L'herméneutique et l'astrologie

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L'herméneutique et l'astrologie

Pascal Patry astrologue et thérapeute à Strasbourg 67000
Publié par Pascal Patry dans Astrologie · 16 Mai 2022
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L'herméneutique et l'astrologie

Extrait du livre " Écriture Céleste" de Christine Gonze Conrad

Le terme hermeneutica fut inventé par un théologien strasbourgeois au XVIIe siècle pour désigner l’art d’interpréter les textes sacrés afin d’en comprendre et d’en transmettre le sens.

Sans la nommer expressément « herméneutique », cette activité primitive de déchiffrage et d’interprétation des signes qui doit faire sens remonte à la nuit des temps.
 
Elle est fondamentale pour l’évolution de l’homme et une de ses expressions archaïques se trouve étroitement liée aux processus divinatoires en général, et à la divination astrale en particulier.
 
L’herméneutique se trouve au cœur du langage astrologique depuis que les prêtres devins mésopotamiens furent chargés d’interpréter, de comprendre et de transmettre le sens des textes divinatoire.
 
On retrouve l’usage d’une herméneutique classique chez les Pères de l’Église romaine attachés à définir les règles d’exégèse acceptables pour interpréter les textes bibliques et sacrés.
 
Sa fonction principale était essentiellement normative et elle s’étendait aussi aux textes de droit, de philologie et de science - dans le sens de connaissance -, et qui réclamaient un consensus d’interprétation.
 
La Doctrine chrétienne de saint Augustin a marqué l’histoire de l’herméneutique qui a fait loi jusqu’à la Réforme protestante du XVIe siècle. Quant aux règles d’interprétation de l’« écriture céleste », celles-ci furent codifiées au IIe siècle dans l’Almageste et le Tetrabiblos de Claude Ptolémée, qui définissait une herméneutique astronomique et astrologique.

Elle servit de référence jusqu’à la révolution copernicienne du XVIIe siècle pour l’Almageste, et en grande partie jusqu’à nos jours pour les règles d’interprétation astrologique du Tetrabiblos.
 
Au-delà d’une définition classique de l’herméneutique destinée à réguler l’interprétation des textes, une herméneutique plus universelle émergea au XIXe siècle. Elle voulait définir une méthodologie pour les sciences humaines, dont la philosophie, la psychologie, l’histoire, les lettres, la sociologie, l’anthropologie et autres sciences sociale, afin de leur donner un statut scientifique qui serait aussi respectable que celui qu’on accordait aux sciences naturelles, tout en étant mieux approprié à leur spécificité.
 
C’est d’abord dans l’Allemagne romantique que s’élabore une herméneutique qui définit les règles et les méthodes propres aux sciences de la compréhension.
 
L’idéal méthodologique des sciences pures - les sciences de la nature - qui sont quantifiables, répétables, prédictibles et explicables s’avérait inadéquat dans un domaine où les expressions de la subjectivité individuelle et collective, la qualité et l’imprédictibilité, la contingence et la variabilité, devaient être prises en compte pour arriver à une compréhension.
 
L’opposition, entre l’« expliquer » des sciences naturelles et le « comprendre » des sciences humaines fait toujours débat depuis deux siècles, y compris parmi les astrologues qui tentent d’expliquer l’astrologie comme une science, et ceux qui préfèrent la comprendre comme une herméneutique.

Note :

• Expliquer l’astrologie comme une science = traduire le ciel par une interprétation scientifique.
• Comprendre comme une herméneutique = révéler le sens par les échanges et le dialogue.
 
Friedrich Schleiermacher (1768-1834), théologien, philologue et philosophe, est le premier théoricien d’une herméneutique élargie à la psychologie.

On lui doit l’idée d’avoir replacé la compréhension d’un texte non seulement dans la syntaxe de la langue donnée, mais aussi dans l’interprétation psychologique du texte qui est « l’expression d’une âme individuelle ».
 
L’herméneutique s’engage également à reconstruire la genèse d’un texte et à remettre l’œuvre dans son contexte originel pour en interpréter le sens. Puis, tenant compte de l’hégémonie des sciences naturelles, l’herméneutique de Wilhelm Dilthey (1833-1911) tentait d’asseoir « la validité universelle de l’interprétation » afin d’établir une fondation épistémologique pour les sciences humaines (n'est-ce pas de cela que les astrologues ont besoin ?), qui serait moderne et objective en évitant de rester embuée dans l’idéalisme allemand, ou de tomber dans le positivisme comtien qui s’imposait à l’époque.
 
Dans le sillage de Schleiermacher, Dilthey affirme le caractère psychologique de l’herméneutique dont le but est de comprendre l’individualité à partir de signes extérieurs :
 
« Nous appelons compréhension le processus par lequel nous connaissons un intérieur à l’aide de signes perçus de l’extérieur par nos sens. »

Depuis lors, le recours à la psychologie, à l’importance du contexte historique et culturel, à une lecture analogique entre signes extérieurs et qualités intérieures peut être utilisé comme cadre épistémologique pour tenter de comprendre une herméneutique astrologique qui ferait sens à notre époque.

Enfin, face à l’impérialisme des préjugés de la science positiviste qui imposait ses méthodes jusqu’au domaine des sciences humaines, et même de l’herméneutique, un mouvement philosophique s’éleva et une troisième conception d’une herméneutique beaucoup plus large émergea.

Elle prit la forme d’une philosophie universelle de l'interprétation et marqua profondément la philosophie du siècle passé.

Celle-ci ne se contentait pas d’interpréter les textes ni de définir une méthode pour les sciences humaines, mais elle élargissait l’interprétation et la compréhension au processus de l’existence même.

Martin Heidegger (1889-1976) fut l’instigateur de cette nouvelle « herméneutique de l’existence ». C’est dans son sillage que nous rencontrons plusieurs personnalités marquantes pour l’herméneutique du XXe siècle, dont Rudolf Bultmann (1884-1976), Hans-Georg Gadamer (1900-2002) et Paul Ricœur (1913-2005) pour qui les approches philosophiques sont essentiellement fondées sur la dimension langagière et contextuelle de l’interprétation et de la com­préhension humaine.
 
L’importance extraordinaire accordée à la question du langage est sans doute la caractéristique de la pensée philosophique du XXe siècle.
 
Ce tournant linguistique offre un contexte relativiste qui invite aussi à considérer l’as­trologie sous un nouvel angle, plus propice à sa compréhen­sion, et où sa dimension langagière ne permet plus de nourrir de quelconques prétentions objectivistes pour l’expliquer en tant que « science ».
 
L’astrologie est une discipline hermétique par excellence. Elle requiert des astrologues qui la pratiquent des qualités d’herméneute - De herméneut(ique) ; du grec hermēneutē (tekhnē), ‘art d’expliquer’.
 
Dans ces deux mots, nous retrouvons la pré­sence d’Hermès le messager et l’interprète des dieux, l’image archétypale de l’herméneute. Médiateur, guide, passeur, inventeur de l’alphabet, de la syntaxe des phrases, patron des orateurs, Hermès donna aussi un nom aux choses qui n’en avaient pas.
 
Le dieu ailé est aussi ambigu que l’interprétation du langage, des textes et de la vie elle-même. Par sa lecture, son interprétation des signes et des symboles, l’astrologie est une discipline herméneutique.
 
Le terme « interprétation » vient du verbe grec hermeneuein qui revêt deux sens importants, tous deux présents dans l’art des astrologues. Ce terme désigne à la fois le pro­cessus de verbalisation qui consiste à exprimer en mots ou en signes quelque chose - Hermès est ici le messager -, mais il désigne aussi le processus de traduction - Hermès devient alors l’interprète.
 
Dans les deux cas, le processus herméneu­tique transmet le sens. Il y a un va-et-vient entre le messager et l’interprète, ou entre la pensée et la traduction de la pensée en discours, mais encore entre le discours intérieur et le dis­cours extérieur.

La recherche d’analogies qui existeraient entre le discours des planètes intérieures symbolisant des contenus de l’incons­cient et le discours des planètes extérieures qui personnifient diverses figures archétypales engage à la fois un processus de verbalisation symbolique et un processus d’interprétation des symboles dans le but de faire sens.

C’est au niveau du lan­gage qui offre des mots et des métaphores pour interpréter les expériences prosaïques de l’existence, et non au niveau d’une physique céleste encore à découvrir, que cet art mil­lénaire semble éclairer la vie
 
L’astrologie est avant tout une forme de langage symbolique qui noue au réel un rapport analogique (et c'est pourquoi la parole du consultant prévaut, elle doit être première, c'est sa réalité que l'astrologue doit préalablement entendre), poétique, mythologique, métaphysique, psychologique et philosophique.
 
En l’absence de modèle théorique expressément défini pour l’astrologie contemporaine - faute de recherches académiques adéquates -, nous pouvons approcher les phénomènes d’interprétation et de compréhension qui la concernent par le biais de plusieurs principes émanant de la philosophie herméneutique du XXe siècle.

On commence souvent par se comprendre mal, ou trop superficiellement. La démarche herméneutique inhérente à l’astrologie aurait dès lors pour but de proposer un modèle cognitif individuel qui offrirait une précompréhension de soi en projetant le symbolisme astral sur la réalité humaine.
 
C’est une étape intermédiaire qui incite à définir un idéal d’authenticité et de complétude que chaque individu est finalement seul à pouvoir déter­miner pour lui-même.
 
L’astrologie n’échappe pas au principe général d’herméneutique où la compréhension est affaire de dialogue et de remise en question jusqu’au moment où la production de sens est satisfaisante.

Élargir et amplifier le sens des mots par l’intermédiaire des images archétypales est une activité productrice de compréhension accrue.

La règle fondamentale de l’herméneutique tient dans sa structure circulaire, le cercle herméneutique, qui stipule entre autres que le tout doit être compris en fonction des parties et que chaque partie n’est compréhensible qu’en fonction du tout.
 
Toute compréhension commence par des bribes de compréhension anticipée basée sur l’histoire, la tradition, l’expérience, le contexte et les préjugés de l’interprète.
 
En herméneutique, il n’existe pas de compréhension objective et neutre a priori, mais bien un processus subjectif et contextuel qui s’en approche.
 
Appliquée à la compréhension d’un thème astral, la règle du cercle herméneutique invite à considérer que le tout - une personne, une situation, un événement, etc. - doit être compris par l’analyse de chaque partie du thème astral et qu’il est ensuite indispensable de faire la synthèse de toutes les parties analysées pour atteindre à une compré­hension du tout. Toujours à partir de la parole du consultant qui ne dit pas forcément ce qui, pour être aidé, devrait être dit et entendu.
 
Ensuite, comme il n’existe pas de compré­hension « objective et neutre a priori », il faut tenir compte des « bribes de compréhension anticipée » de l’astrologue, qui servent de préliminaire au dialogue qu’il entame avec son consultant.
 
Il s’avère plus producteur de sens de recadrer l’interprétation astrologique dans le contexte du consultant afin d’éviter, autant que possible, d’être victime des seuls pré­jugés et subjectivité de l’interprète.
 
L’astrologue et le consul­tant sont tous deux actifs dans le cercle herméneutique pour aboutir à la production de sens. En partant d’un certain degré de présupposition conditionnée par l’ensemble des règles de syntaxe astrologique, c’est grâce à l’expérience et à un dia­logue intérieur ou interpersonnel qu’il est possible d’arriver à une compréhension de plus en plus profonde et sensible de la personnalité symbolisée dans le modèle astral.
 
La compréhension du thème astral requiert donc une atti­tude participative et créative. Elle émerge grâce au dialogue qui s’instaure entre notre existence et les possibilités d’exis­tence révélées par la traduction du symbolisme astral.
 
Ce dia­logue qui est au cœur de l’astrologie archétypale participe d’un « mésocosme » (le monde intermédiaire de l’astrologie selon Gilbert Durand) qui encourage une « compréhension participative » (R. Bultmann) en reliant le macrocosme - les symboles célestes - et le microcosme - l’expérience d’un être humain.
 
Le thème astral représente une vérité à laquelle chacun par­ticipe de manière plus ou moins engagée. En nous appuyant sur la tradition et les expériences passées, nous sommes conviés à imaginer de nouvelles manières de traduire et de com­prendre la multiplicité des qualités attribuées aux symboles du zodiaque.
 
Ces divinités qui constellent l’univers astrologique sont porteuses des projections de valeurs humaines dont elles offrent un large éventail. À lui seul, Hermès-Mercure le divin fripon présente plus de quatre cents qualités.
 
Vénus peut se décliner en guerrière ou en amoureuse. Saturne est tantôt le grand maléfique et tantôt le dieu de l’âge d’or, etc.

Le rôle de l’astrologue-herméneute consiste à dévoiler le symbolisme astral correspondant à ces projections jusqu’à ce qu’il soit porteur de sens dans un contexte donné.
 
Face au déterminisme d’une interprétation littérale limitée et limitative, l’idée qu’il existe une multiplicité de traductions à différents niveaux de significations rend le dialogue astrolo­gique plus enrichissant et plus efficace.

Le sens n’est pas dans le symbole, il n’existe que dans son interprétation. En tant qu’herméneutique, l’astrologie n’appartient pas aux sciences exactes, mais bien à l’art des sciences humaines où toute vérité est relative à la perspective des observateurs.
 
Il n’existe donc pas une seule interprétation ex cathedra du thème astral - et du thème natal en particulier - car chaque observateur qui en traduira le symbolisme le fera sous un angle différent dans un mélange d’objectivité et de subjectivité inhérentes à sa propre nature, à sa culture et à son expérience.

Cela ne veut pas dire que l’on peut proférer tout et n’importe quoi en matière d’interprétation astrologique. Il existe une longue tradition où s’enracine le sens des symboles adoptés par les astrolo­gues qui les étudient et les traduisent.

Comme tout langage, l’astrologie a son vocabulaire et sa syntaxe avec des codes, des règles, des nuances et des interprétations qui connaissent une évolution nécessaire pour continuer à faire sens, comme c’est le cas pour toute langue vivante.

Article lié : La pratique clinique
 





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Pascal Patry
Praticien en psychothérapie
Astropsychologue
Psychanalyste

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