Le dévoilement de soi et la relation thérapeutique

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Le dévoilement de soi et la relation thérapeutique

Pascal Patry astrologue et thérapeute à Strasbourg 67000
Publié par Pascal Patry dans Psychothérapie · 25 Novembre 2023
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Le développement du soi du thérapeute

L’attention au développement du Soi de celui qui conduit une psychothérapie en profondeur naît dès l’époque de Sigmund Freud (1910), et de ses attentes que les candidats à la psychanalyse se soumettent à une analyse personnelle propre, comme faisant partie de leur formation.

Nous pouvons affirmer que cette tradition a persisté avec cohérence et continuité pendant plus d’un siècle dans le monde psychanalytique. Nous avons déjà décrit les controverses à propos de la formation person­nelle du thérapeute familial.

Dans ce chapitre, nous nous intéresserons à celui qui, comme l’auteur, a embrassé une approche humaniste du soin des troubles psychologiques et mentaux, et a placé l’utilisation du Soi du thérapeute comme élément central de la relation thérapeutique et des transformations de la famille. Il est notoire que, à partir des années soixante-dix, Virginia Satir et Cari Whitaker ont été les représentants les plus influents d’une approche humaniste, visant à potentialiser les aspects positifs et vitaux de l’individu comme du système familial (Gurman & Kniskem, 1991).

Représentants émi­nents de la thérapie symbolique-expérientielle, ils avaient des tempéraments et des modalités très différentes dans l’utilisation de leur propre Soi. Satir était centrale, pleine de sentiments, à la recherche du contact physique et d’une utilisation dynamique de l’espace thérapeutique (Haber, 2002). Whitaker était plus détaché ; il observait les interactions depuis une position périphérique, en recourant souvent à l’humour jusqu’à l’absurde (ses idées folles) et au self-disclosure (« dévoilement de soi »). Mais tous les deux voyaient dans la crois­sance humaine la fonction primaire de la psychothérapie.

La thérapie, affirmait Satir, est une expérience profonde, intime et vulné­rable, qui réclame une grande sensibilité dans la rencontre entre l’essence la plus humaine du thérapeute et celle de celui qui lui demande de l’aide. Justement en raison de ceci, il est nécessaire que les thérapeutes aient résolu leurs problèmes, ou au moins soient conscients de ceux encore ouverts avec leurs propres familles d’origine, afin d’acquérir un équilibre et une congruence qui permettent d’entrer en relation avec les patients, sans recourir à des méca­nismes projectifs (Satir, 1987). Le modèle de Satir (Satir et al., 1991) propose quatre objectifs pour le développement du Soi du thérapeute, qui peuvent être atteints grâce à un training adéquat :

1. augmentation de l’estime de soi, qui inclut aussi le savoir prendre soin de soi ;

2. capacité d’avoir plus de choix et une plus grande liberté, « en écoutant avec son oreille interne, et en regardant avec son œil interne » (ce phénomène que Satir appelait attention intérieure), en ayant une per­ception positive du monde ;

3. croissance de son propre sentiment de responsabilité dans les réponses de façon empathique, transparente et non jugeante aux besoins des patients ;

4. développement de la congruence : pour Satir, ceci est l’élément clé pour établir des relations thérapeutiques vraiment authentiques. Le premier niveau de congruence est d’accepter et de donner de la valeur à ses propres sentiments ; le second est de réussir à être en harmonie avec soi-même, avec les autres et avec le monde ; alors que le troisième consiste en la capacité à se connecter avec l’énergie vitale des autres à un niveau spirituel.

Il est indiscutable que Satir, dès les années soixante-dix, a incorporé les bases de ce mouvement spirituel qui, partant du bouddhisme et de la philosophie orientale, a pris corps dans les temps plus modernes dans le monde occidental avec le terme de mindfulness (« pleine conscience ») (Toile, 2004 ; Kabat-Zinn, 2018 ; Germer et al., 2013). Le bonze vietnamien Nhat Hanh en est considéré le père ; et à travers son enseignement et ses livres, parmi lesquels Your True Home (Nhat Hanh, 2011), cette forme de méditation a connu une diffusion extraordinaire, en montrant une grande efficacité tant dans le maintien de la santé physique et mentale que dans de nombreuses affections médicales et psychologiques.

Whitaker, en s’utilisant soi-même comme modèle, se propose tantôt comme mère tantôt comme père symbolique, utilisant la métaphore du parent adoptif. Il exhorte le thérapeute à passer du faire, et donc de l’utilisation et de la prédominance des techniques, à être thérapeute.

À propos de son Soi intérieur, il s’exprime ainsi : « Je mets en scène la partie que les membres de la famille en thérapie représentent dans ma famille, en interprétant ce Moi dans les termes du père, de la mère ou du fils adolescent de la famille. J’agis de fait mon intériorisation personnelle de chacun de ces rôles, déclenchant un pro­cessus de soin. »

Et encore : « En me syntonisant sur moi-même (my core self) en présence d’un autre (la famille) qui se syntonise sur son propre Soi, se crée une forme d’intimité spéciale, une influence réciproque comme dans un jeu paral­lèle » (Keith, 2015). Les objectifs tracés par Satir et Whitaker, qui vont bien au-delà de l’idée de traiter des symptômes ou de modifier des comportements dysfonctionnels, nous montrent combien il est essentiel d’explorer les modali­tés avec lesquelles les thérapeutes peuvent apprendre à s’utiliser eux-mêmes en thérapie comme agents de changement, avec une conscience et une efficacité toujours plus grandes.

Tout ceci nécessite une formation qui entraîne le thérapeute à construire une interaction et une synergie entre Soi professionnel et Soi person­nel, dont l’articulation forge son identité (Aponte, 1994 ; Haber, 1994 ; Timm & Blow, 1999 ; Robert, 2017).

Gritti et Canevaro (1995) nous parlent de choix de vocation et d’identité du thérapeute familial. Ils décrivent l’en­trelacement complexe qui connecte l’identité du thérapeute de la famille et son style thérapeutique avec le choix de vocation qui en est la source, et avec le scénario familial qui en est la racine. Le Soi personnel est alimenté par l’harmonie entre le sentiment d’appartenance à sa famille d’origine et à son contexte culturel, et les liens horizontaux formés par sa famille actuelle et par les systèmes de ses amis et de son travail. Le Soi professionnel se déve­loppe à partir de ses études universitaires, de la formation spécifique reçue dans une école jusqu’à comprendre petit à petit son réseau professionnel et institutionnel. Non moins important dans la construction de son identité professionnelle est l’apport des patients et des familles, qui, avec leur engage­ment, leurs motivations et leurs transformations, ainsi qu’au travers de leurs feed-back à distance, donnent substance et épaisseur à sa propre personne thérapeutique.

Ce qu’affirme Minuchin à 95 ans est révélateur à cet égard : « En plus de ma compréhension de l’art de la thérapie, les concepts associés d’appartenance et d’acquisition de Soi multiple ont pris une importance toujours plus grande dans mon travail au fil des ans.

Les systèmes auxquels nous appartenons, les diverses cultures et les pays d’origine dont nous provenons nous donnent le sens de qui nous sommes ; ils nous font nous sentir acceptés et ils représentent la voie d’accès à l’expérience des identités multiples. » (Minuchin, 2017)

Dans cette carte complexe d’interactions, une importance fondamentale est prise par les événements et par les adversités de la vie qui scandent l’aventure humaine et professionnelle du thérapeute, concourant à en définir l’iden­tité, le projet existentiel et la dimension spirituelle.

Un représentant éminent de la psychothérapie existentielle est Irvin Yalom (1980), qui a dédié toute sa vie professionnelle à préserver une approche humaine et solidaire de la souffrance psychologique. Dans le cadre de la psychothérapie individuelle d’orientation psychodynamique, il a ouvert une brèche à l’utilisation d’un langage inusuel comme celui du « Don de la thérapie » (Yalom, 2002) et des mots amour et compassion. Dans son livre Comment je suis devenu moi-même (2017), il s’exprime ainsi : « Je sais que j’expérimente régu­lièrement l’amour et la compassion dans mon travail de thérapeute, et que je fais tout ce que je peux pour aider les patients à libérer leur amour et leur géné­rosité à l’égard des autres. »

Comme Minuchin, Whitaker, Aponte, Andolfi et d’autres innovateurs de la première génération, il a eu recours à un langage provocateur, en disant à ses étudiants universitaires exactement l’opposé de ce qu’ils s’étaient entendu enseigner dans les programmes de formation d’orien­tation comportementale. « Évitez le diagnostic, créez une nouvelle thérapie pour chaque patient, laissez le patient être important pour vous, soyez vrais. » (Yalom, 2017)

Aponte, reprenant une métaphore qui provient de figures mythologiques de la Grèce antique, utilise l’expression wounded healer (la traduction littérale en français serait « guérisseur blessé » ) pour décrire le pouvoir des expériences du thérapeute, tant dans la thérapie que dans la formation (Aponte & Kissil, 2016).

Il se réfère en particulier aux expériences défavorables de la vie, qui amènent le thérapeute à développer une sensibilité et une empathie uni­verselle envers les souffrances des autres ; à partir de ses blessures, une fois cicatrisées, émerge la capacité d’offrir la valeur de ces expériences de vulné­rabilité personnelle pour le soin des autres. Ces expériences deviennent alors une source de connaissance, et permettent de reconnaître et d’entrer dans une relation empathique avec les souffrances apportées en thérapie par les indivi­dus et les familles.

Le dévoilement de soi et la relation thérapeutique
Le « dévoilement de soi » (nous utiliserons la traduction française de l’expres­sion anglaise self-disclosure, amplement utilisée au niveau international) relève de ces attitudes du thérapeute destinées à faciliter la relation théra­peutique, et à favoriser un échange plus authentique et transparent avec les membres de la famille.

Des fragments de vie personnelle du thérapeute, des expériences passées, des croyances et des valeurs éthiques, des dilemmes émo­tionnels, des échecs ou des réussites, des peurs ou même des rêves peuvent être dévoilés en séance. Le but est d’entrer en syntonie avec des contenus aussi personnels, et parfois conflictuels ou douloureux, exposés par la famille, et au travers du partage d’une expérience authentique, de favoriser un chan­gement.

Une autre forme de dévoilement de soi consiste pour le thérapeute à communiquer des impressions ou à faire des associations avec des situations thérapeutiques qui concernent d’autres familles suivies par lui en thérapie, à d’autres périodes historiques ou dans d’autres contextes.

Ceci a pour but de déplacer l’attention et la curiosité de tout le monde sur des événements qui, même s’ils leur sont étrangers, contiennent des éléments de ressemblance avec la thérapie en cours. Dans la mesure où l’on arrive à déplacer le focus de l’attention, il sera plus facile de dépasser les résistances et de favoriser des réflexions plus ouvertes sur la réalité actuelle.

Pour que ce type de dévoilement profondément humain et confidentiel puisse avoir des effets positifs, il est nécessaire que soit créé en séance un contexte sécure et non jugeant, basé sur la confiance réciproque, et sur le res­pect des frontières entre celui qui vient en thérapie avec une demande d’aide et de changement et celui qui a la responsabilité de l’accueillir, et possible­ment de la satisfaire.

On comprend bien comment tout ceci demande la pré­sence de thérapeutes qui, au-delà d’une solide compétence clinique, aient une bonne connaissance d’eux-mêmes, et une capacité d’introspection pronon­cée, qui permettent d’évaluer l’opportunité et le juste timing pour dévoiler des aspects profonds de leur propre vie personnelle et professionnelle à des fins thérapeutiques.

Tout ceci s’avérerait au contraire improductif si cela n’avait que de simples finalités stratégiques, ou encore deviendrait dommageable si c’était alimenté par des problèmes de narcissisme personnel du thérapeute ou par une excessive centralité de sa part sur la scène thérapeutique.

Essayons de nous expliquer avec un exemple, pour mieux comprendre comment certaines formes de dévoilement de soi peuvent être inopportunes, même si elles sont animées de bonnes intentions.

Une histoire de succès qui éloigne : la tentative de suicide de Noémie

Un thérapeute rencontre depuis longtemps Noémie, une jeune fille qui a fait plusieurs tentatives de suicide, et qui a le sentiment de ne pas être aimée ni par son père ni par sa mère, qui se sont séparés de façon hostile il y a quelques années à cause de la trahison conjugale du père.

Encore aujourd'hui, il y a une guerre ouverte entre les deux ex-conjoints, qui participent séparément aux rencontres familiales, pendant que Noémie se sent prise entre deux feux, et deux loyautés scindées.

Le thérapeute voudrait interrompre les hostilités, en proposant une rencontre conjointe, dans laquelle les parents au moins une fois réussiraient à faire passer les besoins de leur fille avant leurs récriminations réciproques. Mais la chose est très ardue, car il faudrait abattre les murailles défensives des deux parties.

Pour atteindre cet objectif, le thérapeute pense utiliser des aspects de son expérience personnelle, qui sont entrés en résonance avec les problématiques de la famille. Lui aussi a souffert d'une séparation conjugale très hostile, qui a mis en crise sa fille adolescente ; et, animé par l'objectif d'aider le couple à se rencontrer pour le bien de Noémie, il dévoile quelques aspects de son histoire dans les deux séances suivantes auxquelles participent séparément les parents.

Il raconte l'histoire douloureuse de sa séparation, suivie par la description de la difficile mais nécessaire réconciliation avec son ex-femme, pour le bien de leur fille.

De fait, le thérapeute propose inconsciemment une histoire de succès, la sienne, face à une famille brisée, qui pense avoir échoué, et qui sera encore plus résistante, parce qu'elle ressent que le thérapeute ne réussit pas se mettre à leur place ni à se syntoniser avec leurs difficultés, en proposant sa propre solution.

Le thérapeute s'expose sans aucun doute sur le plan personnel, mais se trompe sur le moment et sur les modalités du dévoilement de soi, qui au lieu de favoriser un partage finit par créer une distance plus grande avec les membres de la famille.

Le dévoilement de soi est une modalité relationnelle à la base des psycho-thérapies humanistes, où le partage des aspects les plus humains de soi est l’élément fondateur du lien thérapeutique. Rogers (1961) et Jourand (1971) affirment que le dévoilement de soi favorise la construction de l’alliance thérapeutique grâce à la sincérité, l’empathie et la reconnaissance des clients, qui à leur tour ressentent la possibilité de s’ouvrir plus largement, une fois que le rapport hiérarchique expert-patient se transforme en une rela­tion plus paritaire et authentique.

Bien que les promoteurs du dévoilement de soi dans le cadre de la psychothérapie soient nombreux (parmi lesquels Whitaker & Simons, 1994 ; Bowen, 1978 ; Framo, 1992 ; Kramer, 1980 ; Roberts, 2005 ; Andolfi, 2015 ; Hill & Knox, 2002 ; White & Epston, 1989 ; Andersen, 1991 ; Yalom, 2017 ; Zur, 2007), il y a peu d’études et de recherches qualitatives qui explorent comment les patients ont expérimenté le dévoi­lement de soi de leurs thérapeutes, et quel impact cela a eu sur la relation thérapeutique (Audet & Everall, 2010). De plus, les auteurs et les écoles de pensée qui privilégient le plan cognitif et spéculatif, par rapport au plan affec­tif et expérientiel, tendent à affirmer que les clients doivent être protégés du dévoilement de soi du thérapeute, parce qu’il est trop idiosyncrasique et plus lié à la personnalité du thérapeute qu’à un corpus validé d’études sur ce sujet.

Une autre critique qui est soulevée contre le dévoilement de soi est le danger que les frontières éthiques de la relation thérapeutique puissent être franchies, surtout en ce qui concerne des domaines sensibles comme l’identité raciale, l’orientation sexuelle, les références culturelles, la croyance religieuse, etc. (Roberts, 2005).

Il est incontestable que, quand on choisit d’enlever son masque profession­nel, et d’exploiter son propre bagage d’expériences personnelles et profession­nelles en thérapie, on court de plus grands risques que lorsque l’on reste avec la tête « hors de la relation » et lorsque l’on se limite à offrir des stratégies et des prescriptions destinées à modifier des comportements perturbés, ou que l’on recourt aux médicaments les plus appropriés à la situation. Les risques du dévoilement de soi, cependant, sont assez relatifs, parce que ce seront les réponses des membres de la famille qui orienteront le thérapeute dans une direction ou une autre. La psychothérapie est cet art qui s’affine à travers un processus qui évolue entre essais et erreurs, comme l’affirment Yalom (2017) et Andolfi (2015).

On devient un thérapeute expert dans la mesure où l’on conti­nue à faire des tentatives pour ouvrir de nouvelles dimensions relationnelles, et à apprendre des nombreux obstacles et erreurs que l’on doit affronter dans la relation avec les patients. En ce sens, la rencontre devient encore plus pro­ductive et syntone, parce que les familles qui demandent de l’aide procèdent aussi parallèlement dans leur croissance par essais et erreurs. Par exemple, le thérapeute dont nous avons parlé précédemment à propos du dévoilement de sa séparation conjugale pourra tirer profit des réponses défensives des deux parents, et accepter de travailler encore sur leurs murailles défensives, au lieu de proposer de les franchir de façon prématurée, en suivant ses suggestions.

Il pourra peut-être dire aux parents de Noémie : « Je pensais naïvement vous aider en vous parlant de mon expérience personnelle ; mais, en réalité, je ne me suis pas rendu compte que pour abattre un mur, il faut du temps et la par­ticipation de chacun d’un côté et de l’autre du mur. Seulement alors, Noémie sera libre de se déplacer dans une direction ou dans l’autre. »

Comme dans toutes les disciplines, il existe à la base un problème d’appren­tissage sérieux et prolongé, pour apprendre à être au contact avec soi-même et avec les patients qui demandent de l’aide. Il ne suffit pas d’avoir une bonne âme et une prédisposition naturelle pour se connecter aux personnes sur leurs souffrances ou sur les domaines positifs de leur vie pour devenir thérapeute.

Ce sont plutôt des qualités humaines précieuses, à la base de leur motivation pour opérer dans le champ des relations d’aide. Le reste cependant advient au travers d’une formation continue et longue au cours des années et de la pra­tique clinique, afin de réussir à intégrer et à maîtriser les diverses composantes de son Soi, depuis la partie cognitive et réflexive, en passant par celle liée à la reconnaissance de ses sentiments, jusqu’à la partie expérientielle.

Ce voyage dans la connaissance de soi peut favoriser le dévoilement de soi et d’autres modalités d’intervention destinées à découvrir comment l’humanité et la créativité sont des composantes essentielles de son propre savoir et de son agir thérapeutique.

Il existe évidemment différents niveaux de dévoilement de soi, qui peuvent opérer plus en superficie ou aller plus en profondeur, et qui correspondent à la sensibilité ou à la maturité du thérapeute, ainsi qu’au moment et au contexte thérapeutique.

Dans tous ces cas, il s’agit d’un dévoilement de soi volontaire, c’est-à-dire d’un choix clair et conscient du thérapeute ; mais une grande par­tie de ce que nous révélons en thérapie est absolument involontaire, à tel point que Kramer dans son livre historique Becoming a Family Therapist (1980) (« Devenir un thérapeute familial ») affirmait qu’il est impossible de ne pas se dévoiler soi-même en thérapie.

Et aussi, quand nous cherchons à être absolu­ment neutres, comme si nous étions un écran blanc, nous révélons que nous nous cachons ; ce qui en résulte est un message trompeur. Se poser comme un écran blanc est une communication assez semblable au silence du thérapeute en séance, c’est un message plus fort que de nombreuses paroles, et cela montre qu’il est impossible de ne pas communiquer !

Par ailleurs, je suis toujours plus convaincu que ce sont justement les atti­tudes du thérapeute dès la première rencontre avec la famille qui en révèlent la personnalité et qui favorisent la plus grande ou la moindre confiance à son égard de la part des membres de la famille : sa façon de saluer et d’accueillir, de s’assoir et d’entrer en contact, de sourire et même la manière de poser des questions et d’écouter les réponses sont toutes des formes de communication. Les familles sont très curieuses et sensibles, et elles se font tout de suite une idée de qui elles ont en face d’elles. Elles peuvent observer comment est décoré le bureau, comment est habillé-e le/la thérapeute, comment est sa coiffure, sa montre, ses bagues, ses chaussures, son sac à main, etc.

Je me souviens d’une jeune fille de 18 ans qui, par reconnaissance, m’a offert à la fin de la thérapie une paire de chaussettes colorées, en me disant qu’elle avait observé les miennes dès la première rencontre, et qu’elle avait été frappée par leurs couleurs vives et originales, qui montraient comment j’étais une per­sonne très créative et optimiste.

Une mère, dans une rencontre de foïlow-up, me dit avec plaisir que j’avais conservé une part d’enfance parce que j’avais tou­jours un petit jeu dans les mains durant les séances. Ou encore, un mari plutôt monocorde et terne au début de nos rencontres, me confia qu’il avait été frappé négativement par mon bracelet d’argent (forgé par les indiens Navajos), qui lui semblait inadapté au poignet d’un professeur, quitte à le réévaluer au cours de la thérapie « parce que seules des personnes spéciales peuvent être sérieuses et responsables, et porter des objets alternatifs ». Récemment, lors d’une séance de couple difficile, la femme interrompt son discours et éclate de rire. Pour la première fois, elle avait remarqué le texte d’un petit cadre près de la fenêtre de mon bureau : Marriage is a mutual misunderstanding ( « le mariage est une incompréhension réciproque »).

Et cela l'avait fait éclater de rire, un peu comme si s’était produite une chute brutale de la tension face à une inscription si vraie et universelle. Je pourrais rapporter beaucoup d’autres exemples comme ceux que je viens de citer, qui nous font comprendre combien certains détails, peut-être insignifiants pour nous, peuvent révéler des aspects de nous, thérapeutes, qui sont considérés et interprétés diversement par ceux qui partagent avec nous le parcours de la thérapie.

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Le dévoilement de soi sur des événements de vie du thérapeute
Comme nous l'avons déjà dit précédemment, parler d’événements de vie personnelle en thérapie demande en premier lieu que le thérapeute ait acquis la liberté intérieure et la sérénité pour révéler des aspects parfois douloureux ou souffrants de ses expériences de vie, une fois qu’il a réussi à les élaborer au fil du temps, et à prendre ses distances par rapport à celles-ci. Tout ceci est dicté par l’idée que confier des aspects de soi peut favoriser une plus grande transparence et authenticité de la part des membres de la famille, qui pourront en tirer profit pour dépasser des situations d’impasse relationnelle et découvrir de nouvelles ressources. Évidemment, les dévoilements de soi du thérapeute devront être syntones et congruents avec les problématiques apportées par la famille, et s’effectuer dans un contexte basé sur la confiance réciproque.

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Source : L'authenticité en thérapie - Maurizio Andolfi - Éditions deboeck








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Pascal Patry
Praticien en psychothérapie
Astropsychologue
Psychanalyste

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