de l'existence, elle a été compensée par la structuration, prépondérante. À présent, la structuration commence à régresser et c'est la déstructuration qui domine. De ce fait, l'être humain peut faire dans son âme l'expérience de sa propre mort.

Toute une série de phénomènes physiques démontrent cette donnée. Ainsi, par exemple, la capacité vitale du poumon, c'est-à-dire la faculté de cet organe d'inspirer l'oxygène vivifiant, atteint son maximum à trente-cinq ans. D'après des recherches plus récentes, la régression de cette fonction commence déjà plus tôt, mais la chute de sa courbe n'est relativement raide qu'à partir de la quarantaine. Le foie, "organe central de l'anabolisme", atteint son poids maximum dans la décennie de trente à quarante ans, pour en perdre près de la moitié durant la deuxième partie de l'existence. Après le milieu de celle-ci, la taille humaine s'amenuise sensiblement, et selon des recherches récentes, un début de diminution s'observe déjà entre vingt-huit et trente ans. Dans la suite, par surcroît, le corps se voûte en raison de l'affaissement des disques intervertébraux. L'être humain se baisse à nouveau vers la terre, d'où son corps physique s'était dressé.

La courbe d'évolution biologique de l'homme, qui résulte de ces faits, commence à la naissance et atteint son sommet au milieu de l'existence. Elle s'aplatit déjà vers la trentaine et, en règle générale, c'est autour de trente-cinq ans qu'elle commence à redescendre pour finir à la mort. La figure suivante montre que cette courbe en rencontre une autre, la courbe du tre psychospirituel, dont le point le plus déclive est très proche du maximum biologique.

Explication : Au milieu de l'existence, l'homme parvient au sommet de la conscience de soi. Grâce à l'âme de conscience, son être psychospirituel s'est incorporé au maximum et de manière autonome dans le domaine terrestre. Auparavant, son être était lié à la vie ascendante du corps physique, et par lui à la nature et à l'univers. C'est ce que veulent indiquer les flèches à gauche. La direction des flèches signifie donc construction, incarnation - phénomènes prédominants de la première moitié de l'existence. Le recul de la construction à partir de la naissance s'exprime par le raccourcissement progressif des flèches à gauche. Celles-ci et les flèches correspondantes de la moitié droite réalisent une métamorphose de la courbe figurée par W. Holtzapfel ; les flèches font ressortir ici le degré de pénétration organisatrice du corps par l'ensemble psychospirituel. Ne sont pas figurées les naissances supérieures qui préfigurent déjà la déstructuration, le début de l'excarnation.

La naissance de l'âme de conscience se produit au milieu de l'existence, lorsque la déstructuration et l'excarnation commencent à prendre le dessus. La conscience ne peut émerger sans déstructuration, comme le montre la prédominance des processus de dégradation du cerveau et du système nerveux, accompagnant chaque opération de la conscience. Il est crucial pour la conscience accrue dans l'âme de conscience de se manifester en même temps que la prévalence des processus de déstructuration. Le retrait du corps physique, qui subit la déstructuration, ouvre la voie à l'âme de conscience. Cependant, ce sont les forces transformées du corps qui s'élèvent, avec l'âme de conscience, dans le domaine spirituel.

Au milieu de l'existence, le Moi se sent pris entre l'esprit et le corps. Il est appelé d'en haut par l'esprit, et depuis son sommet, l'homme élève son regard vers les hauteurs. En même temps, il est attiré davantage par la terre où il est enraciné ; il y est retenu par les sens en éveil. Si le Moi s'engage en direction de l'esprit, le sommet de la courbe biologique marquera un tournant en faveur du développement psychospirituel, accompli jusqu'à la trentaine en suivant la courbe de développement biologique. À présent, ce développement débouche progressivement sur la courbe de l'être psychospirituel, qui, après avoir atteint le maximum d'incarnation et le sommet de l'engagement dynamique sur terre, remonte à nouveau au milieu de l'existence vers le règne de l'esprit.

Vers l'âge de vingt-huit ans, la trajectoire de l'évolution psychospirituelle se détachait déjà de celle de l'évolution biologique, tout en conservant une orientation ascendante. La transformation intérieure s'accomplissait sur la base d'une consolidation corporelle dont elle commençait également à s'émanciper. Cependant, c'est au milieu de l'existence que les deux trajectoires prennent des directions opposées. Alors que la trajectoire biologique tend vers la décadence et que tous les individus connaissent à partir de ce moment un déclin corporel plus ou moins marqué et rapide, la trajectoire d'évolution psychospirituelle subit elle aussi une inversion, permettant à la vie humaine de se tourner vers de nouvelles aspirations spirituelles. Si cette transformation n'est pas réussie ou demeure incomplète, la trajectoire psychospirituelle continue à suivre de près ou de loin celle du corps, entravant ainsi le développement ultérieur de la nature humaine. La vie psychique est alors de plus en plus influencée par la dégradation corporelle, entraînant des troubles psychiques ou des maladies au cours de la deuxième moitié de l'existence.

Au milieu de sa vie, l'être humain, confronté à l'alternative entre "s'atrophier ou mûrir" selon Hampe, fait un choix déterminant pour la suite de son existence. Ce phénomène, bien que nouveau à ce stade, ne demeure pas unique. Il se répète tout au long de la seconde moitié de la vie, ou du moins devrait se renouveler. Les flèches à droite sur le schéma indiquent donc que, une fois le tournant de la mi-vie accompli, de nouveaux élans seront nécessaires pour se libérer de l'attraction pesante du corps. Si ce revirement est partiel ou inexistant, comme c'est le cas pour la plupart des individus, des impulsions successives peuvent encore se manifester. De plus, les flèches s'allongent vers la fin de la vie pour illustrer la progression de l'excarnation au cours de la seconde moitié de l'existence, où les forces psychospirituelles se détachent de plus en plus du corps en déclin. Tout comme la flèche la plus longue à gauche symbolise la naissance, celle à droite représente finalement la mort.

Concernant le corps physique, la question se pose sur le système organique servant de base à l'âme de conscience. La relation entre la conscience et le système nerveux évoque le cerveau, tandis que les gestes expressifs de l'âme de conscience préfèrent la tête. Rudolf Steiner souligne à ce sujet l'habitude de poser le doigt sur le nez. Il est donc plausible de rapprocher ce geste de la manière dont la main soutient la tête du penseur.

C'est à partir de la tête que l'âme de conscience s'élève vers sa vie spirituelle et la connaissance par la pensée. Cependant, pour que cette pensée soit vivante, elle doit être nourrie par les forces de la volonté et du sentiment. Selon Rudolf Steiner, le recueillement est l'éducateur de l'âme de conscience. En se recueillant, la volonté se tourne vers les réalités supérieures et s'imprègne d'amour pour elles. Mais le recueillement englobe également les pensées et la concentration de la pensée. Dans ce contexte, le rôle du cœur est essentiel, car il favorise l'harmonisation des trois niveaux psychiques : la volonté, le sentiment et la pensée. Le cœur constitue le lieu de la rencontre entre le Moi inférieur et le Moi supérieur, et l'âme de conscience tire sa vitalité de cette interaction. Ainsi, la pensée de l'âme de conscience s'ouvre à une vie supérieure lorsque la volonté et l'amour se rejoignent dans le recueillement.

Synthèse par l'image

Nous pouvons synthétiser le développement des composantes de l'âme en utilisant une analogie propice à des réflexions plus approfondies. Nous pouvons comparer l'âme de sensibilité au stade végétal de la plante. Tout comme la plante se construit à partir des feuilles en ouvrant sa vie au monde, l'âme de sensibilité se développe de manière similaire. Quant à l'âme de raison et de sentiment, qui s'intériorise, elle correspond aux bourgeons et aux calices qui se forment dans la vie de la plante. La fleur lumineuse qui reflète la lumière du soleil peut être assimilée à l'âme de conscience, qui constitue le point d'ouverture directe à l'esprit et le centre de l'action spirituelle dans le monde. Au cours de la seconde moitié de l'existence, l'âme de conscience aspire à ce que la fleur porte des fruits, permettant ainsi à l'homme de redonner au monde ce qu'il a reçu de lui au cours de la première moitié de sa vie.

Cette analogie peut également nous guider dans une autre direction lorsque nous nous interrogeons sur le destin des autres éléments de l'âme après l'épanouissement de l'âme de conscience. On avance souvent que l'âme de sensibilité pourrait alors être dispensable. C'est un peu comme affirmer que la plante, une fois en fleurs, peut se passer de ses feuilles. Cependant, si l'on mettait cette croyance en pratique en retirant les feuilles de la plante, elle se flétrirait rapidement. De la même manière, dans la vie psychique, un manque de renouvellement continuant de puiser dans les forces de l'âme de sensibilité entraînerait le flétrissement de l'âme. C'est principalement dans l'âme de sensibilité, et de manière correspondante dans l'âme de raison et de sentiment, que se trouve la source dynamique de renouveau tout au long de l'existence. Nous reviendrons sur ce point en abordant les troubles évolutifs de l'âme de conscience, ainsi que dans le dernier chapitre.

Pour que cette contribution à la vie se déroule dans des conditions saines, il est essentiel que l'âme de sensibilité, ainsi que les autres éléments de l'âme, subissent les transformations appropriées à chaque stade d'évolution. Il convient de distinguer les individus dont les éléments de l'âme se transforment au service du développement personnel de ceux qui cherchent à s'accrocher à un aspect psychique demeuré à un stade primitif. L'âme humaine évolue et existe dans son propre temps, et il est vain de vouloir rester à un stade donné ou de chercher à précipiter les étapes.

Vers l'âge de quarante-deux ans, les trois septénaires de l'évolution de l'âme atteignent leur conclusion. La progression spirituelle de l'homme s'affirme tout au long de sa vie, du moins c'est ce qui devrait se produire. Comme notre étude se concentre sur le développement de l'âme, la description du cours de la vie s'achève ici.

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Source : Rudolf Treichler - Psychiatre - Les troubles psychiques au cours de la vie - Triades.





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Pascal Patry
Praticien en psychothérapie
Astropsychologue
Psychanalyste

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