Focus sur les dépressions

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Focus sur les dépressions

Pascal Patry astrologue et thérapeute à Strasbourg 67000
Publié par Pascal Patry dans Psychologie · 9 Octobre 2023
Tags: Focussurlesdépressions
Focus sur les dépressions

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Clinique

Les signes principaux

La dépression se caractérise par deux signes : une tristesse profonde, parfois désespérée, appelée aussi souffrance morale, humeur douloureuse, et une modification du cours de la pensée, des actions et des émotions qui sont ralenties, voire immobilisées. Ces signes sont proches des états psychologiques ordinaires. La difficulté est de déter­miner à partir de quand ils relèvent d’une dépression. Leur durée et leur intensité la distinguent d’un « état dépressif », d’une « déprime » ou d’un coup de « blues » temporaires. Pour évoquer une dépression, ils doivent être présents depuis deux à trois semaines, tous les jours. Dans les dépressions sévères, ils mettent en jeu les inves­tissements professionnels (arrêts de travail, démissions), affectifs (conflits familiaux, ruptures des liens) et parfois la vie même, par les conduites suicidaires qu’ils génè­rent. Il existe cependant une très grande variété d’ex­pression de la dépression en fonction des personnes et des cultures.

L'humeur douloureuse

L’humeur dépressive est une douleur intérieure plus intense qu’une simple tristesse. La vie apparaît dépourvue de sens. Cette douleur peut être ressentie comme une blessure déchirante ou un ennui et une monotonie insupportable, une véritable dévitalisation. Les événe­ments ne procurent plus d’émotions et les sollicitations sont refusées : loisirs, invitations amicales, familiales ou professionnelles. Le sujet est indifférent aux êtres et aux choses, seul avec son mal de vivre dans un monde vidé de sa substance.

Les pensées habituelles sont remplacées par un ques­tionnement douloureux ou pessimiste sur l’existence, une plainte ressassée sur l’absence d’intérêt des tâches quotidiennes, l’impossibilité de prendre soin de soi et des proches ; ce dont parle le déprimé et qui le tour­mente, c’est le ménage qui n’est plus fait, son corps dont il ne s’occupe plus, les appels téléphoniques laissés sans réponse ; il paraît désamarré sans trouver l’accès à la vie. Son bonheur appartient au passé ; les deuils, les départs, les ruptures, les absences occupent son esprit et rien ne le distrait de ces pensées incontrôlables et pénibles. Ses tentatives et celles des autres pour changer cet état sont inutiles : « ça ne sert à rien » dit-il, « rien ne m’in­téresse », « je n’ai pas de courage », « je n’y arrive pas ». En un mot, la vie est un échec et l’avenir une situation sans issue. Cette plainte peut être exprimée à un proche, conjoint, parent, ami ou soignant, sous la forme d’une revendication, mais le plus souvent le sujet s’attribue la responsabilité de ce qui lui arrive avec un profond sentiment de culpabilité. Si rien ne va plus c’est parce qu’il/elle est incapable de vivre normalement, de rendre les autres heureux, de réaliser ce que tout le monde obtient naturellement. Dans les dépressions sévères, la culpabilité prend la forme d’une autoaccusation que rien ne soulage et qui va jusqu’à s’attribuer des fautes non commises. Arrivé à ce point extrême de conviction, de douleur et de dévalorisation, le danger qui guette le déprimé est la tentation du suicide.

Le ralentissement ou inhibition psychomotrice

Souvent décrite comme une fatigue intense, l’inhibition est présente chez 90 % des déprimés. Elle se manifeste par une pensée ralentie, une extrême difficulté, voire une impossibilité à entreprendre des actions habituelles ou à prendre des initiatives. Tout devient pesant et doulou­reux : se lever, se laver, s’habiller, regarder la télévision, lire. Cet état intérieur a une traduction visible : les gestes sont lents, le regard fixe, le visage moins expressif, la voix est monotone, éteinte ; il existe une moindre réac­tivité aux événements, les propos sont entrecoupés de silence. Cette inhibition s’accompagne de difficultés de concentration et de l’impression d’avoir une moins bonne mémoire. Dans les dépressions sévères, la pensée est comme engluée, interrompue, fixée sur une ou deux idées. L’impression de ne plus disposer de toutes ses capa­cités intellectuelles est une raison supplémentaire d’être triste et pessimiste.

Les autres signes

L'anxiété

L’anxiété est une impression pénible de danger dont la cause est imprécise et qui peut aller jusqu’à une sensa­tion de mort imminente. Elle s’accompagne de manifes­tations physiques : vertiges, tremblements, palpitations, sécheresse de la bouche, difficulté à respirer, tension musculaire, raideur de la nuque, des épaules. Même si la pensée garde une certaine lucidité par rapport à l’absence de danger réel, l’impression corporelle est souvent si intense qu’elle peut paralyser toute la vie psychique. L’angoisse survient souvent par crises mais elle peut aussi prendre la forme d’une anxiété diffuse, peu variable dans la journée et peu sensible aux événe­ments extérieurs. Dans les formes les plus sévères, le sujet anxieux cherche à fuir son malaise ; en marchant, déplaçant des objets, déambulant sans cesse ; des comportements impulsifs, explosifs, véritables « raptus anxieux » peuvent survenir, qui ne sont pas dépourvus de danger pour lui-même ou son entourage. L’apaise­ment peut aussi être recherché dans un repli qui va jusqu’à l’immobilité totale, une prostration, véritable paralysie du sujet ; ou par des attitudes bizarres par lesquelles il tente de diminuer la tension ressentie. L’impossibilité d’expliquer aux autres ce qui se passe, la crainte du ridicule aggravent la tendance à s’isoler et conduisent à chercher une compagnie sans jugement.

Il existe une association privilégiée entre l’anxiété et la dépression, remarquée dès les premières observations cliniques il y a près d’un siècle. Les nouvelles classifica­tions (DSM-IV, CIM10) n’hésitent pas à parler de trouble mixte « anxio-dépressif », car la dépression est fréquem­ment annoncée par des troubles anxieux qu’il n’est pas rare de voir persister après son amélioration, dans un tiers des cas environ. Quant aux classiques « attaques de panique », elles sont sensibles aux antidépresseurs et considérées comme des équivalents dépressifs.

Toutes les anxiétés n’ont cependant pas la même signification. Il convient de distinguer l’angoisse qui accompagne un effondrement des investissements et du monde extérieur de celles témoignant de la proximité d’un conflit intrapsychique inconscient, par exemple dans les phobies.

Le caractère

Une modification du caractère peut précéder ou accom­pagner la dépression. D’installation parfois insidieuse, ce changement est remarqué par l’entourage qui s’en inquiète ou s’en agace : « on ne le/la reconnaît plus », « on nous l’a changé(e) ». Le trait de caractère le plus fréquent est une irritabilité paradoxale ou disproportionnée à l’occasion de contrariétés minimes : le geste d’affection d’un conjoint, un repas qui n’est pas prêt à l’heure habi­tuelle, l’opposition d’un enfant. Elle peut se transformer, selon le contexte et les personnalités, en agressivité et en violence. Ces troubles, dont l’entourage proche, au mieux s’irrite, au pire se méfie, aggravent la culpabilité du sujet déprimé et peuvent l’amener à penser : « Je ne suis bon à rien, je gâche la vie de tout le monde ». Le sentiment d’inutilité et l’impression d’être dangereux pour les proches contribuent au risque suicidaire.

La dépression et le corps

Le sommeil et l'appétit

Les signes physiques les plus fréquents sont l’anorexie et l’insomnie. Ils ne sont cependant pas spécifiques et peuvent survenir dans d’autres contextes ou en réaction aux événements de la vie ordinaire. Comme précédem­ment, c’est leur installation dans la durée et leur intensité qui signalent l’éventualité d’une dépression.

Les troubles alimentaires sont pratiquement constants (80-90 %). Il s’agit le plus souvent d’anorexie accompa­gnée d’un amaigrissement parfois spectaculaire, plus rarement de boulimie. L’envie et le plaisir de manger ont disparu et peuvent être remplacés par un dégoût de la nourriture. Le sujet déprimé se nourrit par devoir, saute sans difficulté les repas, les expédie, les oublie ou les réduit au strict minimum et peut même se convaincre que se nourrir n’a plus aucune importance.

Le sommeil est perturbé dans 60 % des cas et malgré la fatigue, trouver le repos est presque impossible. L’in­somnie est la règle avec des réveils fréquents, ou très tôt, à l’aube, sans espoir de se rendormir. La pensée est occupée par des ruminations incontrôlables et des accès d’angoisse. Plus rarement il peut exister une hyper­somnie, mais qui n’est pas réparatrice. Ces altérations du sommeil sont associées à une modification des cycles d’activité du sommeil lent et du sommeil paradoxal.

La sexualité

Comme le sommeil et l’appétit, les modifications de la sexualité ne sont pas spécifiques ; la fluctuation des grandes fonctions vitales est une réponse fréquente et banale aux événements de la vie courante. Dans la dépression, la libido est augmentée dans 20 % des cas, mais diminuée dans la grande majorité (70 %). Les hommes paraissent davantage concernés par ce phénomène (80 % d’entre eux) et une femme déprimée sur deux s’en plaint. Ce sont tous les aspects de la sexualité qui sont atteints : l’intérêt pour les rencontres, les jeux érotiques, les fantasmes, l’éveil et l’ac­tivité sexuelle ainsi que la recherche du plaisir. Souvent mal tolérés, ces troubles constituent un facteur aggravant de l’état dépressif et ils peuvent entretenir une situation conflictuelle dans les couples. Leur importance pour le sujet en souffrance, leur participation à la dépression ou aux tensions interviennent dans le choix du traitement ; en effet, les médicaments antidépresseurs ne favorisent pas la libido et ils ont plutôt un effet inhibiteur sur Celle-ci, occasionnant des troubles de l’orgasme.

Les autres signes

Ils sont nombreux et variés. Les plus fréquents - qui sont souvent associés à de l’anxiété - sont une tension muscu­laire, des crampes, des tremblements, une modification du transit intestinal (constipation ou diarrhée), le besoin fréquent d’uriner. Ces signes ne peuvent être attribués à la dépression qu’après l’exclusion d’une cause organique.

Comment savoir si l'on est déprimé ?

Ceux qui ont déjà fait l’expérience d’une dépression se trompent rarement sur la récurrence des signes annonçant un nouvel épisode. C’est parfois une perception particu­lière des bruits ou de la lumière, la survenue de pensées douloureuses au réveil sur la journée à venir. Il est plus difficile de ne pas confondre un premier épisode avec un surmenage, une humeur sombre causée par un envi­ronnement peu gratifiant, une lassitude momentanée ou la tension liée à un conflit familial ou professionnel. D’autant que les dépressions modérées ne s’accompa­gnent pas toujours d’inhibition et n’altèrent pas systé­matiquement la vie sociale. Ce sont toujours les trois mêmes signes qui permettent de faire le diagnostic : l’altération de l’humeur, le ralentissement, l’installa­tion dans la durée et l’intensité. C’est parfois l’environ­nement qui manifeste son inquiétude : famille, amis, collègues, voisins. Il arrive cependant que ni le sujet ni l’entourage ne reconnaissent la dépression, en parti­culier lorsque celle-ci prend l’allure paradoxale d’un état maniaque dépourvu de tristesse et d’inhibition, ou quand la plainte est fixée sur des douleurs corporelles sans que la douleur morale soit ressentie.

Les proches ont parfois du mal à accepter une dépres­sion chez l’un des leurs ; celle-ci remet en cause des rela­tions affectives, l’image que l’on s’était faite de celui ou de celle qui souffre, et cette nouvelle image peut être rejetée plus ou moins consciemment pour préserver une situation antérieure que l’on ne veut pas voir changer.

La fréquence

L’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) estimait en 2005 que 10 à 20 % de la popu­lation générale serait concernée par la dépression une fois dans sa vie. Les études épidémiologiques distinguent les maniaco-dépressions dont la fréquence est stable,
1 à 2 % de la population générale, des autres formes de dépression plus fluctuantes dans leur fréquence et leurs manifestations.

Le sex-ratio

Les femmes seraient en moyenne deux fois plus dépri­mées que les hommes. Des hypothèses ont été avancées pour expliquer cette différence. Qu’elles soient généti­ques, avec le rôle du chromosome X, ou hormonales, aucune explication n’a été retenue à ce jour. Restent les facteurs psychologiques : les études accordent aux femmes une plus grande facilité à communiquer leurs émotions et à demander de l’aide en cas de détresse ; les hommes ont davantage tendance à agir, ce qui se traduit par des actes de violence mais aussi par le suicide, deux fois plus fréquent chez eux. Le statut social féminin aurait aussi de l’importance ; les femmes se consacrant aux tâches domestiques sont plus sujettes aux dépressions que celles qui travaillent, et l’effet bénéfique du mariage est relatif pour elles alors qu’il est clairement protecteur chez les hommes.

L'âge

La dépression est fréquente chez les trentenaires. D’autres périodes de la vie présentent une vulnérabilité particu­lière, comme la vieillesse et l’adolescence.

Devenir des dépressions

Guérison ou répétition

Une première dépression serait suivie une fois sur deux environ, à plus ou moins long terme, par une récidive ; ces chiffres sont à prendre avec précaution en raison de la variabilité des formes dépressives et de leurs prises en charge dont les évaluations ne rendent pas toujours compte. Quoi qu’il en soit, il existe un risque de répétition, et pour parler de guérison, six mois doivent s’être écoulés après la disparition des derniers signes. L’amélioration peut être partielle, avec persistance de manifestations comme l’anxiété. Lorsque le sujet déprimé retrouve son état « d’avant », la dépression est évoquée comme un moment à part dans l’existence, un monde différent de la vie ordi­naire, coupé des autres et l’intensité de cet isolement reste un souvenir douloureux.

Certaines dépressions se répètent ou s’installent dura­blement. De multiples facteurs favorisent cette évolu­tion : le cumul d’événements difficiles, qui mettent à l’épreuve la résistance du sujet, une disposition « endo­gène » à la récidive, des antécédents de dépression dans la famille, la gravité d’une dépression antérieure. Certaines personnalités présentent une hypersensibilité aux rela­tions affectives et sont plus menacées par cette évolution que d’autres. Le risque de rechute est favorisé par la soli­tude, la précarité, l’absence de travail, de résidence fixe, d’amis, facteurs eux-mêmes accentués par la dépression ; celle-ci peut ainsi conduire à une spirale où le sujet va de plus en plus mal et a de plus en plus de difficultés à établir des liens stables. Les femmes rechutent deux fois plus souvent que les hommes. Le niveau de revenu ne paraît pas avoir d’effet protecteur sur l’évolution.

L’absence d’amélioration dans les deux ans qui suivent le début des troubles conduit à parler de dépression chro­nique (10 % des dépressions). Cette notion qualifie en médecine les maladies ne guérissant pas et d’évolution lente ; elle est délicate à manier quand il s’agit de la vie psychique. La personnalité et l’histoire individuelle risquent d’être ramenées à des phénomènes physiologi­ques. Faut-il appeler « dépressif chronique » quelqu’un présentant des traits de caractère comme la rumina­tion d’idées, l’insomnie, la fatigabilité, la morosité, mais sans réelle altération des investissements ? Les avis sont partagés ; certains spécialistes parlent de dépression chro­nique devant une gêne partielle des activités quotidiennes associée à des troubles du sommeil ou de l’appétit ; pour d’autres, employer ce terme suppose la persistance d’une symptomatologie sévère et d’une altération importante de la qualité de vie.

Le risque vital

Le suicide est un risque des dépressions graves et il s’ac­compagne parfois d’un risque pour l’entourage (homi­cides suivis de suicides). Il doit faire considérer certaines dépressions comme une urgence nécessitant une hospita­lisation rapide. Mais tous les suicides ne sont pas la consé­quence d’un état dépressif et ils peuvent survenir dans un tout autre contexte qu’une dépression : un trouble psychiatrique différent, un environnement culturel, poli­tique ou social particulier (valorisation, stoïcisme, fuite des persécutions, rites religieux sacrificiels). La préven­tion du suicide se heurte à la difficulté majeure de recon­naître une souffrance intense mais banalisée ou masquée, et donc méconnue, ainsi que d’évaluer l’imminence du risque de passage à l’acte.

La mortalité par suicide en France est estimée aux environs de 12 000 décès par an avec une large majo­rité d’hommes (deux hommes pour une femme), indé­pendamment de l’âge et du milieu socioculturel. La fréquence maximale est observée entre 21 et 40 ans. D’autres classes d’âge sont souvent touchées : les adoles­cents (environ 800 décès par an en France) et les sujets âgés, chez qui les conduites suicidaires sont particuliè­rement meurtrières, et conduisent au décès une fois sur trois. La pénibilité professionnelle est un facteur de risque pour les travailleurs manuels, les ouvriers agri­coles, les emplois subalternes, mais sont vulnérables aussi les étudiants, du fait d’une insertion sociale incertaine, et ceux qui occupent des postes à responsabilité élevée. Une étude récente fait ainsi état d’un taux de suicide de 14 % chez les médecins libéraux, soit le double de la popu­lation générale à âge égal. Sont également touchés les chômeurs, les personnes seules, les veufs (cinq fois plus que les personnes mariées) et les femmes sans activité professionnelle. Le risque est élevé dans la mélancolie qui est la phase dépressive de la dépression bipolaire. Il faut aussi se méfier des grandes anxiétés, surtout en cas d’agitation associée. Après une première tentative, une récidive est possible dans 10 à 20 % des cas.

Le risque de passage à l’acte auto-agressif ne doit pas être confondu avec l’idée de la mort, qui est présente chez 80 % des déprimés, le plus souvent sans conséquence ; mais la difficulté pour les médecins et les proches est précisément de déterminer dans quelle mesure le danger est réel, du fait de la grande variation d’expression des dépressions, dont les plus graves ne sont pas toujours exprimées de manière voyante. La disparition du plaisir de vivre, la douleur et l’ennui qui paraissent sans fin, l’impression de perdre ses forces, « de ne plus pouvoir lutter », l’accumulation d’épreuves, peuvent conduire à souhaiter que « cela s’arrête ». Mais cette pensée se heurte la plupart du temps à l’horreur de la mort et elle est suivie, une fois verbalisée, par un « mais rassurez-vous, je ne le ferai pas », « au fond je n’ai pas envie de mourir ».

Le suicide peut aussi être une conséquence, qu’il ne faut pas méconnaître, du traitement par les médicaments antidépresseurs qui améliorent l’inhibition avant la tris­tesse. Une certaine énergie revient alors que l’humeur reste sombre, ce qui aggrave transitoirement la possibi­lité de passage à l’acte ; ce risque est en cours d’évalua­tion, en particulier chez les adolescents qui sont de plus en plus traités chimiquement.

Les formes de la dépression

Une vingtaine de dépressions différentes sont réper­toriées. Elles varient selon leur intensité, l’âge de survenue, le contexte, l’association à une autre maladie, les antécédents personnels ou familiaux. Certaines sont trompeuses, masquées ou atypiques, et il n’est pas toujours facile de distinguer la fatigue intense qui accompagne par exemple certaines infections (une hépatite virale ou une mononucléose infectieuse, le SIDA) d’une dépression.

La dépression réactionnelle

La dépression « réactionnelle » fait suite à un événement. Il s’agit le plus souvent d’un deuil, d’une séparation (divorce, rupture sentimentale), de la perte effective d’un bien, d’un déracinement, d’une atteinte corporelle (hysté­rectomie, amputations de membres, mutilations…). Ces dépressions ne sont pas toujours faciles à distinguer d’un deuil normal. La durée et la permanence de la souffrance, les antécédents personnels ou familiaux, l’importance de la perte (en cas de décès d’enfant par exemple) orientent vers une dépression.

La maniaco-dépression, les dépressions polaires

C’est à E. Kraepelin en 1899 qu’il revient d’avoir établi la maniaco-dépression comme une entité clinique en reliant les deux phases de cette dépression - la mélancolie (pôle dépressif, triste) et la manie (pôle euphorique). Le terme de dépression « bipolaire » a tendance à remplacer celui de maniaco-dépression pour désigner ces dépressions qui se manifestent sur un mode cyclique avec l’alternance de phases de tristesse et de phases d’excitation, séparées de moments où l’humeur est stable. Lorsque le carac­tère cyclique est présent mais qu’il manque un des deux « pôles », la dépression est dite unipolaire.

Ces dépressions peuvent être déclenchées par un conflit familial, un deuil, un surmenage, mais aussi par des événements en apparence heureux : mariage, nais­sance, promotion professionnelle ; elles surviennent parfois sans explication « objective ». Elles sont annon­cées généralement par un ou des signes caractéristiques qu’il est important d’identifier afin d’instaurer aussi rapidement que possible un traitement adéquat, car les crises s’installent rapidement, parfois en deux ou trois jours. Ce peut être un réveil trop matinal, une décision soudaine de voyage, un achat, une manière particulière de s’habiller qui contrastent avec les préoccupations des jours précédents.

Une humeur exaltée, un sentiment de puissance sans frein caractérisent la phase maniaque. Elle attire l’atten­tion par l’absence de fluctuation en fonction de l’envi­ronnement. Tout est possible, rien n’est censé entraver les nombreux projets dont la réalisation ne peut être remise en cause. La fatigue n’est plus perçue, le sujet est sûr de lui, et si peu inhibé qu’il peut, au grand étonnement de son entourage, avoir des gestes déplacés ou une conduite inadaptée, tels qu’un excès de familiarité, un tutoiement soudain, une tenue débraillée, des gesticulations. La pensée et les propos sont émaillés de jeux de mots, de calembours parfois continus, sans possibilité de se concentrer sur un sujet quelconque ni de tenir compte des réactions ou des demandes des autres. Toute introspection est impossible et le sujet paraît coupé d’une partie de lui-même. Le début des crises maniaques est souvent annoncé par une hyperactivité et une insomnie. Dans les formes graves et en l’absence de traitement, elles peuvent avoir des conséquences financières (dépenses inconsidérées et ruineuses), sur la santé (dénutri­tion, déshydratation, insomnie totale conduisant à l’épuise­ment), médico-légales (agression, conflits, états de fureur).

La phase dépressive de la maniaco-dépression, appelée mélancolie, est également impressionnante par la profondeur de la douleur. La pensée est marquée par la culpabilité qui peut aller jusqu’à des idées de ruine, d’indignité, de damnation, mais aussi d’empoisonnement et de persécution. Le sujet est immobile, comme pris de stupeur, pratiquement mutique, replié sur lui-même, le visage figé ou dans un état d’agitation anxieuse diffi­cile à calmer. L’attention et la capacité de concentration diminuent, l’inhibition devient telle qu’il finit par ne plus quitter son lit ou son domicile. La douleur morale est intense, le sommeil altéré, plutôt en deuxième partie de nuit. La mélancolie fut particulièrement bien décrite en 1882 par le psychiatre français Cotard comme un état dépourvu de sensations internes, sans besoin vital à satisfaire. Il appela ces états « syndrome de négation » et ils furent baptisés par la suite et jusqu’à nos jours « syndrome de Cotard ».

Ces dépressions se distinguent des autres dépressions par leur évolution et leur traitement. Leur fréquence est stable, environ 2 % de la population générale en France, et concerne dans les mêmes proportions les hommes et les femmes. Elles débutent habituellement chez l’adulte jeune, vers 30 ans, et évoluent dans 90 % des cas vers des épisodes récurrents, plus souvent à l’automne et en hiver qu’aux autres saisons. Elles s’accompagnent, au moment des crises, d’une modification de la perception du monde extérieur et de soi, pouvant aller jusqu’à l’apparition d’hallucinations.

Il existe un risque vital spécifique de ces dépressions. Pendant la mélancolie, il est lié à la souffrance morale et à la culpabilité qui accroissent le risque suicidaire. En phase maniaque, le danger vient du sentiment de toute-puissance ; le risque d’accident (voiture, voie publique) est augmenté ainsi que les altercations, car l’agressivité est fréquente et exacerbée. Des états graves de déshydra­tation et de dénutrition peuvent aussi être observés.
Le traitement le plus efficace en cas d’accès mélan­colique ou maniaque aigu est la sismothérapie (électro­chocs), suivie par un traitement chimique au long cours avec un régulateur de l’humeur pour réduire le risque de récidive. Le principe d’action de ces médicaments est différent des antidépresseurs habituellement pres­crits, ces derniers utilisés seuls pouvant avoir un effet aggravant sur la maniaco-dépression. Comme dans toute dépression, il est important d’instaurer le traitement rapi­dement, afin de réduire autant que possible les répercus­sions des crises sur la vie des sujets, en particulier au plan professionnel ou familial, et de le poursuivre longtemps dans un but préventif, en raison des risques de récidive.

Le diagnostic reste souvent tardif, dix ans semble-t-il en moyenne après le début des troubles.

La dépression « unipolaire » consiste en une dépres­sion cyclique sans phase euphorique. Son âge de début est plus tardif que pour la forme bipolaire. Bien qu’elle soit considérée comme une variante clinique de la forme bipolaire, les différences de fréquence intrafamiliale suggèrent des déterminismes différents.

La dépression saisonnière

La périodicité au cours de l’année de certaines dépres­sions a déjà été décrite dans l’Antiquité. La dépression saisonnière se définit comme un épisode dépressif réci­divant durant l’hiver, en l’absence d’autres facteurs de stress, avec une rémission complète en période estivale. Cette dépression atypique n’est pas toujours reconnue comme une entité à part entière mais plutôt comme l’accentuation de phénomènes habituels. Dans sa forme spécifique, elle se distingue des formes classiques par une hypersomnie, une tendance à la suralimentation, en particulier sucrée, et une prise de poids plus qu’un amai­grissement. La réponse de ces dépressions à la photothé­rapie permet de faire le diagnostic. Sa fréquence varierait de 2 à 4 % de la population, avec une large majorité de femmes (85 %) ; elle touche aussi les personnes âgées ou handicapées et celles qui ne sortent pas en raison d’un alitement prolongé.

La notion de dépression saisonnière repose sur une hypothèse biologique qui n’exclut pas l’existence d’autres facteurs. Elle est attribuée à l’influence de la lumière sur les organismes vivants et à l’effet sur la chimie du cerveau de l’alternance du jour et de la nuit qui rythme chez les animaux certaines fonctions physiologiques comme le sommeil ou l’activité sexuelle (par exemple chez les oiseaux) ; ce déterminisme n’existe pas chez l’humain dont les rythmes biologiques varient surtout en fonction de l’environnement.

En plus de cette influence extérieure, les organismes vivants possèdent une « horloge interne » ; elle fut démontrée par Jean-Jacques d’Ourtous à Paris en 1729, à partir du mouvement des feuilles d’héliotropes qui se replient au coucher du soleil. Placées dans l’obscurité complète, il observa que les feuilles se refermaient et en déduisit l’intervention d’un facteur dans la plante elle-même. Il fallut attendre deux siècles et la génétique pour montrer que les biorythmes se transmettent selon les lois mendéliennes, c’est-à-dire qu’ils dépendent de gènes (chez l’homme, les gènes Clock et BMAL). Le centre physiologique régulateur de cette horloge orga­nique est localisé dans le cerveau. Les phénomènes corporels périodiques comme le sommeil, le cycle menstruel chez les femmes, la sécrétion des hormones, la température sont sous son contrôle. Bien qu’auto­nome, elle reste sensible à la lumière par l’intermédiaire des cellules présentes dans l’œil et la production d’une hormone, la mélatonine, qui joue un rôle de synchroni­seur biologique.

Le caractère cyclique et saisonnier de certaines dépressions s’expliquerait par une désorganisation des biorythmes provoquée par la diminution de la luminosité sur 24 heures et l’augmentation de la sécrétion de méla­tonine. La photothérapie a pour but de resynchroniser l’horloge circadienne en s’exposant à une lumière dont la composition est particulière (il ne s’agit pas de séances d’UV) ; cela suppose un traitement en centre spécialisé, ou à domicile avec un matériel spécifique. L’intensité lumineuse et la durée d’exposition efficaces sur l’hu­meur sont très variables selon les individus. La photothé­rapie a de multiples effets corporels, sur la température, la fréquence cardiaque, la production hormonale, le sommeil. Partir à la montagne ou au soleil pendant une dizaine de jours en hiver est une alternative agréable au traitement.

La dépression « masquée »

Lorsque l’humeur douloureuse n’est pas au premier plan, elle peut être négligée ou n’être même pas ressentie ; la tristesse ou le ralentissement sont peu importants et les signes psychologiques peu apparents. Les plaintes somatiques sont souvent au premier plan : les maux de tête ou de ventre, une fatigue générale, une impression de faiblesse, une perte d’énergie, des douleurs musculaires, des vertiges, une oppression de la poitrine. Avant que le diagnostic de dépression soit envisagé, ces plaintes doivent faire l’objet d’une investigation somatique. Le caractère des douleurs, leur récurrence, le contexte dans lequel elles surviennent, la personnalité du sujet attirent l’attention du clinicien vers une dépression, confirmée par des bilans qui ne retrouvent pas de cause organique. L’amélioration par un traitement antidépresseur - psycho­thérapie et/ou médicaments - confirme le diagnostic.

Dépression et maladie somatique

Une maladie somatique, lorsqu’elle est douloureuse, chro­nique, invalidante, mutilante ou lorsqu’elle comporte un risque mortel, peut être la cause d’une dépression. Une personne sur deux atteinte par un cancer souffrirait de dépression ou de troubles anxieux, souvent observés également dans les maladies neurologiques (maladie de Parkinson, sclérose en plaques), les troubles hormo­naux, en particulier thyroïdiens (une hypothyroïdie est retrouvée chez 10 à 15 % des déprimés hospitalisés) et surrénaliens qui ont probablement un effet direct sur la régulation de l’humeur. Les infections chroniques, mono­nucléose infectieuse, tuberculose, SIDA, s’accompagnent de fatigues intenses difficiles à distinguer d’une dépres­sion dont elles peuvent également s’accompagner.

De nombreuses études se sont penchées sur le phéno­mène inverse, le risque que feraient courir une dépression (un traumatisme ou un deuil) sur la survenue de mala­dies graves comme le cancer. La dépression s’accompagne d’une modification des fonctions organiques, en parti­culier hormonales (hormones thyroïdiennes, cortisol) et immunitaires, dans des proportions assez proches de celles des situations de danger ou de stress. Les effets de ces changements sur le corps sont difficiles à mesurer, mais aucun lien spécifique n’a pu être démontré entre la dépression et la survenue d’une maladie. Les études prospectives ne montrent pas plus de cancer ni de morta­lité par cancer chez les déprimés que dans la population générale. Une étude expérimentale sur les infections rhinopharyngées a cependant permis d’observer que si la dépression ne rend pas plus vulnérable à un virus (les non-déprimés s’infectent tout autant), les signes de l’in­fection paraissent plus intenses en cas de dépression.

Certaines théories psychosomatiques penchent cepen­dant vers un effet protecteur des fonctions psychiques vis-à-vis des traumatismes ; en intégrant les sensations et les émotions, elles constitueraient un écran au stress dont bénéficierait l’ensemble de l’organisme ; une immaturité trop grande (chez le bébé), l’altération de ces fonctions, un excès traumatique rendraient plus aléatoire la dissolu­tion de ces tensions et favoriseraient leur décharge sous la forme d’une atteinte organique.

Chez les seniors

La dépression est fréquente chez les personnes âgées (de 15 à 30 %). Sa fréquence augmente de 35 à 40 % en cas d’hospitalisation ou de vie en institution (foyers, maisons de retraite). Cette dépression est attribuée à l’évolution due à l’âge, le vieillissement modifiant les investisse­ments qu’ils soient corporels ou relationnels, familiaux et professionnels, auxquels se surajoutent des épreuves comme la perte des proches, celle de l’autonomie ainsi que la plus grande proximité de la mort. Chacun aborde ces souffrances existentielles en fonction de sa personna­lité, de ses croyances, de son état de santé, mais aussi de l’environnement (présence d’enfants, liens sociaux, atten­tion de l’entourage) qui rendent plus ou moins facile le cours de la vieillesse.

Ces dépressions sont ignorées dans près de la moitié des cas et les symptômes confondus avec ceux du vieillissement, sans doute en raison des représentations que l’on se fait de cette période de la vie. Les plaintes corporelles et l’anxiété sont souvent au premier plan. Mais la perte d’intérêt pour la vie et le renoncement à rechercher du plaisir, la tristesse et le ralentissement, les troubles de l’attention, un repli sur soi ou des changements de caractère à type d’irritabilité sont bien caractéristiques de la dépression. Les fréquentes altérations cognitives, de la mémoire, du cours de la pensée peuvent faire penser, à tort, à une démence débutante.

Grossesse et dépression : la dépression du post-partum

La naissance d’un enfant est un moment de mobilisation psychologique importante chez les parents. Les cognitivistes rejoignent sur ce point les théories psychanalyti­ques et considèrent la maternité comme un moment de crise, une période de surcharge d’informations qui peut déborder les capacités de mentalisation du sujet ; elle accompagne la transformation familiale et les modifica­tions de la généalogie.

La dépression du post-partum (DPP) a été décrite par Marcé en 1858 dans un traité intitulé De la folie des femmes enceintes qui distingue les « accidents nerveux » survenant pendant les huit à dix premiers jours après la délivrance (actuel « blues » du post-partum) et ceux qui se dévelop­pent vers la cinquième ou sixième semaine (actuelle DPP). Il faudra attendre 1968 pour que Pitt caractérise cette dépression particulière définie aujourd’hui comme un épisode dépressif survenant dans la première année du post-partum. On estime actuellement à 15-20 % des accouchées l’incidence de cette dépression dont les signes apparaissent de 6 à 8 semaines après la naissance. Elle suit un cours plutôt favorable de 3 à 6 mois avec des excep­tions qui s’installent plus durablement ; près de la moitié des mères seraient quand même toujours déprimées un an après. Elles récidivent en proportion non négligeable (30-50 %) lors d’une grossesse ultérieure.

Ces dépressions souvent méconnues et peu traitées se présentent sous une forme peu spécifique : une tris­tesse qui s’aggrave le soir, une irritabilité, des reproches adressés au conjoint, un endormissement difficile, des cauchemars. Dans la journée les femmes se plaignent d’une lassitude physique et intellectuelle, voire d’un véritable épuisement qui peut paraître fondé lorsque le bébé pleure ou dort mal. L’anxiété porte sur le nouveau-né ; la crainte d’être une mauvaise mère conduit à multiplier les consultations médicales. Ces signes d’ap­parition progressive ne sont pas toujours faciles à distin­guer d’un « blues du post-partum ». Les traits spécifiques de la dépression sont néanmoins présents : la perte des intérêts habituels, du désir sexuel, les troubles de l’at­tention, de la concentration. Le ralentissement psycho­moteur est peu fréquent. Les idées suicidaires sont rares mais l’entourage doit être alerté de ce risque par une mère qui se sent inutile.

Les DPP sont souvent ignorées pour des raisons qui tiennent à la période dans laquelle elles apparaissent. Leur caractère atypique les a fait qualifier de dépres­sions « souriantes » et répertorier comme des dépressions mineures. L’expression et la reconnaissance de la DPP se heurtent, chez les mères comme dans leur entourage, à l’impératif de bonheur dont la naissance d’un enfant s’accompagne habituellement. Éprouver de la détresse ou une absence de joie à ce moment-là est vécu avec culpabilité ; se blâmant elles-mêmes, elles n’osent ni en parler ni demander de l’aide.

Existe-t-il des facteurs de risque d’une DPP ? Les résultats des observations sont variables. Ni le déroule­ment de la grossesse et de l’accouchement ni le nombre de grossesses ne semblent en cause. L’âge non plus, sauf pour les grossesses non prévues, tardives ou à l’adoles­cence ; environ un quart des adolescentes devenues mères seraient en effet déprimées. En revanche, le fait d’avoir déjà fait une dépression, des événements traumatiques ou une maltraitance pendant l’enfance consti­tuent des facteurs fragilisants. Mais le plus important reste les conditions de vie, et le climat affectif et social qui entoure la naissance du bébé. La fréquence de la DPP double (23,4 %) dans les populations économique­ment défavorisées. Elle est accrue par le fait de ne pas retrouver son emploi après le congé de maternité. L’iso­lement est déterminant ; ce n’est pas tant la situation conjugale, célibat, séparation ou divorce, qui importe­rait que le caractère rassurant de l’entourage, la possibi­lité de se confier et de confier le bébé en cas de reprise du travail, un soutien moral et matériel et la relation de la mère avec sa propre mère.

Des hypothèses biologiques ont été avancées pour expliquer ces dépressions, comme les hormones sexuelles (œstrogènes, progestérone) dont les taux chutent bruta­lement dans les heures qui suivent l’accouchement. Mais leur rôle n’a pas été confirmé. En revanche, l’hormone thyroïdienne est en cause chez environ 5 % des mères du fait d’une hypothyroïdie transitoire dans la première année qui suit l’accouchement.

Les DPP s’annoncent-elles pendant la grossesse ? Les réponses sont contradictoires. Pour certains, de 10 à 20 % des DPP seraient précédées d’une dépression anténatale dont la fréquence varie elle-même considé­rablement d’une étude à l’autre, de 3,5 % à 27,6 % des femmes enceintes. Pour d’autres, il n’existerait aucun lien entre elles.

La dépression du post-partum et ses effets sur les relations mère-enfant

Depuis les années 1980, de nombreuses études se sont intéressées aux relations entre les mères déprimées et leurs bébés. Une situation expérimentale a constitué un événement dans ce domaine, le protocole dit de « still face » établi par Tronick en 1978 et au cours duquel il est demandé à la mère de demeurer sans réaction face à son nourrisson durant trois minutes. Le bébé réagit en cherchant à attirer l’attention de sa mère, en parti­culier par le regard ; lorsque ses tentatives restent sans réponse, il se détourne d’elle, l’expression de son visage se ferme, son corps s’affaisse puis il essaie de nouveau ; après plusieurs tentatives infructueuses, il abandonne, se retire de l’échange et maintient ce comportement d’évitement même après le retour à la normale de celui de sa mère. Les observateurs ont conclu à un effet désorganisateur de cette situation sur le bébé. L’expérience de still face n’est cependant plus considérée comme un exemple typique de la dépression maternelle mais plutôt comme une expérience de lâchage, plus traumatique. Les rela­tions avec une mère déprimée sont davantage marquées par une pauvreté des interactions.

Les échanges entre une mère et son bébé sont parfois désignés par l’expression d’« accordage affectif » ; l’en­semble des sens y participe, l’ouïe et la voix avec ses modulations, les gestes, les contacts corporels, le regard, les odeurs. Cet « accordage » avec l’enfant est modifié lors des dépressions maternelles : les interactions sont discontinues, les contacts moins fréquents ; les mères sont moins attentives, plus irritables, moins souriantes. Elles parlent moins de leur bébé à l’entourage, font peu de commentaires sur lui. Mais elles restent dans l’en­semble sensibles aux sollicitations de celui-ci par des sourires ou des gazouillis.

Quelles sont les conséquences sur les enfants ? À 8 mois, il n’y aurait pas de différence globale avec d’autres enfants du même âge ; ces bébés sont actifs, avec un bon tonus, et sans signe spécifique de détresse. Mais des observations plus fines montrent que leurs interactions avec les adultes sont plus discontinues que celles des autres bébés. À 18 mois, ils sont moins communicatifs, proposent moins d’échanges vocaux et visuels, sont moins souriants et jouent davantage seuls. À 2-3 ans, ils font preuve de ce qui a été appelé un attachement insecure, c’est-à-dire une réactivité parti­culière à l’absence de leur mère ; lorsqu’ils la retrou­vent après une séparation, plutôt que de manifester leur joie, ils cherchent à l’éviter ou s’opposent à elle. Certains enfants présentent aussi des troubles de l’at­tention et un retard des acquisitions, aggravés par une mauvaise situation socio-économique parentale ou des conflits familiaux récurrents. Les auteurs qui se sont intéressés à cette question montrent un développement à 3-5 ans plus satisfaisant en milieu aisé qu’en cas de précarité sociale, et les mères déprimées - mais en situa­tion sociale confortable - présentent moins de troubles sévères de la communication avec leur bébé.

L’effet d’une dépression pendant la grossesse sur l’enfant et son environnement, le « climat intra-utérin », reste hypothétique. Biologiquement, les monoamines qui agissent sur le placenta et sur le fœtus auraient comme conséquence possible la nais­sance de bébés plutôt petits et irritables. Mais faire la part de ce qui reviendrait à la dépression ou à d’autres altérations placentaires, en particulier circulatoires, à un tabagisme, à l’usage de drogues ou à de mauvaises conditions de vie, n’est pas aisé.

Dépression maternelle et troubles somatiques du nourrisson

Une plus grande fréquence des troubles du sommeil ou des conduites alimentaires a été observée chez les enfants de mère déprimée. Elle a donné lieu à des hypothèses psychosomatiques sur une « protection psychique » mater­nelle insuffisante. Les tensions éprouvées par le jeune enfant auraient tendance, du fait de son immaturité, à se décharger sous forme somatique ou comportementale. Un mauvais sommeil ou les troubles alimentaires d’un bébé peuvent attirer l’attention vers une détresse mater­nelle, sans exclure d’autres causes possibles.

Les pères

Environ 10 % des pères en post-natal seraient déprimés. Les signes sont ceux de la dépression : tristesse, irritabi­lité, diminution du désir sexuel, difficulté à s’endormir, tension douloureuse, idées pessimistes et exacerbation de symptômes névrotiques comme les phobies. Dans les formes sévères, une modification du comportement peut être observée : violences, alcoolisation ou départ du domi­cile. Les études réalisées semblent montrer que l’humeur des pères dépend pour beaucoup de l’état psychologique de la mère ; environ la moitié d’entre eux sont déprimés lorsque leur compagne l’est aussi. D’autres facteurs de risque sont rapportés : des antécédents de dépression, un contexte professionnel difficile comme le chômage, un conflit grave dans le couple. Les dépressions pater­nelles sont généralement décalées par rapport à celles des mères, plus tardives, et leur évolution se fait, comme pour celles-ci, vers l’amélioration.

La prévention de la dépression du post-partum

La DPP est l’une des rares dépressions à bénéficier d’une véritable possibilité de prévention. En Grande- Bretagne, les visites au domicile des parents par des professionnels (Health visitors), avant et après l’accouche­ment, pour apprécier la situation familiale, dispenser des conseils hygiéno-diététiques et un soutien psychologique, constituent un rempart efficace contre la dépression maternelle. La participation à un groupe de prépara­tion à l’accouchement a également un effet protecteur ; ce groupe permet de se familiariser avec le moment de la naissance. Les parents y trouvent un soutien dans un climat convivial, ainsi que de nombreux conseils prati­ques grâce aux échanges avec les autres parents et les sage-femmes assurant ces préparations. Les mères béné­ficiant en salle de travail d’un soutien affectif ont moins de risque de DPP. Ce soutien n’est pas vraiment efficace lorsqu’il est dispensé par le père de l’enfant, vraisembla­blement en raison de son anxiété et de son émotivité à ce moment-là. Un accompagnement compétent et bien­veillant, du début de la grossesse aux six premiers mois qui suivent l’accouchement, permettrait une diminution de moitié de l’incidence des DPP.

Le blues du post-partum

Le blues du post-partum ou syndrome transitoire du post-partum touche, selon les études, de 30 à 80 % des accouchées. Il se caractérise par une modification sans gravité de l’humeur, survenant dans les heures qui suivent la naissance, typiquement entre le troisième et le dixième jour, par des crises de larmes, une irritabi­lité ou de l’agressivité envers les proches et les soignants, une hypersensibilité au moment du départ des uns ou des autres ; l’humeur est changeante, passant du rire aux larmes. Il dure habituellement de 12 à 24 heures. Comme dans la DPP, l’anxiété est présente, centrée sur le bébé ou les autres enfants. Dans les formes sévères, les mères se sentent « bizarres », présentent des troubles de la mémoire et ont du mal à se concentrer ; l’apparition d’une confusion, un sentiment d’étrangeté à l’égard de leur corps ou de celui du nouveau-né doit faire envisager l’entrée dans un processus psychiatrique plus grave ou faire rechercher un problème somatique.

Ce phénomène transitoire serait la conséquence sur le cerveau de la chute rapide des œstrogènes et de la progestérone après la naissance. Il a aussi été attribué à la nécessité de s’adapter en quelques heures à une nouvelle réalité, au renoncement à la grossesse, à un nouvel état corporel, à la présence du bébé, et au changement de « statut social » que la maternité entraîne.

Le blues ne requiert pas de traitement particulier, mais une attention, un soutien et une surveillance.

L'enfant déprimé

La fréquence des dépressions chez l’enfant varie selon les études de 1,8 à 25 %. Les épisodes dépressifs majeurs sont rares et ils ne sont pas toujours identifiés par les parents ; les adultes extérieurs à la famille, comme les enseignants ou les amis, y paraissent parfois plus sensi­bles sans oser toujours en faire la remarque. La dépres­sion ayant été décrite chez l’adulte, son évaluation chez l’enfant est un exercice délicat qui demande une rigueur particulière. En effet, l’humeur douloureuse et l’inhi­bition ne sont généralement pas au premier plan ou se manifestent de manière changeante. Il est rare qu’un jeune se plaigne directement de sa détresse ; il ne l’iden­tifie souvent pas lui-même clairement et, si c’est le cas, craint de ne pas être compris ; il peut être retenu par la culpabilité quand il est à l’origine de disputes familiales, ce qu’il exprime par l’impression que « tout ce qui arrive est de sa faute », qu’il « déçoit tout le monde ».

La plupart des signes considérés comme des équiva­lents dépressifs dans l’enfance n’ont rien de spécifique et peuvent se rattacher aussi bien à des étapes du dévelop­pement qu’à d’autres troubles. Certaines périodes de l’en­fance sont des périodes naturellement anxieuses ; en très peu de temps, l’enfant vit des changements importants : acquisition de l’autonomie motrice et de la propreté qui établit une séparation avec la mère, apprentissage du langage, attribution d’un sens aux mots, aux choses et aux émotions, élaboration de la différence des sexes, de la différence des générations, de la temporalité, découverte de la mort, inscription dans une filiation, entrée dans un ordre symbolique. Ainsi l’énurésie (le « pipi » au lit ou dans la culotte en journée), les troubles du sommeil, l’anorexie ou la boulimie, les échecs scolaires, les troubles psychosomatiques peuvent tout autant participer à ces changements, signaler une menace dépressive, ou avoir d’autres causes.

La dépression chez l’enfant ou l’adolescent prend des formes diverses. L’inhibition est interprétée parfois comme de l’indifférence, de l’apathie ou tout simplement de la docilité. Le ralentissement psychomoteur, considéré comme un symptôme-clé chez l’adulte, est rarement au premier plan. Chez les très jeunes enfants, il peut exister une réduction des apprentissages et du développement ; avec l’âge, la tendance est plutôt à l’agitation et au passage vers des conduites délinquantes qui constituent davantage un déni de la souffrance qu’un « équivalent dépressif » selon l’expression souvent utilisée. Les enfants ou les adolescents s’isolent aussi dans leur chambre pour pleurer, y restent immobiles et inertes pendant de longs moments. Si de tels instants ne signifient pas nécessaire­ment une dépression lorsqu’ils alternent avec des jeux, un bon investissement familial, amical et scolaire, leur répétition, leur prolongation, la tendance au repli et à la solitude doivent attirer l’attention.

La dépression chez l’enfant comporte deux enjeux de taille : celui du développement cognitif et affectif, et la tendance à se mettre en danger, en particulier à l’ado­lescence ; les accidents sont la première cause de décès entre 15 et 24 ans, suivis par le suicide. Chez les très jeunes, il n’est pas rare d’observer en consultation des enfants monter sur les tables, sur des chaises en équi­libre, faire des chutes répétées dont ils se plaignent peu ; ces conduites s’arrêtent lorsqu’ils font l’expérience que d’autres modes d’expression existent pour communiquer leur angoisse ou leur détresse. Ces comportements sont parfois minimisés par l’entourage qui n’y remarque rien d’inquiétant ; l’agitation peut même être valorisée par des parents ou des grands-parents qui y voient, chez des enfants sachant à peine marcher, une preuve d’« auto­nomie », de « vitalité » ou de « précocité ».

Les troubles de l’attention ou des conduites qui ont parfois tendance à être intégrées dans le vaste champ des dépressions bipolaires relèvent rarement chez l’enfant des mécanismes psychopathologiques de la maniaco-­dépression.

Les causes de dépression chez les plus jeunes sont variées ; le sentiment d’insécurité affective et l’absence des êtres aimés y tiennent un rôle primordial. Ils peuvent être liés à une authentique maltraitance, à une dépres­sion parentale, à un événement atteignant la famille, ou simplement à des traits de personnalité des uns ou des autres. Ces différents facteurs peuvent avoir des effets à long terme et favoriser une dépression à l’âge adulte ; mais celle-ci n’est pas un destin inéluctable. Des études prospectives ont montré que dans les familles où les parents souffrent de dépression (considérée comme un facteur de risque pour l’enfant devenu adulte), il n’y aurait pas plus de dépression chez eux que dans l’en­semble de la population, si la dépression parentale a été traitée et s’est améliorée.

Ignorée, la dépression chez les plus jeunes peut avoir des conséquences durables sur le développement, l’orga­nisation de la personnalité, les investissements sociaux et affectifs.

Le bébé

Le nourrisson et le très jeune enfant ne peuvent ni décrire ni nommer ce qu’ils ressentent. Parler de dépres­sion à leur propos résulte donc de l’interprétation par un tiers de leur attitude. Décrite dans la période de l’après-guerre (celle de 1939-1945) par Anna Freud à Londres et René Spitz aux États-Unis, la dépression du nourrisson a été observée chez des jeunes enfants brus­quement séparés de leurs mères et placés en poupon­nière. R. Spitz nomma en 1945 « dépression anaclitique du nourrisson » ou « hospitalisme » l’état de ces enfants peu sollicités affectivement. Après une période de pleurs, ils gémissent, maigrissent, leur développement intellectuel puis moteur s’interrompt, ils refusent le contact, ne dorment plus et finissent par rester à plat ventre, éveillés et immobiles dans leur lit. Le ralentis­sement est dominant avec une pauvreté des initiatives motrices (le bébé ne cherche pas à atteindre un objet attrayant).

Sans atteindre ces cas extrêmes, le bébé déprimé est un bébé inhabituellement calme. Les parents se souviennent de lui comme d’un enfant facile, ne posant pas de problème ; ce calme est en réalité un repli dont témoigne l’absence de manifestations d’éveil et de jeux propres à son âge ; ce calme peut aussi alterner avec de l’agitation et une tendance à se stimuler ou se calmer par des mouvements de balancement. Le visage présente une expression sérieuse et, chez les plus grands, l’inhi­bition peut se traduire par des comportements particu­liers comme l’absence de geste d’anticipation protectrice (mettre la main en avant pour se protéger en cas de chute). Avec le temps, l’irritabilité et l’agitation tendent à prendre le dessus. Le retard des principales acquisi­tions psychomotrices, et plus tard celui de l’acquisition du langage, peuvent à tort faire croire à un déficit intel­lectuel.

Le jeune enfant (3-5 ans)

Le jeune enfant exprime souvent sa tristesse de manière furtive ou inattendue et il croit que les adultes savent mieux que lui ce qu’il éprouve. Tout en essayant d’at­tirer l’attention, il attend généralement de l’adulte qu’il remarque son découragement dont il tente de donner une explication plausible : disputes avec un autre enfant, perte d’un jouet, une maîtresse « méchante ». L’enfant jeune, lorsqu’il se sent mal, s’exprime de manière privi­légiée par le corps ; il peut devenir turbulent, instable et faire alterner des sollicitations affectives exaspé­rantes pour l’entourage et un rejet violent quand on lui porte de l’attention ; il est un éternel mécontent, ce qui constitue parfois une véritable épreuve pour les parents. Des balancements prolongés, une masturbation fréné­tique sont évocateurs de sa difficulté à communiquer et à apaiser une tension interne.

L’insomnie, la difficulté à s’alimenter, l’agitation sont à évaluer en fonction du contexte, de leur durée et de leur retentissement sur le climat familial. D’une manière générale, un état dépressif à cet âge est souvent méconnu par l’entourage qui consulte généralement pour un prétexte somatique, maux de ventre, insomnie.

L'enfant plus âgé

L’enfant déprimé entre 6 et 13 ans oscille entre un pôle « dépressif » qui se manifeste par un repli, un désinvestis­sement, une indifférence aux apprentissages scolaires, une autodépréciation, une fatigabilité, des plaintes diverses, et la protestation par des colères, des vols, des mensonges, des attitudes agressives ou hostiles. On retrouve aussi les signes habituels de la dépression : troubles du sommeil, trouble de l’appétit, perte de poids, ennui, modifica­tion de l’humeur. L’inhibition peut prendre des formes trompeuses comme une docilité excessive, un retrait des activités communes ou des relations amicales, un décou­ragement récurrent (« je n’y arriverai pas », « j’ai encore raté »…). C’est parfois l’enseignant qui s’inquiète d’une chute des résultats scolaires ou d’un élève distrait, pas concerné, « absent ».

L'adolescent

Il est habituel que les adolescents soient moroses ; on pourrait même dire qu’il n’y a guère, dans nos sociétés, d’adolescence sans vague à l’âme, bouderie, mauvaise humeur ; l’adolescent se plaint d’ailleurs régulièrement de vivre un « ennui mortel ». Ces états accompagnent l’éloignement de l’enfance et l’entrée progressive dans l’âge adulte qui suppose l’émergence de la sexualité, la reconnaissance des liens sociaux et générationnels, la séparation d’avec les parents, la projection dans le futur, l’affirmation d’une identité. Cette période de tension psychologique peut mettre à jour des troubles inaperçus. En ce qui concerne la dépression, les signes sont proches de ceux de l’adulte : l’autodépréciation et l’isolement, l’inhibition peut prendre la forme d’une docilité ou d’un conformisme excessif témoignant de son désir de bien faire et de plaire, l’entourage igno­rant parfois complètement les moments de solitude et de détresse sur lesquels le jeune répugne à se confier. Les plaintes somatiques occupent souvent le devant de la scène : maux de tête, fatigue, maux de ventre, de dos. Enfin, les conduites de révolte, d’opposition, fugues ou addictions appartiennent au cortège des signes associés et aux moyens que se donne l’adolescent pour exprimer et résoudre le malaise qu’il éprouve. Elles sont souvent assorties d’une chute des résultats scolaires et d’une tendance à éviter la famille.

La consommation de drogues

La consommation de drogues est un phénomène relativement courant qui peut se compliquer d’une dépendance et être associé à des troubles psychologi­ques graves, une désocialisation, une altération de la santé. Les drogues ont toutes des effets cérébraux sur l’humeur et sur la pensée. C’est la raison même de leur utilisation : disparition de la sensation de fatigue avec les amphétamines, stimulation intellectuelle avec la cocaïne, détente et euphorie avec le cannabis, désinhibition, productions proches du rêve, halluci­nations, mais aussi recherche de convivialité, rupture du sentiment d’isolement, désir de transgression. Leur consommation et leur type varient selon les cultures et les époques ainsi que le milieu de vie, social ou professionnel.

Le lien entre la toxicomanie et la dépression a été largement étudié par des sociologues, des psychologues et des biologistes. Sur le plan psychologique, il est reconnu à certaines personnalités une difficulté, voire une impossibilité d’affronter les situations comme la solitude, les frustrations et l’ambivalence ou les incer­titudes affectives ; cette fragilité pourrait favoriser certaines conduites addictives. À l’adolescence celles-ci peuvent témoigner d’un mal-être, mais aussi d’un phénomène de mode ou de rituels initiatiques, de l’ex­ploration de diverses sensations. Lorsque la dépendance s’installe avec les drogues « dures » comme l’héroïne, l’ecstasy ou le crack, il existe un danger vital par over­dose, contamination infectieuse, mais aussi d’épuise­ment psychique et physique lié à la modification des rythmes biologiques, à la dénutrition, au stress et à la violence qui accompagnent la recherche du toxique. La prise de drogues peut s’accompagner d’angoisse (c’est un effet connu des premières prises de cannabis) et d’états dépressifs lors de la « descente » liée à la dispari­tion dans l’organisme des excitants ou des euphorisants (amphétamines, cocaïne, ecstasy).

La consommation excessive de médicaments psycho­tropes dans les pays occidentaux, son caractère « socia­lisé », voire encouragé, ont conduit à la considérer comme une forme d’addiction et de dépendance trans­mises culturellement. Sur un plan strictement biolo­gique, il est classique de dire que les antidépresseurs, à la différence de certains anxiolytiques et de certains somni­fères, ne créent pas de dépendance (il n’existe pas d’état de manque biologique à leur arrêt) ; la pratique montre cependant que leur arrêt a des effets qui peuvent occa­sionner une dépendance psychique. Peu d’études scien­tifiques se sont pourtant intéressées à leurs effets à long terme.

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Source : Clarisse Fondacci







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Pascal Patry
Praticien en psychothérapie
Astropsychologue
Psychanalyste

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